![Le Louvre](https://chroniques-architecture.com/wp-content/uploads/2025/02/01-Restes-du-mur-oriental-de-la-forteresse-du-Louvre-@Tangopaso.jpg)
Le Président de la République a annoncé le 28 janvier 2025 que sera lancé avant la fin du mois de février un concours international d’architecture pour la nouvelle entrée du Louvre ainsi que la construction de vastes espaces souterrains sous la cour Carrée, offrant un axe de circulation est-ouest. Aie !
Celui-là même qui en politique a quasiment tout raté, y compris sa propre dissolution, veut soudain s’occuper du Louvre, le joyau royal de la République ? Aie, aie, aie…
Encore faudra-t-il qu’il trouve en France des architectes à la hauteur des enjeux d’un tel projet. Je crains en effet que les matériaux de récup et le frugal à la Philippe Madec, particulièrement tendance aujourd’hui, ne soient un peu trop pauvres pour le faste et le prestige d’un palais ayant abrité tant de souverains et leur cour. En l’occurrence, puisqu’il s’agit d’abord d’une gestion des flux – Le Louvre, c’est tous les jours les Galeries Lafayette avant noël – il semble n’être pas venu à l’esprit du Président d’envisager le problème de la réduction du tourisme de masse, et donc des flux, autrement qu’avec une billetterie différenciée selon l’origine. Mais bon, puisque les touristes sont là de toute façon, autant les accueillir convenablement.
Ce d’autant plus que le Louvre n’est pas une plage avec parasols et crèmes glacée et anti-UV ou un bateau de croisière plus peuplé que certains pays mais un musée – pas n’importe lequel qui plus est – et, en ces temps d’acculturation extravagante, sans doute faut-il encourager le tourisme culturel. Ce d’autant plus que le Louvre est rentable ce qui pour un musée public est une performance en soi. La culture est une industrie, certes, mais quand elle est rentable dans plusieurs sens du terme, c’est plutôt bon signe. Voyez l’impact à Bilbao ! C’est toujours mieux que la gestion habituelle à la française de creuser le déficit sur le déficit comme pour le budget du pays.
Attention danger cependant parce que Vulcain ex-Jupiter,* pour ce qui concerne l’architecture, ne nous a pas jusqu’ici ébaubis d’audace. Le mentor du loto du patrimoine n’a eu de cesse de caresser dans le sens du poil un électorat vieillissant, le sien, attaché aux vieilles pierres, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour celui qui fut le plus jeune président du pays. Au vu de sa popularité actuelle, cela ne l’a pas vacciné contre la grippe.
De fait, Notre-Dame de Paris fut une occasion ratée. Depuis l’origine, toutes les époques ont toujours laissé des traces sur la cathédrale. Avec la dernière rénovation en date – un trompe-l’œil sans conteste – c’est bien simple, c’est comme si rien ne s’était passé à Notre-Dame depuis Viollet-le-Duc, ce qui ne nous rajeunit pas. Dans une ville percluse d’ABF, d’ACMH, de commissions du Vieux Paris, du vieux ceci, du vieux cela, ce président osera-t-il enfin un projet contemporain pour cette nouvelle entrée du Louvre, une bonne idée en soi ? Et si c’est le cas, est-il encore capable de ne pas tout faire capoter rien que d’y penser en se rasant ? Il suffirait qu’il remette toute la France dans la rue avec cette histoire…
Faisant référence au Louvre, le Président a relevé durant son discours que le musée est « de nos romans à notre cinéma, le lieu de toutes les rencontres, de toutes les illusions. Et il y a 40 ans, le Louvre a franchi une étape historique dans l’élan du Grand Louvre, porté par le Président Mitterrand ». Pour lui donc de se mettre dans les pas de Mitterrand – à quelles illusions pense-t-il ? – et pour nous de nous réjouir qu’enfin en France soient lancés des grands travaux – oups, un grand travail !
En effet, depuis l’homme à la rose pleine d’épines, sans compter Notre-Dame rénovée par des mécènes, quels sont les grands travaux de ses successeurs ? Le Musée du quai Branly de Jacques Chirac signé Jean Nouvel. Le Grand Paris de Nicolas Sarkosy certes, mais il est à peine invité aux inaugurations sauf dans le XVIe arrondissement de Paris. François Hollande a bien lancé en 2016 l’école de la photographie à Arles signée de Marc Barani, elle fut inaugurée en 2019 par l’alors ministre de la Culture Franck Riester. Et pour Macron ? Citons peut-être La cité de la Francophonie, dans le château de Villers-Cotterêts (Aisne) – Ah les vieilles pierres – ce qui tend à montrer que l’influence de la francophonie est selon lui empreinte de nostalgie, sinon cacochyme, et qu’elle sent le renfermé loin des yeux loin du cœur. La langue elle-même ne manque pourtant pas d’audace… Alors Le Louvre !
Pour Notre-Dame c’était facile, l’argent venait d’ailleurs et reproduire à l’identique ne faisait pas mal à la tête. Ici ex-Deus va devoir s’impliquer. D’autant qu’avec tout le battage médiatique qui a suivi sa présentation du projet, chacun a bien compris que c’est à lui qu’appartient la décision. Royal ! Alors, cette fois, pour la nouvelle entrée du Louvre et ses nouveaux souterrains, il faut espérer du Président un geste contemporain et, pour le coup, nul n’a envie qu’il échoue.
Le choix sera toutefois compliqué. Il ne fait aucun doute que depuis cette annonce sensationnelle, ça chauffe et ça cogite dans les agences d’architecture du monde entier. Le Louvre ! IM Pei ! La Pyramide ! Une nouvelle entrée ! Le concours n’est pas encore lancé que des équipes sont déjà en train de s’organiser dans des agences fébriles. Des Australiens seront sans doute sur le coup.**
Aux impétrants, rappelons cependant qu’il s’agit tout autant de la construction « de vastes espaces souterrains sous la cour Carrée, offrant un axe de circulation est-ouest ». Autrement dit, un travail de termites. Or généralement les architectes aiment ce qui se voit et rien que cela devrait décourager un certain nombre de m’as-tu-vu. Le risque en la matière, pour un président du jury peu au fait d’architecture, est qu’il s’appuie pour sa décision sur des James Bond de l’infrastructure – il ne s’agit après tout que de gérer des flux de masses – associés avec un architecte décorateur pour faire joli, comme ce fut le cas avec les gares du Grand Paris, les architectes gentiment associés à un artiste.
Or, à l’instar d’IM Pei et de son maître d’ouvrage, ce qui est essentiel ici, plus que les calculs précieux, est l’inspiration architecturale dont ce projet a besoin. Après avoir trop longtemps mariné dans un conformisme réchauffé, il faut espérer que Vulcain ex-Jupiter, aujourd’hui désavoué au sein même de ses fidèles cyclopes pour avoir beaucoup raté dans son costume trop grand, aura enfin le courage d’une architecture contemporaine et audacieuse qui ne soit pas recyclée par les grenouilles de bénitier.
Cette nouvelle entrée du Louvre sera peut-être alors pour lui, et pour l’histoire espère-t-il, une providentielle porte de sortie.
C’est toujours mieux qu’inaugurer les chrysanthèmes.
Et puis, c’était ça ou Versailles.
Christophe Leray
* Pour en savoir plus concernant l’origine de Vulcain ex-Jupiter, lire : Sonotone, livré par Amazon, à l’attention de l’Uber président
** Lire notre article Pyramide du Louvre, une découverte australienne