Une étape accidentée à travers la Gironde et la Haute-Vienne mais cependant riche en saveurs, surtout au départ. En effet, pour les suiveurs du Tour de France de Chroniques, les arrêts dégustation d’architecture contemporaine sont parfaitement balisés.
Un nouveau sprint à l’arrivée de cette étape est envisageable puisque le parcours, accidenté certes, offre peu de difficultés même s’il faudra aux sprinteurs chauffer les grosses cuisses pour encaisser une courte mais difficile montée en escaliers pour s’imposer dans le final. Il n’y a cependant plus vraiment d’étape de transition. Et si quelques baroudeurs insolents réveillaient les cadors de leur sieste ?
Avant de rejoindre Limoges, au départ de Libourne, pour cette étape apparemment sans enjeux, les suiveurs pourront joindre l’utile à l’agréable et, sans détour, prendre dès le matin la route des vins et des chais contemporains, avec pour chacun son étape dégustation.
« Chai du Château Cheval blanc : l’élégant », Christian de Portzamparc, Saint-Emilion, 2011
En 2011, Christian de Portzamparc a livré le nouveau chai de 5 250 m² du Château Cheval Blanc, propriété de Bernard Arnault et du Baron Albert Frère. Conçue en béton, la construction fait aussi office de promontoire pour admirer le vignoble. Tout dans le dessin du bâtiment rappelle la perfection du processus de fabrication du premier grand cru classé A de l’appellation, de la géométrie, à la lumière en passant par les matériaux. 52 cuves de plusieurs dimensions optimisent, comme un verre de dégustation, « l’oxygénation » du breuvage. La modernité de cette architecture « équilibrée » enrichit les vins racés du domaine, et réciproquement.
Le « Chai-Cathédrale » du château Faugères de Mario Botta, Saint-Emilion, 2011
À quelques parcelles du Cheval Blanc, Silvio Denz, qui a racheté le Château Faugères en 2005, a quant à lui fait appel au Suisse Mario Botta, livrant un bâtiment « franc » tout en lumière et en gravité, dans le plus grand respect de l’élixir ici concocté. Le chai s’intègre dans le paysage par la pureté et le classicisme des lignes. « J’ai imaginé un socle de pierre partiellement enterré, doté des espaces nécessaires à la production et à la conservation des barriques pour le vieillissement. Un seul élément architectural saillant se dresse au centre du bâtiment : une petite tour pour l’accueil du public et les activités de dégustation. En hauteur, une vaste terrasse couverte s’ouvre sur le paysage », expliquait alors Mario Botta lors de son inauguration. Moins onirique, le nouveau chai obéit aux recherches permanentes sur la qualité des vins, à tous les stades de la production par l’utilisation des technologies les plus en pointe.
« Un chai d’œuvre au Château La Dominique », Jean Nouvel, Saint-Emilion, 2014
C’est avec une sensibilité de voisin que le sarladais Jean Nouvel a élaboré le « nerveux » chai du Château La Dominique, pour abriter les barriques de l’autre grand cru classé girondin. L’édifice s’inspire des sculptures d’Anish Kapoor et contraste avec les autres architectures classiques du domaine. Clément Fayat, l’entrepreneur et propriétaire, a mandaté l’architecte autant pour des raisons techniques qu’architecturales. Le volume général semble tirer un trait horizontal au milieu des cépages.
Jean Nouvel a imaginé un bâtiment aux volumes purs, prenant appui sur le bâti en pierre de taille et s’élançant d’un trait horizontal dans le vignoble. Il se pare d’une « robe » en lame d’inox rouge de plusieurs nuances, rappelant celle du vin. La façade nord est transparente. Le grand miroir découvre à la nuit tombée la nouvelle cuverie. La terrasse offre un belvédère de choix sur la région.
« Dialogue entre séveux et minéral au Château Pédesclaux », Wilmotte&Associés, Pauillac, 2015
L’agence parisienne Wilmotte&Associés a élaboré un chai « distingué » tout en transparence, aux lignes pures dialoguant tant avec les vignes qu’avec l’environnement minéral de Pauillac. Le dénivelé du coteau a permis de déterminer la taille du bâtiment, voisin de constructions existantes. Le cuvier met en scène le processus de production du vin, tandis que le chai semi-enterré couve les fûts. Le château, sur lequel deux volumes vitrés ont été greffés, entre également dans l’ère de la modernité. L’aménagement paysager est très simple mais séquentiel. Il permet d’offrir aux visiteurs des cadrages, des vues multiples qui mettent en valeur le territoire de Pauillac et de Pédesclaux.
« De l’importance du jour et de la nuit au Chai Ballande », Baggio-Piéchaud, Médoc, 2014
Dans la course effrénée au bâtiment signal, le médoc n’est pas en reste. Cet édifice a été dessiné par une agence qui sent le terroir. L’agence bordelaise Baggio-Piéchaud propose un bâtiment « aimable » résolument contemporain, élégant et sobre, dévoué au stockage des vins les plus fins du groupe Ballande. Le projet s’intègre au paysage boisé de la forêt de pins, situé en bordure de la route du Médoc.
