Résumé des épisodes précédents. Pour réaliser le «Etoile En Marche Project», un nouvel incubateur, Earl, un bâtisseur, et Candide, originaire des nuits mondaines, doivent convaincre Anne Hidalgo. Pour ce faire, ils ont rendez-vous avec Bertrand Delanoë.
Pendant que je patiente dans le vestibule de Bertrand Delanoë, je textote avec Earl pour lui faire part de mon plan d’attaque. Je lui demande donc de tout de même monter l’équipe qui doit entamer le chantier de l’Étoile En Marche, Thibault Cairzergue, le patron du cabinet noir, ayant débloqué le budget de crise pour avancer les frais du plus ambitieux chantier de notre Suprême Leader.
De mon côté, je suis sollicité par le valet de Bertrand Delanoë, un jeune éphèbe qui ressemble vaguement à Timothée Chalamet, à la différence près que notre jeune majordome s’évertue à faire jaillir de son visage une arrogance qui me donne envie de lui envoyer un mawashi-geri sur ses pomettes à 3 000 euros par mois.
A peine ai-je le temps d’entamer mon honteux dessein que Delanoë surgit de son bureau. «Bonjour Candide. Venez, nous avons beaucoup à faire. Roman, mon petit – s’adressant au valet épargné par ma furie – voudriez-vous bien nous préparer deux Spritz ainsi que quelques noix de cajou ?».
Delanoë m’accueille dans son bureau. Sur les murs, différents clichés de lui en train d’inaugurer divers établissements parisiens. Le bois encadrant chaque photo me rappelle celui auquel je songe pour les portes, les buffets et les poutres de l’incubateur que le Suprême Leader Macron nous a commandés.
Pendant ce temps, Earl réunit l’équipe du chantier. Brune Poirson l’accompagne et salue un à un les ingénieurs et architectes du projet Étoile En Marche. Earl sait que Brune se trouve ici pour surveiller, mais il est obligé de reconnaître qu’elle a l’élégance de ne pas le montrer. Et quand bien même il le nierait, je suis amoureux de Brune Poirson. Earl se soumet ou se trouve un autre job.
De retour chez Delanoë, celui-ci entame les négociations sans aucun préliminaire : «Candide ! Mon cher Candide ! Vous êtes quelqu’un de brillant et à l’écoute. Je vous propose donc que l’on déguste notre Spritz pendant que nous résolvons votre petit problème !
– Si cela n’était qu’un petit problème… – répondis-je – Pourrais-je avoir un café à la place du Spritz ?
– Non ! Ici pas d’affaires sans Aperol et Prosecco ! Allez. Dites-moi ce que vous voulez. Expliquez-moi tout. Les grandes lignes.
– Le Suprême Leader Macron, comme vous le savez Bertrand, souhaite bâtir le plus grand incubateur d’Europe. Voire du monde. Nous avons le calendrier. Nous avons le budget. Nous avons même un quota de migrants à faire travailler. Le problème, c’est que la commission censée examiner les dossiers de réponses à l’appel d’offres ne se tient qu’à la rentrée 2018.
– Vous répondez aux appels d’offres plutôt que de vous octroyer le chantier directement ? De notre temps, nous passions outre ces formalités. Le socialisme a beaucoup à vous apprendre, à vous les jeunes dirigeants modernes sociaux-démocrates !
– Justement. Thibault Cairzergue s’occupe d’influer sur la commission en notre faveur. Pendant ce temps, je suis censé entamer le chantier. Le problème, Monsieur… c’est Hidalgo.
– Anne ?! – s’exclame Delanoë – Mais qu’est-ce qu’Anne a à voir dans cette histoire d’incubateur et de commission ?
– Monsieur… Hidalgo retarde notre chantier. Elle exige que nous suivions la procédure. Je suis donc venu vous voir pour vous demander de lui parler. Pour que vous lui fassiez entendre raison. Nous l’avons déjà appuyé lorsqu’elle s’est mis en tête de fermer les berges. Toute l’aile droite du parti menaçait de retourner chez les Républicains. Mais nous l’avons soutenu. J’ai personnellement pris en charge la nomination des journalistes devant publier les études contredisant les expertises qui accusaient le projet d’Hidalgo de faire exploser le taux de particules fines dans l’air, à cause des bouchons provoqués par sa folie. Bien entendu, Bertrand, vous aurez une contrepartie. Un geste de remerciement pour votre bienveillance à l’égard de notre Suprême Leader».
