Les architectes sont seuls au monde. En témoigne sans doute l’appel de l’Ordre des architectes CROA IDF. «Commissions préfectorales : venez représenter la profession et porter la parole des architectes». En attendant, qui ou quoi représente les architectes et porte leur parole ?
Pas la rue de Valois. Le ministère de la Culture est la tutelle des architectes, pas leur ambassadeur ou leur miss France, encore moins leur premier défenseur. Le rôle d’un ministère, y compris de la Culture, est de mettre en œuvre une politique dans l’intérêt général de la nation – rêvons – et si l’intérêt général est ici ou là au détriment des architectes et/ou de l’architecture, point barre.
Au mieux, les architectes ne peuvent espérer que l’écoute bienveillante, sinon éclairée, de leur ‘tutelle’ parce que le fait est que tous les ministères sont concernés.
Et puis, ‘tutelle’, quel mot ! Etre sous tutelle est déjà un handicap.
L’Ordre ? D’aucuns l’imaginent en héraut de panache défenseur de la veuve et de l’orphelin. Erreur. L’Ordre est régit par décret et, outre le maintien d’un tableau, a pour mission d’organiser la concurrence entre les architectes «sur des principes qui ne sont ni commerciaux, ni techniques, ni financiers, mais culturels et artistiques, et selon des principes républicains de liberté, d’égalité d’accès à la commande et aux emplois publics, de confraternité et d’émulation». Ouf ! Voilà par exemple pourquoi nul ne peut médire d’un confrère.
Bref une concurrence non faussée comme on dit à Bruxelles. Libérale en diable la profession.
Au mieux, les architectes peuvent espérer trouver écoute bienveillante, parfois éclairée, de leur ordre. Mais bon l’ordre c’est l’ordre, en français dans le texte de loi.
Les syndicats, UNSFA et Syndicat de l’Architecture en tête, représentent les architectes puisque, pour tout gouvernement, ils sont réglementairement ses seuls interlocuteurs légitimes. La convention collective des agences d’architecture, c’est eux. Des représentants, certes, mais sont-ils représentatifs ? Les syndicats d’architectes, combien de divisions ? Exactement.
Au mieux, les architectes peuvent espérer y trouver conseil juridique bienveillant, parfois éclairé. C’est comme la pitié, d’aucuns y pensent seulement quand ils en ont besoin.
Qui ou quoi d’autres ? L’AFEX ?
Bref, en cette société pyramidale – jacobine – toujours plus normée, les architectes n’ont pas beaucoup d’épaules sur lesquelles se lamenter et pas grand monde pour parler en leur nom à l’aune de l’intérêt supérieur de l’architecture pourtant inscrit dans la loi de 77. En clair, ils sont livrés à eux-mêmes.
Face à ce défaut d’une représentation forte capable de peser sur les choix politiques, comme la nature a horreur du vide, ce sont les industriels, les géants de la construction et autres lobbies, lesquels sont eux parfaitement organisés, qui occupent l’espace et imposent à leur grand profit, jusqu’à l’absurde, des normes de plus en plus contraignantes.
Christophe Leray
Cet article est paru en première publication sur Le Courrier de l’Architecte le 31 octobre 2012