Pour l’APIJ maître d’ouvrage, Architecturestudio, avec Pizzarotti (mandataire, il s’agit d’un marché global de performance), va construire à Saint-Laurent du Maroni (Guyane), la future Cité judiciaire. Le programme : Tribunal judiciaire, SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation), PJJ (protection judiciaire de la jeunesse), la Maison de la Cité, le Centre Pénitentiaire. Surface : 40 700 m². Coût : n.c. Communiqué.
En entrée de ville, un projet inséré en lisière de forêt, au sein du quartier OIN Margot
La construction d’une Cité judiciaire à Saint-Laurent du Maroni s’inscrit ici dans une symbolique très forte, dans cette ville qui s’est constituée à partir du bagne, du Camp de la Transportation, fermé seulement il y a 70 ans et toujours très présent dans la mémoire des habitants. La croissance démographique de cette ville, qui accueille des flux migratoires importants, rend encore plus nécessaire la construction de cet équipement dans cette région, afin d’offrir à tous un accès à la justice.
C’est un nouveau visage de la justice qui sera présenté à l’entrée de Saint-Laurent-du-Maroni, avec un projet qui exprime clairement le changement de paradigme, remplaçant le bannissement par l’insertion.
Inséré en lisière de la forêt, au sein du quartier OIN Margot, il exprimera également un nouvel équilibre entre habitat et nature, et une gestion raisonnée des ressources naturelles, dans ce territoire ou la prégnance de la nature et la frugalité des modes d’habiter – par défaut – sont déjà réelles.
L’orientation des bâtiments a été décidée selon la logique urbaine des futurs aménagements, et en fonction des conditions d’ensoleillement et de vent. La densité du plan masse est maîtrisée, offrant un juste équilibre entre distances, bâtiments de hauteurs limitées et espaces aérés et généreusement arborés.
La Cité est constituée d’un Palais de Justice, d’un ensemble de bâtiments supports de l’administration judiciaire et Pénitentiaire, et d’un Centre Pénitentiaire. Le Tribunal, visible depuis la route nationale, est largement ouvert sur l’espace public. Il participe à l’image de l’entrée de ville avec une architecture forte, contextuelle et évocatrice de la culture Guyanaise.
En articulation entre le Tribunal et le Centre Pénitentiaire se trouve un pavillon ouvert sur la ville accueillant la direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ainsi que le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Protection.
Le plan masse du Centre Pénitentiaire a été conçu en priorité selon l’orientation du soleil et des alizées, afin de privilégier une bonne protection solaire et une ventilation naturelle optimale. Des espaces arborés généreux structurent le site offrant un juste équilibre entre une bonne proximité des bâtiments afin de réduire les distances à parcourir, et un espace aéré et généreusement arboré, afin d’offrir un rapport harmonieux entre espaces bâtis et espaces naturels.
Au cœur de la Cité du ministère de la Justice se trouve la Maison de la Cité, ouverte à tous les personnels travaillant sur le site. Les utilisateurs y accèdent en voiture par une voie réservée. Les fonctions sont organisées autour d’un grand patio ombragé : salles de formation, hébergement, restaurant, cafétéria, gymnase, offrant un cadre apaisé propice à la convivialité.
Le tribunal judiciaire
Une distinction claire est opérée entre l’architecture du Tribunal et celle des autres bâtiments de la Cité, afin de conférer au Tribunal une image forte, constituant la pierre angulaire du quartier. Une grande canopée en bois formant sur-toiture et façade protège un volume central en terre crue ainsi qu’une galerie périphérique de déambulation, ouverte sur l’extérieur, détachée du sol.
L’architecture évoque des composantes de la culture régionale de type tissage, vannerie, carbet, architecture traditionnelle en fibre végétale. L’écriture rigoureuse et symétrique d’une façade rythmée par des verticales évoque également l’archétype des colonnades des palais de justice.
Cette écriture à la fois contextuelle et monumentale affirme la solennité du Tribunal et son caractère protecteur et bienveillant. Le choix de matériaux biosourcés et géosourcés et la conception bioclimatique du bâtiment affirment les ambitions de l’Etat en matière de responsabilité environnementale, et contribuent à l’intégration du bâtiment dans son contexte.
La lisibilité de l’organisation intérieure exprime la notion de transparence de la justice et les valeurs démocratiques : depuis l’extérieur du bâtiment, la salle des pas perdus est visible, ainsi que les volumes des trois salles d’audience.
