Dans la Zac Paris Clichy-Batignolles les agences viennoise Querkraft et parisienne Sam architecture (Boris Schneider) ont livré en 2019 un programme de 127 logements sociaux (dont une résidence sociale de 50 logements ; Karawitz – architecte MOE de réalisation), une école maternelle de six classes et une crèche de 66 berceaux pour Immobilière 3F / Ville de Paris maître d’ouvrage. Collaborer plutôt que s’affronter ? Communiqué.
Le contexte
Le projet de la ZAC Clichy-Batignolles représente plus de 54 hectares. Situé dans le XVIIe arrondissement de Paris, il s’agit d’un des projets d’urbanisme les plus ambitieux actuellement menés par la ville.
Le site est historiquement marqué par des activités logistiques et de transport liées à la présence des voies de la gare Saint-Lazare et du boulevard périphérique proche.
Le principal enjeu de cette ZAC aura été de créer un environnement bâti dense et de réengager cette enclave ferroviaire dans une nécessaire continuité urbaine.
Le quartier est organisé autour du Parc Martin Luther King qui le traverse longitudinalement, jusqu’à l’emblématique tribunal de Paris qui surplombe le nord de la ZAC.
Le lot O6A revêt un rôle primordial entre l’axe urbain de la rue Mstislav Rostropovitch sur son flanc ouest et l’étendue du parc à l’est. La question des transversalités et des vues créées entre les deux espaces est essentielle à la conception du projet.
Le projet conçu par les agences Querkraft à Vienne et Sam architecture à Paris traduit les enjeux clefs du lieu. La combinaison des contraintes a été exploitée par l’équipe pour produire une réponse qui s’inscrive le plus justement possible dans l’espace.
Alors que les deux agences sont retenues pour participer, elles décident d’organiser deux workshops ensemble, à Paris et à Vienne. Ce travail commun leur permet de remporter le concours et de mettre en valeur leurs expériences spécifiques.
Volumétrie
Le premier parti pris du projet est de libérer un maximum d’espace au sol et de favoriser l’ensoleillement des cours de l’école et de la crèche.
Le choix de limiter l’empreinte des logements et d’exploiter les possibilités offertes par le PLU sur la ZAC permet de regrouper les logements dans deux immeubles, atteignant jusqu’à 50m de hauteur. Ces deux émergences sont réparties dans la diagonale nord-sud de la parcelle. Cela permet de dégager un ensoleillement maximal pour les cours de récréation. Ainsi, à midi, l’ombre de la tour couvre essentiellement la toiture de la crèche.
La volumétrie résultante s’inscrit dans le rythme des constructions alentour : la tour de logements est placée à l’extrémité sud de la parcelle, situant les commerces à l’angle stratégique : au croisement de la traversée parc-passerelle et voie nord-sud. Ce bâtiment répond à l’immeuble de 50m du lot 04 et cadre ainsi la traversée du parc côté «ville».
La résidence sociale est située dans un volume à R+7. Ce bâtiment se tourne vers le parc et perpétue le mouvement des émergences alternées. Ainsi, l’impact des masses sur le lot 06B se trouve minimisé tant en termes de vis-à-vis que d’ensoleillement.
Cette disposition permet aux équipements de se développer en coeur d’îlot en embrassant les deux volumes émergents pour former les débords de huit mètres règlementaires vis-à-vis des cours scolaires. L’implantation des volumes permet également de multiplier et d’élargir les vues à travers la parcelle en dé-densifiant le front bâti sur la voie nord-sud. Ainsi, le projet participe à cet équilibre des masses bâties, composé d’émergences de 28 et de 50 mètres, réparties entre la façade «parc» et la façade «ville».
Le projet prend le parti de s’ouvrir largement sur le parc. A travers notamment la faille qui rend lisible le parc depuis la rue et justifie ainsi la position de la crèche au rez-de-jardin (normalement interdit par le PLU). Ici encore, la contrainte se transforme en élément fort du projet. «On peut, depuis la rue, voir la frondaison des arbres de la cour située au niveau du rez-de-jardin. La végétation du parc constitue un arrière-plan paysager à cette percée qui offre des vues sur le lointain», soulignent Querkraft et Sam.
Les logements familiaux, le commerce et l’école sont directement accessibles depuis la rue, tandis-ce qu’on accède à la crèche et à la résidence sociale depuis la venelle plantée, aménagée en limite ouest de la parcelle, créant une nouvelle porosité vers le parc.
Au-delà du Plan Climat de Paris, la ZAC Batignolles est dotée d’un cahier des charges environnemental exigeant. Pour y répondre, la résidence sociale est ventilée en double-flux, la toiture des logements familiaux est recouverte de panneaux photovoltaïques, puis la toiture de l’école, ainsi qu’une partie de sa cour, sont plantées pour retenir les eaux de pluie et réduire les îlots de chaleur.
L’usage
Les espaces de l’école et de la crèche répondent à une préoccupation : celle de créer une valeur d’usage à des espaces a priori secondaires. Une circulation peut devenir une pièce supplémentaire, l’antichambre d’une salle de classe pendant des travaux en petits groupes… Le but est de proposer un maximum d’usages à un espace, que chaque pièce puisse potentiellement abriter plusieurs fonctionnalités.
Ces potentialités de l’espace soutiennent l’idée qu’il doit être possible d’y accueillir plusieurs usages, plusieurs moments. L’école peut ainsi devenir le cadre d’autres activités une fois les cours terminés, les espaces de circulation du bâtiment doivent se montrer accueillants et ouverts à de nouvelles appropriations.
Ainsi, la présence de l’estrade qui cadre une vue privilégiée sur Montmartre donne une valeur ajoutée à l’espace qui l’accueille. Il ne s’agit plus d’un simple lieu de croisement des flux, mais d’un espace utile, mutualisable et flexible où il fait bon s’arrêter, d’une pièce qui crée des possibilités d’appropriation nouvelles pour ses jeunes utilisateurs.
Au-delà, l’architecture se veut adaptée, flexible, à plus long terme. Le choix d’une structure en poteaux-poutres et d’un cloisonnement intérieur léger des espaces scolaires en est la preuve. Il est complètement envisageable de recloisonner le bâtiment dans le futur pour lui permettre d’accueillir de nouvelles fonctions sans en altérer l’architecture générale.
Cette idée permet de penser un bâtiment qui respecte à la fois les intentions de ses architectes, mais aussi et surtout celles de ses utilisateurs à venir.