Tel un coffre-fort, il intrigue par sa seule présence, vaste volume de béton blanc se laissant voir à travers les pins. De nuit, un jeu d’éclairage souligne ses caractéristiques et sa matérialité, multitude de points lumineux émergeant des brumes médocaines.
« Le Château Barde-Haut : le bien vieilli », Saint-Emilion, Nadau-Lavergne, 2010
L’agence Nadau-Lavergne s’est fait connaître avec cette réalisation, pour laquelle elle a été nominée au prix de la première œuvre du Moniteur 2010. Les architectes ont réhabilité l’ancien chai en moellons de façon à composer avec le territoire et à lui ajouter ensuite une extension en Corten.
« Ce travail de mise en exergue de l’existant nous a permis de proposer un aspect plus contemporain pour les nouveaux volumes réservés aux cuviers et aux ateliers », se félicitaient les jeunes architectes alors. Les feuilles d’acier qui recouvre l’extension se « bonifient » même avec le temps, à l’image des crus locaux. À l’origine noir et « austère » comme le raisin, le bâtiment est aujourd’hui couleur rouille. Pour donner à voir, depuis l’extérieur, le processus de fabrication du vin, la façade ouest du volume est percée d’une large baie vitrée.
« Le chai, c’est de l’art russe », Saint-Emilion, Jean Nouvel 2018
Jean Nouvel, dont l’enfance s’est déroulée tout près de Saint-Émilion, avec la restauration du Château La Grâce Dieu des Prieurs, pour son second chai dans le quartier de vignes, a tenté de créer un espace qui allie les traditions viticoles françaises, les technologies de production modernes et l’art russe pour transformer le Château en un véritable objet d’art. Rien moins !
« Nous avons ajouté une touche de modernisme pour créer une entité nouvelle tout en gardant la continuité des traditions. L’architecture ne peut pas exister dans le vide, elle est née grâce à l’interaction de l’architecte avec le monde extérieur. Ce projet a pour vocation d’illustrer la vie d’un domaine viticole étape par étape. Partout, j’ai essayé de rendre hommage au travail des vignerons, à l’art russe et aux traditions françaises », explique Jean Nouvel.
« Chai Valandraud ou de l’immense qualité des paysages », Saint-Etienne-de-Lisse, Touton Architectes 2020
À un jet de bouchon, faire encore une halte à Saint-Etienne-de-Lisse pour découvrir le chai Valandraud signé Touton Architectes
Construit pour Thunevin SAS, le chai Valandraud est un ouvrage de 1 182 m² dont le bâtiment de vinification limite sa présence dans le grand paysage en venant se glisser dans l’empierrement courbe d’un talus existant. Sa partie émergente s’inspire directement de la beauté intemporelle et de la simplicité des bâtiments agricoles de la région.
L’enchaînement des espaces exploite la topographie du site pour répondre aux principes de la vinification par gravité : l’arrivée de vendanges se fait sous un vaste porche au niveau des passerelles du cuvier dont le sol est de plain-pied avec les chais d’élevages.
Le pan sud de la charpente métallique posée sur des piliers de pierre massive est étiré pour accueillir une large couverture de panneaux photovoltaïques permettant l’autonomie énergétique du bâtiment.
« Chai Carillon d’Angélus », Eric Castagnotto, 2019
À quelques kilomètres de là, pousser jusqu’à Saint-Magne-de-Castillon, l’architecte Eric Castagnotto a livré en novembre 2019, pour Château Angélus maître d’ouvrage, le nouveau chai Carillon d’Angélus, un bâtiment de 4 400 m², situé sur un terrain de 3,30 hectares.
L’ancien chai de Carillon d’Angélus, situé sur le domaine, était devenu trop exigu pour accueillir de nouveaux équipements plus performants et innovants. Sa situation en zone inscrite au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’UNESCO limitant les possibilités d’expansion et imposant de fortes contraintes architecturales, il a été décidé de créer un nouveau chai ex nihilo.
Résultat d’une réflexion tant technique qu’environnementale et esthétique, ce nouveau chai est semi-enterré avec une couverture végétalisée. Il présente une réception de vendanges avec un tri optique, un cuvier de vinification, un chai dédié aux fermentations malolactiques et un chai d’élevage. À terme, une ligne d’embouteillage et d’habillage pourra venir compléter ces équipements.
Ne restera alors aux suiveurs, qui auront déjà bien mérité (sans excès) de cette étape harassante, qu’à facilement doubler le peloton, rejoindre l’arrivée à Limoges et attendre un nouveau sprint. Après l’étape, dans la capitale du Limousin, les suiveurs pourront se restaurer selon les goûts d’un agneau du Limousin, d’une morue à la limousine ou de chou rouge à la limousine, avant une flognarde bien entendu. Le tout arrosé d’eau plate ou pétillante pour garder en bouche encore un peu les dégustations du matin.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018