Sur les routes de l’Ain, les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques éviteront les routes bondées pour un grand détour avant une arrivée en fanfare au Grand Colombier, 14 juillet oblige !
Avec la montagne à l’horizon, cette 13ème étape, assez courte, moins de 140 km sur les routes du seul département de l’Ain, ne présente aucune difficulté majeure, sauf en toute fin d’étape : la pastèque sur le gâteau, l’ascension du Grand Colombier, la « pyramide du Bugey » et ses 17,4 km à une pente moyenne de 7,1 %. Arrivés au pied du mur, les sprinteurs, les fatigués et les blessés s’organiseront en queue de peloton dans le groupetto, les prétendants au titre et au classement général ne pourront quant à eux pas se cacher. Mais un 14 juillet, sous le cagnard ou sous l’orage, les Français voudront briller et, comme personne ne les craint, ils auront peut-être un bon de sortie pour montrer le maillot.
Pour ce 14 juillet, Les routes du Tour seront bondées dès l’aurore, les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques feront donc aujourd’hui un très grand détour. Mais comme ils voudront être arrivés dans la salle de presse avant que ne commence la bagarre dans le Grand Colombier, ils se lèveront de bonne heure. Allez, un petit-déjeuner de confiture d’angurie (melon d’eau) et de miel d’acacia et c’est parti.
Les suiveurs feront un crochet vers le nord jusqu’à Treffort-Cuisiat pour découvrir la Maison Commune du village réalisée en 2021 par l’agence lyonnaise DLD, acronyme de Doucerain Lièvre Delziani.
DLD a inséré l’extension de ce bâtiment construit en 1875 en l’inscrivant dans la pente et en prolongation du soubassement de la mairie. L’agence réinstalle le projet vers l’Ouest par la création d’un parvis bas et d’un nouvel accès dans la continuité du champ de foire. L’intégrité de la construction historique est à la fois respectueusement conservée et amplifiée par cet ajout qui l’épaule et porte les signes de son époque en signifiant les 150 années qui séparent les deux périodes constructives.
Le nouvel ouvrage à simple rez-de-chaussée offre sa toiture comme un nouvel espace public accessible, un balcon opportun ouvert sur la vallée à l’Ouest. Le projet transforme les fonctions de l’édifice tout en projetant depuis la mairie le regard vers le grand paysage.
« L’extension profite de la pente pour s’encastrer dans le sol, en prolongement du soubassement du bâtiment existant, et offrir son toit en terrasse accessible », précise le trinôme.
Cet ouvrage fait la démonstration que le dialogue architectural entre deux époques constructives ne passe pas par une architecture adjuvante cherchant le pastiche mais bien par la narration des épopées constructives de chaque époque assumant distinctement leurs histoires et leurs époques.
De là, les suiveurs reprennent la route vers l’ouest pour atteindre Léaz et découvrir, au sein d’un paysage d’exception – les rives du Rhône, les massifs de l’Ain et ceux de Haute-Savoie – l’histoire du Fort l’Ecluse réécrite par atelierpng.
Le programme consistait en la revalorisation touristique du fort l’Écluse, un petit projet consistant en une salle d’exposition de 140m² et un accueil de 100 m². Ou comment atelierpng – Antoine (Pedro) Petit, Nicolas Debicki et Grichka Martinetti, partagés entre Paris et Voiron (Isère) – montre à quel point un petit projet peut être grand.
« S’il est aujourd’hui associé au paysage et au génie civil, le gabion est aussi intimement lié à l’architecture militaire. L’utiliser à nouveau, dans une opération de valorisation touristique, c’est faire entrer cette opération en résonance avec la roche, le site et l’ouvrage. Utiliser une maçonnerie sèche, la matière même du site faite de pierres déconstruites, c’est contenter un désir d’innocuité », explique l’agence.
Ici Atelierpng questionne la nature des ouvrages et leur datation, s’en saisit pour s’intégrer au mieux dans les couches historiques successives de cette imposante construction, à même la roche du Jura. Historiquement logé à flanc de colline, pour mieux voir arriver l’adversaire, le fort revalorisé raconte l’histoire militaire du lieu, de son architecture et de ses matériaux, de sa position singulière ancrée dans le massif.
« Les conditions délicates du chantier, au cœur d’un fort haut perché, ont amené à privilégier la préfabrication et la notion de chantier sec. Les découpes et déposes nécessaires à l’installation de la structure ont été réalisées dans une logique de parcimonie et d’économie de moyens. Les pierres issues des déposes ont été triées et concassées afin d’obtenir la matière première du projet. Deux murs fins de gabions ont été dressés et remplis en place avec ces produits de démolition », soulignent les architectes.
