ZAC Paris Rive Gauche (XIIIe arrondissement), îlot Fulton, Ignacio Prego Architectures (Ignacio Prego et Rémi Souleau) a livré en septembre 2022, pour ICF Habitat La Sablière maître d’ouvrage, un programme comptant 115 logements sociaux, une crèche de 45 berceaux et un parking de 48 places. Surface : 9 987m². Coût : 21 M €. Communiqué.
Aujourd’hui, le monde prend conscience des changements inéluctables auxquels il est confronté. Malgré l’engagement d’un très grand nombre vers une décarbonation de l’économie, les gaz à effet de serre issus de la combustion des énergies fossiles se déversent dans l’atmosphère et produisent un réchauffement à l’échelle planétaire, significatif et malheureusement durable.
La capacité de l’ensemble des sociétés humaines à renoncer à la consommation des énergies fossiles est actuellement incertaine et même si chacun l’appelle de ses vœux, la hausse des émissions à l’échelle mondiale continue.
Alors même que l’évolution du climat parisien est loin d’avoir atteint son plafond, les températures ont d’ores-et-déjà déjà considérablement augmenté. La température moyenne sur l’année 2022 à Paris (14,3°C) a dépassé celle de Rome dans la période 1951-1980 (14,0°C), avec une distribution des températures estivales étrangement similaire.
A ce titre, outre l’enjeu de décarbonation des modes constructifs, l’adaptation des bâtis neufs et existants aux effets du dérèglement climatique devient l’autre enjeu fondamental. Les typologies architecturales de référence induites par ce changement profond de paradigme sont donc à chercher au sud de l’Europe, et invoquent des registres constructifs de masse, d’épaisseur et de pondération des percements. Il s’agit donc de produire une architecture apte à faire face à des températures extrêmes qui deviendront courantes.
La proposition pour l’Ilot Fulton développe un ensemble de dispositifs architecturaux qui, additionnés, permettent de limiter considérablement l’impact thermique des périodes de fortes chaleurs à l’intérieur des logements et les effets d’ilot de chaleur urbain :
– la compacité verticale des constructions qui permet de libérer le sol afin d’augmenter les zones plantées et de limiter les effets de réchauffement urbain liés à l’artificialisation des sols dans une dynamique de densité désirable ;
– une végétation dense et généreuse dans les cours et sur les terrasses qui permet d’abaisser sensiblement la température de l’air et apportent ombre et conforts visuel, créant ainsi un véritable îlot de fraîcheur. L’implantation d’arbres et de nichoirs participent également à la protection d’espèces d’oiseaux locales et crée un relais de biodiversité ;
– des façades actives, grâce à la mise en œuvre systématique de volets mobiles sur l’ensemble des baies et de moucharabiehs sur les balcons. Cette grande ombrière présente sur 50% du linéaire de façade permet aux habitant de réguler les apports solaires selon leurs besoins. Ces volets perforés permettent également d’assurer une ventilation naturelle constante, même en position fermée, formant un véritable plénum ventilé ;
– la pondération maîtrisée du nombre et de la dimension des ouvertures aux embrasures augmentée (60 cm), ainsi que l’utilisation d’enduits de teintes claires sur les façades participe au rafraîchissement passif des bâtiments en limitant la surchauffe l’été, tout en favorisant une luminosité constante en hiver grâce au potentiel de réflexion de la lumière ;
– l’isolation par l’extérieur, l’inertie maçonnée des murs et des planchers offrent l’opportunité d’emmagasiner la fraîcheur nocturne pour la restituer durant la journée. De plus les logements à double – voire triple orientations créent les conditions d’une ventilation naturelle nocturne.
L’ensemble de ces dispositifs passifs crée un véritable effet d’îlot de fraîcheur qui a permis de constater, lors du dernier épisode de chaleur de juillet 2022 (41°C mesuré), un différentiel intérieur/extérieur de -10 à -12,5°C, c’est-à-dire un effet similaire à celui d’une climatisation.
Jadis considérées comme tempérées, l’évolution rapide et radicale des températures impose des réponses architecturales adaptées pour préserver une adéquation essentielle entre l’architecture et son contexte.
Equilibrer le rapport bâti / non bâti
La densification verticale du bâti permet de libérer le sol et d’augmenter les surfaces de pleine terre. Ceci favorise un rapport privilégié avec le végétal, dont le rôle est essentiel au regard du confort d’été. Cette très forte présence du végétal se formalise par une forte densité d’arbres de hautes tiges en pleine terre à rez-de-chaussée et la mise en place de terrasses puissamment végétalisées dans les étages.
Ces éléments participent non seulement à augmenter l’isolation du bâtiment mais aident également à lutter contre les effets d’îlot de chaleur urbain. La végétation crée des ombrages filtrants sur les bâtiments et les individus, les sols plantés se chargent naturellement en humidité et contribuent au processus d’évapotranspiration des végétaux, permettant d’abaisser sensiblement la température de l’air au cœur de cet îlot ouvert.
Un des autres enjeux relatifs au rapport au sol est celui des contraintes liées à la présence de la Seine. Aussi, si l’étanchéité des caves et la surélévation du rez-de-jardin répondent au classement du site en zone PPRI, ces dispositions anticipent, d’autre part, une des conséquences du réchauffement climatique à court terme : l’augmentation et l’intensification des épisodes pluvieux et, par extension, des inondations.
