Le 4 février 2025, Rachida Dati, ministre de la Culture, présente le nouveau volet de la Stratégie Nationale pour l’Architecture (SNA) (qui ne date que de 2015. nda). L’Académie d’Architecture tire la sonnette d’alarme : « dans un contexte politique difficile, on ne peut mettre en péril la loi sur l’architecture de 1977 ».
Lors de ses vœux à l’ordre des architectes, la ministre, également maire du VIIe arrondissement de Paris, citée par Batiactu (16/01/2025) a indiqué que cette stratégie « très élargie » permettra de « démocratiser » l’architecture et de « rendre les architectes incontournables » auprès des « collectivités territoriales et des élus locaux ». L’Académie d’architecture estime cependant que « tout y est dit dans la loi de 1977 » et remarque que sa complète application ne sera effective qu’avec la mise en place d’un « cadrage réglementaire adapté aux enjeux contemporains de l’architecture ». Tribune.
L’intérêt public de la réhabilitation
Une nouvelle urbanité s’inscrit sur le tissu de la ville existante comme l’expression de notre époque rompant avec un modèle urbanisme d’expansion de la construction neuve et de démolition de l’existant. Le réemploi et la citation sont la matière même de l’architecture, construisant une nouvelle strate de son histoire dans, sur, à proximité de l’existant.
La nécessité d’économiser les ressources en énergie, en matériaux, de protéger les sols et de limiter l’empreinte carbone des activités du bâtiment conduit l’architecture à être aujourd’hui, d’abord réhabilitation et transformation du bâti existant. La rénovation énergétique notamment, dont les enjeux politiques et économiques sont considérables est une priorité des politiques publiques et des acteurs de la construction.
Alors même que ces travaux sont d’ampleur et impactent la qualité architecturale et urbaine, les usages d’un site et l’espace public, le cadre réglementaire de cette action, qui concerne la presque totalité de notre habitat et de nos équipements publics, s’appuie sur des prescriptions techniques très normatives. Considérer la réhabilitation comme un acte simplement technique est contraire à la loi sur l’architecture de 1977. Celle-ci énonce dans son article 4 (extrait) que « Le recours à l’architecte n’est pas…obligatoire pour les travaux soumis au permis de construire ou à autorisation… [s’ils sont] limités à des reprises n’entraînant pas de modifications visibles de l’extérieur ».
L’esprit et le propos de la loi visent la préservation de la qualité architecturale de l’espace public et de l’espace visible. Là où se manifeste le caractère d’une ville ou d’un village, d’un centre ancien comme d’un quartier du XXe siècle. L’article 1 dans sa généralité dit aussi « La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public… ». Tout est dit là….
La loi sur l’architecture de 1977 est un bien commun que des intérêts particuliers pourraient mettre en danger aussi l’Académie exprime-t-elle les plus grandes réserves devant toutes les intentions louables mais périlleuses de sa modification. Si rien dans la loi de 1977 n’exclut la réhabilitation (les missions de réhabilitation seront d’ailleurs définies dans la loi MOP en 1985), le constat est établi que les travaux de réhabilitation des bâtiments privés et publics prennent insuffisamment en compte l’enjeu architectural et urbain de la transformation d’un bâtiment.
La majorité des travaux de réhabilitation sur le bâti existant est soumise à déclaration préalable, ainsi la réhabilitation d’un ensemble de milliers de logements, bien que parfaitement « visible » peut être réalisée sans qu’elle soit considérée comme acte architectural alors que la médiocrité d’un habillage des façades fragilise la durabilité d’un bâtiment, son usage et sa solidité, avec l’emploi de matériaux sans qualités ; elle dégrade son esthétique et son urbanité.
L’Académie jugerait bénéfique la promulgation d’un décret d’application de l’article 4 de la loi afin de définir la notion de « visibilité de l’extérieur ».
De même, une modification du champ d’application des autorisations d’urbanisme, donnerait un cadre réglementaire aux travaux de réhabilitation des bâtiments (en particulier la réhabilitation des logements sociaux) en rapport avec leur importance architecturale et urbaine.
L’immense chantier de transformation de nos villes et territoires, de nos modes d’habiter la planète se réalisera avec l’adhésion de tous. Les politiques publiques, les architectes et tous les acteurs de la construction ont la responsabilité d’informer le public des enjeux environnementaux, mais aussi culturels.
L’Académie d’architecture privilégie la diffusion auprès du public des savoirs en architecture, en paysage et en urbanisme, mais la volonté de convaincre doit s’accompagner d’un cadre réglementaire adéquat évoluant avec la société, en s’appuyant sur la permanence d’une grande loi.
Académie d’architecture
Paris, 14 janvier 2025