Earl, lui, a donné rendez-vous à l’architecte qui le secondera, à Romainville. C’est l’une des communes retenues par mes soins pour accueillir l’Étoile En Marche. La ligne 11 du métro doit se prolonger jusqu’à la frontière Romainville/Montreuil, lorsque le Grand-Paris naîtra.
A cette frontière se dresse un terrifiant immeuble qui doit accueillir des familles inscrites sur la liste d’attente de logements sociaux depuis 2003. Si Romainville satisfait Earl et son maître d’œuvre, les familles iront chiner un squat ailleurs. Hors de question de sacrifier les têtes de cordée en faveur de gens qui ne sont rien.
L’architecte rejoint Earl. Après plusieurs minutes consacrées à examiner le terrain, en y prenant des mesures, en cherchant sur les internets les données météorologiques du secteur sur l’année, qui doivent être favorables à l’installation de panneaux solaires, Earl et son bras droit en concluent que Romainville ne sera pas retenue pour le projet.
Dispositions techniques mises à part, Romainville n’est pas assez populaire pour attirer le gagnant de la mondialisation, véritable «Valérie Damidot de la no-go-zone», mais elle l’est trop pour accueillir les investisseurs qui passeront leur temps à faire visiter l’incubateur à leurs amis et partenaires.
Nulle question de mettre en relief le manque de cœur des fortunes de ce monde. Simplement, imaginez-vous devoir vous consacrer aux paperasses insupportables en pleine jungle de Calais, ou entre deux ‘crackheads’ de la Porte de la Chapelle… et bien pour les investisseurs… Romainville… c’est la même chose…
Du coup, direction Pantin. L’Eldorado des new business models. Les plus grandes maisons de textile et de cosmétiques de luxe y ont posé leurs valises. Pantin, c’est cette succursale des enfers qui cache une bulle, reliée au centre de Paris par la ligne 7 du métro, dans laquelle se niche un petit coin de paradis fiscal, esthétique, culturel et gastronomique.
J’avais déjà indiqué à Earl, un peu plus tôt dans la journée, que Pantin était ma favorite. Enfin… Pantin… Aubervilliers, plus précisément. Je compte faire déguerpir les boutiques inutiles du centre commercial Le Millénaire. Ce dernier est accessible via la Porte de la Villette. RER Rosa Parks, ligne T8, ainsi qu’en petits bateaux le long du canal de l’Ourcq.
Si ce coin est propice au chantier, je m’assurerai de faire fusionner Aubervilliers et Pantin, afin que l’Étoile En Marche réside dans la même ville qu’Hermès et Chanel.
Mon entretien avec Delanoë touche à sa fin. Il m’a dressé la liste de ses envies, dont quelques-unes que je ne révélerai que post-mortem (la sienne), j’ai négocié, il a tenu bon, j’ai accepté.
«Nous sommes bien d’accord Bertrand ? J’accepte vos conditions, en échange de quoi vous menacez Hidalgo de non seulement ne pas soutenir sa réélection à Paris, mais, en plus de cela, de me fournir ses comptes de campagnes lors de sa première candidature ?
– Je m’y engage, cher Candide !»
Et hop ! Poignée de main d’illuminati-mécréants, et ma bataille face à Anne Hidalgo est remportée.
Je quitte enfin le bureau de l’ancien maire de Paris. Je n’osais le dire, mais son bureau suinte la bagatelle. Du coup je me demande si le jeune majordome arrogant est bel et bien arrogant, ou tout simplement en souffrance suite à l’éventuel droit de cuissage que s’est octroyé Delanoë. A creuser.
N’ayant aucune confiance en ce socialiste, je charge tout de même Edwy, mon chauffeur, de mener sa petite enquête auprès du mentor d’Hidalgo.
Il s’agit de ne pas placer tous mes espoirs entre les mains d’un socialiste à qui le représentant du monarque parricide demande de trahir celle qu’il considère comme sa fille.
Ma journée est ainsi achevée. J’ai prévenu Thibault Cairzergue du deal avec Delanoë, inutile à présent que je me coltine Hidalgo à dîner. Un SMS suffira.
Ne me reste plus qu’à rejoindre Earl, Brune et les autres, pour entamer une bonne fois pour toutes le projet de l’Étoile En Marche.
Fin.
Herizo
(Re)Lire l’épisode 1 : Start-up Wars : épisode I et l’épisode 2
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