Les suiveurs redescendront alors plein sud dans les vallées, éviteront Genève, passeront en Haute-Savoie et iront faire un tour à Annecy pour rendre hommage à Maurice Novarina. Ils pourront commencer par une prière dans l’église Sainte-Bernadette. Construite dans les années 1960, elle offre une vision moderne d’un lieu de culte et manipule avec délicatesse la lumière naturelle qui y pénètre abandonnement.
La façade sur rue se décompose par une succession de voile béton qui apporte une lumière rasante dans le dos des fidèles et décompose le volume de l’édifice. La façade opposée cadre par un bandeau bas le jardin attenant, et porte le signe de la modernité. Le regard n’est plus contenu par un plein ou un vitrail, il est libéré et reste en contact avec l’extérieur.
Le Palais de Justice d’Annecy complète cette escale. Le bâtiment livré en 1978 marque une nouvelle étape dans le travail de Maurice Novarina. Le volume posé sur un socle formant esplanade est au centre de la parcelle et décline une symétrie complète. Ce volume décollé est posé sur quatre grandes piles porteuses qui offrent des porte-à-faux généreux formant coursive. L’usager approche le bâtiment par ses quatre faces, le débord du volume jouant le rôle de coursive et de seuil.
Le volume qui s’étire vers le ciel semble toiser la gravité en augmentant sa superficie à mesure que celle-ci augmente. La façade très largement vitrée reprend le principe de transparence mis en place à Thonon-les-Bains et symbolise ici le nécessaire besoin de celle-ci dans l’institution judiciaire. Des éléments en béton matricé apportent une sous-échelle et une volonté ornementale évidente. Ces motifs et cette matière fabriquent un cousinage amical avec la pierre de Rosette et offrent une délicatesse bienvenue.
En tout état de cause, dans les Alpes, Maurice Novarina, architecte savoyard est partout et les suiveurs n’auront aucun mal à retrouver ses œuvres en quelques détours.
Pendant qu’ils sont à Annecy, les suiveurs auront le temps de faire quelques courses aux Galeries Lafayette dont Manuelle Gautrand a livré en 2023 une impressionnante restructuration, ajoutant des « satellites » à la « soucoupe volante ».
Le bâtiment des Galeries Lafayette d’Annecy fait partie de ces patrimoines architecturaux inattendus et presque impertinents. Conçu dans les années soixante-dix, le bâtiment est posé sur le site de manière totalement indépendante, sans aucune recherche contextuelle, ni de forme, d’alignement, ou encore de densité. C’est peut-être là sa force : Il a marqué le site d’une empreinte audacieuse, mais il a aussi marqué les mémoires, au point de faire dorénavant partie de la liste des bâtiments remarquables du XXe siècle.
Le projet consistait en la restructuration et extension du grand magasin d’Annecy par la création d’un « mail » et de petites et moyennes surfaces de commerce, la restructuration d’un parking quasi unique au monde et l’aménagement paysager.
« Face à ces formes circulaires très présentes, nous n’avons pas voulu les nier, mais au contraire travailler sur des volumétries venant en extension qui soient également circulaires. La perception finale n’est pas celle d’un bâtiment existant « années soixante-dix » et de son extension déconnectée, mais au contraire d’une architecture unitaire, totalement revisitée et contemporaine », explique Manuelle Gautrand.
Ce sont précisément cinq satellites bâtis qui se disposent en grappes autour des volumes existants, le long des façades ouest, sud et sud/est. Ils forment désormais une sorte de constellation de volumes circulaires, où l’on finit par ne plus distinguer les volumes historiques des volumes neufs : le projet prend une nouvelle ampleur et donne tout entier l’impression d’une grande modernité.
« C’est ce que nous souhaitions : fondre le neuf dans l’existant, ne pas chercher de distinction stylistique, ne pas hiérarchiser : faire un tout, iconique et en même temps extrêmement humain et chaleureux », souligne l’architecte.
Le parking existant, installé sous cette forme d’anneau composé des deux niveaux de parking, posés sur pilotis, est conservé : sa courbe fédère le projet tout entier, et c’est tout naturellement qu’en sa sous-face est inséré le mail de desserte des Nouvelles Galeries, ainsi que la majeure partie des espaces communs.
C’est de ce parking que les suiveurs du Tour de France de Chroniques reprendront la route pour rejoindre l’arrivée au Grand Colombier. Comme pour les coureurs, il ne s’agit pas d’un jour férié pour eux et ils devront écrire ou réaliser leurs reportages du jour avant de pouvoir rejoindre la liesse de la fête nationale.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018