À Agen (Lot-et-Garonne), Ignacio Prego Architectures (Ignacio Prego & Rémi Souleau), avec François de la Serre (architecte associé), a livré en 2022 de nouveaux logements (9 700 m²) pour les stagiaires de l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP). Maître d’ouvrage : Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ). Coût 25 M€ HT. Communiqué.
(pré)fabriquer l’architecture : la figure de la cité jardin
Construire en moins d’un an, pour un millier d’habitants, des logements qualitatifs au cœur d’un site contraint, tel étant le défi de cette opération. La résolution d’une équation complexe : celle de la création d’une architecture à la fois standardisée et accueillante.
Le projet s’inscrit au sein d’un parc de 15ha très arboré, une parcelle étroite en dent creuse, bordée de constructions basses et massives. Un environnement périurbain clairsemé dans lequel l’exigence de densité rendue nécessaire par le programme a très naturellement révélé un des enjeux majeurs du projet : organiser une densité agréable à vivre en harmonie avec le campus de l’ENAP et ses alentours.
Si le modèle du Village est un idéal exprimé par tous, il y a un véritable risque contenu dans la programmation de cette opération : celui d’évoquer au contraire le Grand Ensemble, c’est-à-dire la très grande répétition d’un module unitaire de petite dimension, associé à une forte densité. Une frontière ténue qui risquerait de faire basculer le projet dans une typologie de logements de masse.
Afin d’éviter cet écueil, c’est le modèle de la Cité-Jardin qui nous a semblé le plus adapté aux enjeux du site et des impératifs programmatiques. Il permet en effet de conjuguer la dimension urbaine de petite échelle, celle du Village, avec une forme de production rationalisée, une certaine standardisation de l’habitat offrant à tous des conditions de vie égales et agréables.
Par la constitution d’une unité architecturale, la Cité-Jardin, permet, au-delà de la production d’un paysage harmonieux, l’optimisation du processus de conception. Cette logique de fabrication s’est trouvée d’autant plus adaptée au projet tant les délais courts et le site contraint nécessitaient la production d’un modèle constructif performant.
C’est dans ce même contexte que la préfabrication 2D mixte bois/béton a pris tout son sens pour l’élaboration du projet : une standardisation de la chambrée permettant de respecter un calendrier de projet ambitieux, dans une économie maîtrisée, tout en offrant un cadre de vie qualitatif aux futurs habitants.
Bien que préfabriquées, les façades relèvent de différentes typologies et évitent ainsi une écriture trop systématique.
La Cité-Jardin : une architecture rationalisée à l’échelle du village
Le modèle de la Cité-Jardin intègre une forme de répétitivité au sein d’un univers végétal. Ce dispositif, imaginé pour remédier à la crise du logement ouvrier au début du XXe siècle, permet de fédérer un quartier d’habitation résidentiel autour d’un paysage commun, pour que chacun puisse profiter d’un territoire paysager dans le cadre d’une densité « agréable » et d’une économie de projet maîtrisée.
Cette réinterprétation de la Cité-Jardin se traduit via différents dispositifs architecturaux. En premier lieu, l’instauration d’une générosité paysagère fait naturellement écho à ce modèle architectural. Au sein du projet, deux venelles jardins, encadrées par les corps de bâtis, permettent de prolonger l’esprit de « clairière », figure autour de laquelle s’organisent les bâtiments existants sur le site de l’ENAP.
Ces venelles de 9 m de large – soit la dimension d’une rue – forment un espace paysager de distribution et de déambulation et constituent le caractère résidentiel recherché. Le rôle de ces venelles est également celui d’introduire un facteur d’échelle, une transition fluide entre le campus de plusieurs hectares et la chambre de quelques mètres carrés. Elles invitent aux relations sociales entre les habitants et, en estompant la très grande répétition du module demandée par le programme, donnent une dimension domestique au lieu.
En ce sens, il s’agit également de proposer une hauteur de bâti atténuée afin de créer une volumétrie douce à l’échelle des bâtis environnants et de l’habitant. À cet effet, l’étagement des volumes avec un recul franc des étages permet de limiter la perception du bâtiment à celui d’un R+2, dans une échelle résidentielle sobre et qualitative, où l’œil peut percevoir le bâti sans l’associer à la démesure.
L’attention portée au rythme et à la composition des façades adoucit l’effet de répétition imposée par la densité du programme. Bien que préfabriquées, les façades relèvent de différentes typologies et évitent ainsi une écriture trop systématique couplée à une sensation d’hyperdensité. Le long des venelles, les bâtiments sont par ailleurs scindés par des failles toute hauteur qui aèrent la figure et lui confèrent une certaine transversalité. Au sud, les bâtiments sur rue sont distribués par des coursives qui s’ouvrent sur les venelles et les mettent en scène.
Au cœur de cette Cité-Jardin réinterprétée, la distribution des logements revêt un enjeu fort : desservir un demi-millier de chambres emprunte en effet plus au monde hôtelier qu’au résidentiel. Afin d’éviter tout caractère déshumanisant, il s’agit alors de conserver une logique d’appropriation nécessaire à l’habitat, de favoriser la notion de parcours et la relation au paysage.
Les dispositifs de distribution ont ainsi été pensés afin de limiter les cheminements intérieurs en couloir et de favoriser la déambulation : les circulations horizontales intérieures sont séquencées et éclairées naturellement. Ouvertes sur l’extérieur à chaque extrémité, elles offrent des terrasses et se transforment en espace de convivialité.
Les escaliers permettent quant à eux de fragmenter les volumétries et d’agrémenter la composition des façades.
« Nous avons travaillé une matérialité et des tonalités homogènes afin d’établir une identité à l’échelle du quartier. En périphérie de la parcelle, un parement en terre cuite dans des tons locaux clairs et chauds, renvoie intimement au paysage bâti de la région », soulignent les architectes. Côté venelles, un bardage métallisé en acier thermolaqué de même tonalité ramène de la lumière entre les bâtiments.