« Station numixs » est un programme de 2 843 m² SDP livré par Francis Soler à l’automne 2024 à Sarcelles (Val-d’Oise). Comment est né un tel bâtiment à la façade de basalte ? En voici l’histoire au travers du carnet de croquis de l’architecte.
L’idée d’envelopper la totalité de la forme ronde que j’avais donnée à la Maison du Numérique, appelée aujourd’hui « Station numixs », à Sarcelles (Val-d’Oise)* à partir de différentes pièces de basalte pur m’est venue après que j’eus l’occasion, par deux fois, d’expérimenter la mise en œuvre de ce matériau – mais à plus petite échelle – sur mes opérations dites des Bons Enfants et des Frigos, à Paris.
Mon premier contact avec le basalte se fait lors d’un entretien plutôt saugrenu, intervenu, l’un des premiers jours d’été, voilà quelques années maintenant, dans mon atelier parisien. Je reçois ce jour-là une dame, plutôt charmante, promenant avec elle une grande sacoche sombre. Une commerciale, venue spécialement de Tchéquie pour me présenter cette matière étrange et somptueuse qu’est le basalte. Mais sous une forme pour le moins singulière.
La pièce qu’elle met entre mes mains est, en effet, un cendrier de forme circulaire. Objet épais sur ses bords et creusé comme si un demi-œuf avait été enfoncé en son centre et laissé sa trace avant de s’évaporer. La pièce est vraiment belle et se présente sous la forme d’une masse noire, polie et brillante parcourue par des veinules de couleur or, entrecoupées d’empreintes bleutées et légèrement flammées.
L’objet surprend instantanément par la lumière dégagée, puis par sa profondeur. Matière homogène, lourde et profonde, sa surface présente de fines et inconstantes vergetures venant mourir comme des virgules et qui, fripant l’épiderme, s’épuisent sur les bords de l’objet.
« Je peux en fabriquer beaucoup » me dit-elle.
Mais qu’aurais-je bien pu faire d’autant de cendriers ?
Percevant toutefois mon trouble, la visiteuse me propose alors de produire ce que notre imagination nous permettrait d’inventer, à condition que l’objet soit le résultat d’un moulage. Car, le basalte, une fois extrait, est fondu, à haute température. Et, pareil à l’or pur quand il croise l’empreinte allongée d’un lingot, il peut s’approprier n’importe quelle forme, ou presque. Cette façon de faire en s’appuyant sur un produit sans référence de pose devant constituer une première en France.
Fort de mes premiers tâtonnements, je me mets en tête d’aller plus loin dans l’exploration du basalte puis dans l’exploitation à grande échelle d’un matériau a priori nouveau dans l’art de la construction française. La période est favorable à l’environnement. Elle semble parfaite pour essayer une matérialité inédite, solide et durable, favorisant de nouvelles formes de façade conduisant à des dispositions thermiques naturelles, jusque-là aucunement exploitées.
Ce sera Numixs, livré en novembre 2024, le basalte devenu une alternative à toutes les âneries du moment.
Francis Soler
* Lire notre article Le Colisée noir de Francis Soler et À Sarcelles, Station numixs ou l’outre noir de Francis Soler