Pendant quatre ans (2019 – 2023), Charly Broyez et Laurent Kronental ont photographié La Grande Motte (Hérault). Au fil d’un voyage onirique entre réalité et fiction, les deux photographes ont certes mis en lumière son spectaculaire patrimoine architectural, des images cependant connues de tous. Le choix a ici été fait, au travers d’un triptyque,* d’explorer autrement cette ville singulière. Visite en intérieurs !
Jean Balladur est choisi par l’état, en 1962 pour concevoir, ex-nihilo, une station balnéaire. La Grande Motte deviendra l’oeuvre de sa vie. Ils n’auront été que deux, avant lui, au XXe siècle, à pouvoir relever ce défi : Oscar Niemeyer à Brasilia et Le Corbusier à Chandigarh. Aujourd’hui, La Grande-Motte compte 10 000 habitants à l’année et accueille environ 100 000 à 120 000 touristes en période estivale.
Photographier la station balnéaire de La Grande Motte s’est inscrit naturellement comme une suite logique de nos travaux sur les villes rêvées, les utopies réalisées, habitées, en transition ou à l’abandon. Le modèle des grands ensembles n’a pas été reconduit malgré l’architecture singulière et captivante de certains quartiers. La Grande Motte, à ses débuts incomprise, est aujourd’hui quant à elle devenue source d’inspiration.
Lors de notre première visite en 2019 – nous ne pensions pas à cette époque nous investir dans une série artistique au long cours et y revenir durant quatre années jusqu’en 2023 – nous avons été immédiatement séduits par le charme de cette ville. Son architecture spectaculaire semblait nous transporter dans un décor de science-fiction. Nous avons vite compris que La Grande-Motte offrait un potentiel photogénique exceptionnel, avec une richesse d’éléments architecturaux iconiques.
Jean Balladur, accompagné du paysagiste Pierre Pillet, avait anticipé une ville verte avant l’heure, dont la végétation ne s’épanouirait pleinement qu’un demi-siècle après la construction de la station. Aujourd’hui, cette végétation s’est épanouie au point de transformer certains espaces en véritables jungles urbaines. Pins parasols, palmiers, lauriers, tamaris et autres essences méditerranéennes se sont développés, donnant parfois l’impression que la nature a repris ses droits. Ce contraste entre une architecture audacieuse et une végétation foisonnante crée un univers unique, presque onirique.

L’architecture de Balladur est l’œuvre d’un plasticien, doté d’un sens aigu des formes, de la lumière et des ombres, des textures et de la profondeur. Elle donne envie de rêver, de s’évader. La station obtient en 2010 le label Patrimoine du XXe siècle pour son architecture contemporaine remarquable. Cette distinction est attribuée à l’ensemble de la ville conçue comme une oeuvre d’art totale et intemporelle. Rare sont les architectes à avoir pu imaginer une ville de ses tracés à sa réalisation, en passant par le choix de son mobilier et de sa végétation.
La Grande Motte est une véritable « Cité Oasis » où l’immersion dans la nature et le bien-être de ses habitants sont au cœur de la philosophie urbaine.

L’argentique grand format nous incite à souvent anticiper la construction de nos images tels des tableaux. Nous composons chaque élément pour trouver la plus belle harmonie, l’émotion la plus alignée avec notre ressenti du moment. Nous avons décidé au cours de notre projet de travailler avec un appareil photo pour deux, apportant chacun notre univers. La chambre argentique est un appareil fabuleux qui demande de la rigueur et de la patience. Elle nous oblige à ralentir, à faire des choix et à contempler. Elle offre un rendu inimitable, précis et soyeux, quasi cinématographique avec des tonalités et des couleurs superbes. Elle nous permet aussi de magnifier la géométrie d’une image en effectuant des décentrements de notre ligne d’horizon. Nous pouvons ainsi révéler des parties d’une image tout en restant parfaitement droit avec notre appareil.
Laurent Kronental et Charly Broyez
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* Découvrir l’intégralité du triptyque Cité Oasis : Totems ; Étang de l’Or ; Intérieurs