Plus d’un an après l’arrivée de la pandémie et des premières mesures de fermeture au public des établissements culturels, Tilt and Shoot (Maud Serra et Caroline Picard) questionne la perception de ces lieux devenus inaccessibles et le devenir de leur relation au public. Chronique-Photos.
En allant voir des lieux qui nous manquent, nous faisons le constat de portes closes, sans message à l’attention de quiconque renvoyant, à de rares exceptions près, à un sentiment de résignation et d’absence de résistance.
La pandémie, qui induit repli sur soi et recentre la notion d’essentiel sur les besoins matériels, laisse la majeure partie de notre culture en suspens. A travers des bâtiments symboliques, nous montrons une métaphore de l’abandon du public par les institutions culturelles. Elle s’exprime par la vision d’une nature envahissante prenant le pas sur la culture, à l’image du virus sur nos modes de vie.
Le contexte Covid questionne non seulement le rapport de la culture à son public mais également l’architecture de ces espaces, peu exploitée pour dialoguer avec l’espace extérieur. Les œuvres restent enfermées dans leurs écrins majestueux, en l’absence de volonté de les faire transparaître, de créer des porosités.
Certes la pandémie a forcé la culture française à développer et multiplier les efforts de diffusion numérique, une modernisation nécessaire à la démocratisation des connaissances et à l’éveil culturel. Cependant l’information n’est ni vécue, ni ressentie, ni déambulation.
Les tentatives de résistance des institutions à leur fermeture sont restées invisibles et les installations extérieures rares, privant le public de l’expérience sensorielle des lieux et des œuvres vivantes ou exposées. Plusieurs pays ont fait le choix d’une réouverture des établissements culturels pendant la crise (sans conséquences sanitaires avérées). Il semble que cela ne soit pas une priorité française et que nos institutions s’inquiètent peu de créer des villes-musées figées.
Tandis que les nuits blanches annuelles ont largement montré la possibilité d’inviter la culture dans les rues, même en 2020 avec des mesures sanitaires renforcées, les instances culturelles n’envisagent pas de nous laisser expérimenter quelques œuvres au quotidien, et n’auront pu offrir à leurs visiteurs qu’une année blanche, vide de sensations réelles.
Les expositions sont montées, puis démontées, les programmations de spectacles vivants s’affichent puis disparaissent, sans qu’elles ne soient vécues. Une culture parallèle se fait sans son public, insatisfaisante pour tous.
Et si cette situation inédite perdure ? Comment les acteurs de la culture feront-ils pour renouer une relation spatiale et sensible et se réconcilier avec le public ?
Bienvenus, quelques contre-exemples offrent une respiration tels que l’œuvre essentielle de Rero sur la façade du 104 ou l’exposition 100% l’EXPO – Sorties d’écoles qui utilise à la fois les espaces extérieurs et la transparence des façades de la Grande Halle de La Villette. Enfin, le Palais de Tokyo a lancé une pétition pour la réouverture des lieux culturels.
« Pour une heure, pour un jour, pour une semaine ou pour un mois, laissez-nous entrouvrir nos portes »… En attendant, laissez-nous voir au travers.
Maud Serra et Caroline Picard
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