Dans mon travail, le lien entre la photographie d’architecture et l’archéologie est plutôt personnel ; il a plus à voir avec les expériences qui peuvent façonner une vision esthétique qu’avec un cadre théorique sous-jacent conscient. Ce cadre existe cependant, ainsi qu’un regard particulier sur les structures et la matérialité des surfaces directement issu de la compétence acquise par la recherche archéologique.
L’échelle de la photographie archéologique varie du plus petit objet à la peinture murale souterraine, jusqu’à la documentation complète d’un site de fouilles. Si la petite échelle s’est développée par la qualité d’observations matérielles, c’est au cours de ma longue implication dans la grande échelle du projet photographique que j’ai constitué un vocabulaire visuel ; celui qui lit les structures comme des composants d’un site ou d’un paysage.
Plusieurs années passées à explorer, fouiller et mettre au jour l’architecture dans le monde méditerranéen m’ont fourni une compréhension unique de cette connexion réciproque ; un savoir finalement devenu la base de ma pratique et une passerelle facilitant mon passage du paysage à la photographie d’architecture.
Lors de ma première visite dans le désert d’Atacama en 2007, je me suis retrouvée bloquée dans un vaste lieu désolé sans aucun repère à part des lagons asséchés, des volcans et des rochers épars de différentes tailles. Pour réaliser mon reportage, dans l’un des paysages les plus rudes de la planète, j’ai dû puiser dans mon expérience de la photographie archéologique et traiter ces formations naturelles comme autant de structures en ruines, vestiges d’une activité humaine ayant mené une bataille perdue d’avance contre le temps
Dès ma première tentative de photographier l’architecture, en décembre 1995, j’ai réalisé que je voulais que le bâtiment et le paysage racontent une histoire commune et forment un tout indissociable.
En repensant à mes années de formation en tant qu’étudiante de premier cycle en photographie, et plus tard en tant que photographe archéologique, bien que le paysage ait toujours été ma principale préoccupation et mon objectif, je ressentais déjà le besoin constant de localiser les « structures » et les insérer dans la composition dans un nouveau paysage composite.
J’utilise le mot « structures » dans le sens le plus large possible puisque, pendant plusieurs années, il s’agissait pour moi soit de formations naturelles comme des roches ou de la végétation, soit, surtout au début de ma carrière archéologique, de ruines.
La recherche de ces structures découle de la nécessité de localiser et d’explorer les relations entre ces éléments solitaires – presque comme des personnages de fiction – et le paysage ; la tension et le dialogue créés par le passage de l’un à l’autre éveillent la curiosité.
Les structures artificielles, donc construites par l’homme, sont toujours situées dans un environnement : un paysage naturel, urbain ou même abstrait qui ne cesse d’évoluer. La prise de conscience de ce contexte offre non seulement des informations et une meilleure compréhension de l’objet photographié mais aussi un aperçu des forces naturelles qui l’affectent et pourraient avoir façonné sa conception originale.
Erieta Attali
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