La mise en œuvre d’espaces de pleine terre et de toitures végétalisées s’inscrit également dans cette démarche et permet une rétention optimisée des eaux pluviales afin de limiter le débit de fuite. La viabilité des dispositifs à l’œuvre ne saurait cependant perdurer sans en anticiper la facilité d’entretien.
A ce titre, la végétalisation des zones à rez-de-chaussée et des toitures terrasses en parties communes non accessibles a été privilégiée afin de garantir une maintenance professionnelle de ces espaces. L’implantation d’arbres et de nichoirs dans ces zones protégées non fréquentées par les locataires participe par ailleurs à la protection des espèces d’oiseaux locales et, dans une démarche de libération des toitures et de création d’un relais de biodiversité, s’inscrit dans la trame verte développée au cœur de Paris.
Eliminer les apports solaires excessifs
Une des fortes particularités de ce projet réside dans la mise en œuvre systématique de protections solaires mobiles sur l’ensemble des baies et fenêtres permettant aux habitants de réguler les apports solaires selon les besoins.
Des volets extérieurs perforés en aluminium, conçus à la manière des moucharabiehs, sont ainsi déployés au niveau des balcons. Ils forment une grande ombrière qui limite l’échauffement du bâtiment sans pour autant détériorer le confort visuel. Grâce à leur configuration, ils assurent un taux de ventilation naturelle suffisant même en position fermée et constituent ainsi un véritable plénum-ventilé. De plus, avec 50% du linéaire de façades protégé par les débords des balcons filants profonds, les espaces extérieurs participent à maîtriser la protection solaire des logements par la formation de ce masque brise-soleil.
La réflexion s’est également portée sur la différenciation des typologies de percements. Ainsi, les baies vitrées sont uniquement situées en fond de balcons, où ces dernières sont naturellement protégées. Au nu des façades, les baies sont entourées par des ébrasures de 60 cm qui forment un tableau saillant et limitent la pénétration du rayonnement solaire à l’intérieur des appartements. Ce dispositif interprète de manière contemporaine le rôle de embrasures épaisses des architectures traditionnelles méditerranéennes.
L’enduit clair des façades participe quant à lui au rafraîchissement passif des bâtiments en limitant la surchauffe due à une trop grande absorption des rayons solaires en été, tout en favorisant une luminosité constante en hiver grâce au potentiel de réflexion de la lumière qu’il révèle.
Rafraîchir la température de l’air
Grâce à la mise en œuvre d’une isolation par l’extérieur, l’accès à l’inertie maçonnée des murs et des planchers est valorisée par l’opportunité qu’offrent ces éléments d’emmagasiner la fraîcheur nocturne pour la restituer durant la journée. Dispositif déterminant pour limiter considérablement l’augmentation des températures à l’intérieur des logements.
De même, les logements à double, voire triple orientations créent les conditions d’une ventilation naturelle nocturne augmentée. Diversification des faces extérieures des logements qui permet de réduire le rayonnement solaire ainsi réparti tout en conservant un éclairement naturel qualitatif à l’intérieur des habitations.
En couplant l’inertie maçonnée avec les différents systèmes de protections solaires évoqués plus haut, les habitants sont plus à même de maîtriser la température de leur habitation grâce à des processus simples et performants.
La nuit, les habitants ouvrent les fenêtres pour ventiler la pièce et refroidir la masse des murs et des dalles grâce à la fraîcheur nocturne. Le jour, ils abaissent des volets et ferment les fenêtres pour limiter les apports solaires et surtout conserver la fraîcheur emmagasinée durant la nuit.
« Sur la base de ce scénario d’utilisation, nous avons pu constater un différentiel de 12,5° entre la température intérieure maintenue à 28,5° alors que l’air extérieur montait jusqu’à 41°en fin d’après-midi », indique l’agence. Jadis considérés comme tempérés, l’évolution rapide et radicale des climats, impose des réponses à la hauteur de ce changement majeur de paradigme.
Ce projet démontre la capacité de l’architecture à proposer des dispositifs simples et efficaces d’adaptation des constructions en capacité d’apporter une réponse environnementale, car passive, à ce nouveau défi aussi urgent qu’enthousiasmant pour notre génération d’architectes.
Méthode
Alors même que l’évolution du climat parisien est loin d’avoir atteint son plafond, les températures ont d’ores-et-déjà déjà considérablement augmenté. La température moyenne sur l’année 2022 à Paris (14,3°C) a dépassé celle de Rome dans la période 1951-1980 (14,0°C), avec une distribution des températures estivales étrangement similaire (voir figure ci-contre).
En utilisant des stratégies et des outils appropriées nous pouvons minimiser l’échauffement des logements de manière passive et économe en énergie. Afin de constater les effets directs et concrets de la mise en œuvre de ces stratégies, nous avons analysé lors de la dernière période caniculaire (été 2022) les températures mesurées à l’extérieur (à 8h, 16h et minuit) et les températures mesurées à l’intérieur des logements aux mêmes moments.
En employant la méthode du « free cooling » qui consiste à utiliser les conditions extérieures favorables en ouvrant les fenêtres pendant la nuit pour permettre à l’air extérieur de circuler à l’intérieur, afin de rafraîchir les espaces intérieurs en évacuant la chaleur accumulée pendant la journée, nous pouvons constater un différentiel de -10 à -12.5°C entre les températures intérieures et extérieures. C’est à dire un effet similaire à la climatisation.