De Corbu au PSG, il n’y a qu’un pas ou presque, que le photographe Jean-Pierre Porcher, architecte et urbaniste de formation, franchit allègrement. A Paris, l’immeuble de logements de la rue Nungesser et Coli conçu par Le Corbusier en 1931 où il résida jusqu’à la fin de sa vie en 1965 est situé en face du stade Jean Bouin et juste à côté du Parc des Princes. Chronique-photos.
Depuis les fenêtres du dernier étage qui abritait son appartement et son atelier de peintre la vue est imprenable sur ces hauts lieux du sport parisien. L’architecte a vécu plus de 30 ans dans cet étonnant duplex aujourd’hui propriété de la Fondation Le Corbusier. Le bâtiment est depuis le mois de juillet 2016 classé au patrimoine mondial de l’UNESCO avec 16 autres réalisations majeures en France, en Suisse, en Allemagne, en Inde, au Japon et en Argentine.
De Corbu au PSG il n’y a qu’un pas et pourtant pour un photographe il n’est pas toujours facile de passer d’un univers à l’autre. Question souvent de culture, de réseaux professionnels ; en France les domaines de l’architecture, de la mode, du sport, des reportages sont souvent cloisonnés.
Photographe d’architecture, je me suis intéressé à Le Corbusier en pénétrant dans son œuvre par la porte de la peinture. Le Corbusier a toujours déploré d’être plus connu et reconnu comme architecte que comme peintre. La légende dit qu’il peignait tous les matins dans son appartement atelier avant de se rendre à son agence rue de Sèvres.
Les deux imposants volumes édités chez Skira regroupant son œuvre peinte témoignent de l’importance de sa production picturale souvent peu connue du grand public.
Souhaitant mettre en résonnance l’architecture et la peinture, par le biais de poses longues, j’ai photographié les œuvres architecturales de Le Corbusier en France, en Suisse, en Inde, en Argentine en me décalant du réel pour tendre vers un univers pictural qui s’éloigne du réel mais en tentant de garder l’esprit du lieu.
Mais alors me direz-vous quel est le lien avec le PSG et le monde du football ? Aucun pour l’instant mais heureusement la vie est faite de rencontres et de rebondissements inattendus, avec ou sans ballon d’ailleurs.
En l’occurrence, la première rencontre a eu lieu avec Tom Sheehan, architecte d’origine Californienne, établi depuis de longues années en France et à qui l’on doit avec Anthony Bechu la conception de la Tour D2 à La Défense.
Tom avait découvert mon travail sur Le Corbusier lors d’une exposition à Artcurial, il m’a invité à visiter le chantier d’un de ses grands projets, la rénovation du Parc des Princes. A la suite de cette visite il m’a proposé de réaliser un travail pictural sur le Parc des Princes.
J’ai pu ainsi arpenter les tribunes totalement vides, les vestiaires désertés par les joueurs vedettes du PSG, caresser de la main et du regard les voiles de béton dessinées par Roger Taillibert et peindre photographiquement quelques fragments de ce monument qui assez étonnamment ne fait pas partie des œuvres architecturales contemporaines classées.
L’histoire aurait pu s’arrêter là mais Tom Sheehan ayant parlé de mon travail à la Direction du PSG, nouvelles rencontres, Michel Mimran, directeur marketing et Anthony Baca, responsable médias m’ont proposé de prolonger ce travail pictural sur le Parc des Princes par «une carte blanche» lors d’un match.
Me voici affublé un samedi après midi d’un badge multicolore, véritable sésame me permettant d’accéder à toutes les tribunes, les loges, la salle de presse, la pelouse à l’exception tout de même des vestiaires ; désolé je ne vous dévoilerai aucune image même abstraite sur Ibrahimovic ni aucun secret sur l’intimité de Zlatan.
PSG contre Montpellier, derrière les filets je rêvais de grands mouvements de foule à l’issue de buts d’anthologie, d’images immortalisant les plongeons acrobatiques des gardiens ; à la fin de la première mi-temps, score nul 0 à 0, je décidais de changer de point de vue en me dirigeant vers les tribunes.
Ce changement stratégique a du rassurer les photographes sportifs qui voyaient d’un œil étonné – celui qui n’était pas dans le viseur – un inconnu ne faisant pas partie de leur milieu et qui non content de faire des photographies sans pied semblait danser en bord de pelouse tout en prenant ses photos.
En remontant vers les tribunes, une coupe de champagne prise à la dérobée dans une loge VIP me permit de me réchauffer, j’oubliais de vous dire que le match, le dernier de la saison avant Noël se déroulait le 20 décembre 2014.
La deuxième mi-temps n’offrit l’occasion ni aux Parisiens ni aux Montpelliérains d’ouvrir le score, mais de Corbu au PSG en passant par la peinture, une émotion picturale me revenait, les toiles de Nicolas de Staël intitulées «Le Parc des Princes» réalisées en 1952.
Jean Pierre Porcher
6 septembre 2016
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