
Dans son éditorial Un Louvre à la dérive (La Tribune de l’Art, 19 novembre 2025), Didier Rykner estime qu’il « est urgent… d’annuler la partie “Grande Colonnade” du projet ». Il propose un scénario plus raisonnable.
Un Louvre à la dérive
Le Musée du Louvre traverse une période de tensions majeures, révélant un glissement de ses priorités et une dérive de son gouvernail architectural. Plutôt que de s’engager dans une rénovation urgente et pragmatique, le musée semble s’être laissé happer par un projet grandiose — et à bien des égards mal calibré : le plan « Grande Colonnade », pilier du programme dit « Plan Renaissance ». Selon l’analyse de Didier Rykner, fondateur de La Tribune de l’Art, ce projet « à 666 millions d’euros non étudié et non financé » relève d’un « grandiose et totalement inutile », qualifié de « mégalomaniaque ».*
L’oubli du primat de la sécurité
L’auteur rappelle que l’actuelle présidence du Louvre affirme avoir alerté sur les risques de sécurité dès son entrée en fonction — une affirmation jugée « un mensonge éhonté, facile à prouver », d’après le journaliste. Or, le rapport de l’Inspection générale du ministère de la Culture, évoqué par Rachida Dati, ministre de la Culture le 31 octobre, serait « accablant », et pour cette raison même bloqué à la publication. Cela pose une question fondamentale : à quoi sert un programme architectural titanesque, si les mesures vitales de sauvegarde d’un bâtiment patrimonial ne sont pas traitées en priorité ?
Une fuite en avant budgétaire
Il n’est pas seulement question d’architecture : la question budgétaire est tout aussi critique. L’article souligne qu’on compte aujourd’hui sur « quelque 300 millions de trésorerie actuelle », et il manquerait encore « au bas mot, plus de 350 millions que le Louvre espère faire financer par le mécénat ». Aucun mécène ne se manifeste pour le moment. Pire : pendant ce temps, « les travaux d’urgence ne sont pas menés » et le musée qui « paie des architectes internationaux pour participer à un concours d’un projet non financé » se voit contraint de surcroît de fermer les salons Campana (Vases grecs ancien sur 1 000 m²) dont les plafonds menacent ruine !
Repenser les priorités
L’appel de l’article est clair : « Il est urgent… d’annuler la partie “Grande Colonnade” du projet ». Au-lieu de vouloir à tout prix une nouvelle façade monumentale, l’auteur propose un scénario plus raisonnable : réaffectation d’espaces existants, création d’entrées supplémentaires à moindre frais pour désengorger l’aile Denon, voire déplacement de la Joconde dans un autre pavillon du palais.
Ce que révèle ce diagnostic est la nécessité urgente pour le Louvre — et pour tout grand projet patrimonial — de revenir aux fondamentaux : conservation, sécurité, efficacité. Un programme architectural prestigieux est bienvenu mais il ne peut pas être la première marche si le bâtiment vacille. Dans cette perspective, le « Plan Renaissance » du Louvre, tel qu’il est conçu aujourd’hui, apparaît comme une fuite en avant.
Jean-Claude Ribaut
*Lire Un Louvre à la dérive (La Tribune de l’Art, 19 novembre 2025)
* Lire également Le Louvre, concours international : à 135 boules, c’est cadeau ! (Chroniques d’architecture, 8 juillet 2025)