La séquence d’entrée vers le Tribunal a été pensée pour accueillir des familles qui viennent de loin, se déplacent en nombre, et qui patientent de longues heures à proximité du bâtiment. Des carbets offrent un abri aux visiteurs, en périphérie du Tribunal.
L’organisation par niveaux permet une séparation totale des populations : public/personnel/détenus ;
– au RDC se trouvent les fonctions d’accueil du public, en façade avant, et les espace d’attente des détenus, en façade arrière ;
– au R+1 se trouvent les espaces d’audience, entourés d’une circulation périphérique en anneau qui permet une étanchéité parfaite entre le public et le personnel. Cette Salle des Pas Perdus offre une vue apaisante sur le paysage ;
– dans les niveaux supérieurs se trouvent les espaces tertiaires réservés aux utilisateurs. Cette organisation permet une frontière souple entre les espaces dédiés au Civil et au Pénal, qui peut évoluer en fonction des besoins, dans la vie future du bâtiment ;
– Une extension a été dessinée à l’arrière du bâtiment, elle s’organise selon les mêmes principes de répartition par étages, dans le prolongement du Tribunal.
Le bâtiment SPIP/PJJ
Les locaux du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) et du pôle de la direction de la protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ) prennent place dans un même bâtiment, accessible au public depuis l’esplanade centrale, et au personnel depuis sa façade arrière.
Sa position au centre de l’esplanade exprime clairement la volonté de réinsertion dans la ville. Son écriture architecturale s’inscrit en cohérence avec celle du Tribunal et des autres bâtiments hors enceinte : un socle en terre crue percé de larges ouvertures accueille tous les locaux accessibles au public. La toiture et l’étage constituent un couronnement en bois, intégrant les fenêtres des bureaux dans un rythme régulier de pleins et de vides. Une galerie protège la façade du RDC des intempéries, et offre une circulation abritée pour les visiteurs se dirigeant depuis le parking vers les bâtiments. Ce péristyle encadrant l’esplanade unifie son expression architecturale et offre une protection continue sur tout le pourtour de la place, depuis le TJ jusqu’au porche d’accès au Centre Pénitentiaire.
La maison de la Cité
La Maison de la Cité est située dans une position centrale, tout en étant à l’écart des flux et des regards du public. A l’articulation entre les parkings du personnel et le reste des entités, elle constitue un espace de transition et de pause accompagnant la prise de fonction des surveillants. Mais il y a aussi, une Unité de formation avec une grande salle, des Espaces médico-sociaux pour le personnel, une grande salle de sport, des hébergements temporaires à destination des stagiaires ou toute autre personne venue effectuer une mission temporaire.
Elle est composée de plusieurs pavillons de tailles différentes, reliés par une galerie périphérique sur leur pourtour intérieur, coté patio, comme sur leur pourtour extérieur.
En son centre, un patio arboré offre un lieu de détente au personnel, à l’abri des regards. La terrasse du Mess s’ouvre vers ce jardin central. Les façades sont largement ouvertes, en ossature légère, afin de favoriser la ventilation naturelle à travers ces espaces, et d’offrir des connections visuelles entre les entités.
Le bon matériau au bon endroit
La création d’une cité du ministère de la Justice à Saint-Laurent du Maroni constitue un projet symbolique et de grande ampleur dans cette ville de l’ouest de la Guyane, située loin des grands équipements institutionnels, et dont l’histoire est indissociable de celle du bagne et de la colonisation française.
Les matériaux issus de filières industrielles sont majoritairement importés d’Europe pour répondre aux critères des normes européennes, et pallier l’absence de filières locales. Dès l’origine du projet, la recherche de matériaux biosourcés et géosourcés sur site est apparue indispensable. La nature du terrain, argileux, et la présence d’une industrie naissante de brique de terre crue ont permis d’intégrer ce matériau comme donnée d’entrée du projet. L’utilisation du bois local, exotique, est également rendue possible à travers une filière locale en plein essor, qui exploite les ressources dans le respect des critères de préservation de la forêt amazonienne. Le projet est l’occasion de renforcer le tissu économique local.
Les bâtiments de la Cité Judiciaire hors espaces accessibles aux détenus sont conçus à partir de cette combinaison de murs en terre crue et charpentes en bois, supports de sur-toiture qui abritent les édifices de la chaleur et favorisent une ventilation naturelle des espaces.
Dans cette région au climat extrême et aux ressources limitées, les données climatiques et les ressources naturelles locales se trouvent nécessairement au cœur de la stratégie de projet.