Troisième volet de notre série « Il n’y a rien de mieux pour flinguer une carrière politique qu’un poste de ministre de la Culture »*. De Michel d’Ornano et Jean-Philippe Lecat, un seul meurt dans son lit.
Sur la fin des années Giscard qui ont vu l’explosion des compétences du ministère entre l’architecture et le patrimoine, Michel d’Ornano, l’artificier, prendra l’architecture en otage à l’équipement où elle restera 17 ans, tandis que Jean-Philippe Lecat lancera, en 1980, l’Année du Patrimoine.
Leur longévité politique ne résistera guère à leur passage rue de Valois. Le premier finira ses jours renversé par une camionnette, le second des suites d’une longue maladie.
Michel d’Ornano
Michel d’Ornano a été ministre de la Culture et de l’environnement du 29 mars 1977 au 31 mars 1978 dans ce que l’on a appelé le gouvernement Barre II, soit un an et deux jours, puis à nouveau ministre de la Culture et de la communication du 4 mars 1981 au 22 mai 1981, soit 2 mois et 18 jours, dans l’éphémère gouvernement Barre III (qui s’est effectivement barré après l’élection de François Mitterrand en mai 1981). Entre ces deux passages rue de Valois, il est nommé ministre de l’Environnement et du cadre de vie, soit trois ans, un mois et 21 jours.
Dans ce jeu de bonneteau ministériel, la direction de l’architecture passera de la rue de Valois à l’Equipement le 31 mars 1978 et y restera dix-sept ans jusqu’à l’arrivée de Philippe Douste-Blazy, le 18 mai 1995 (Gouvernement Juppé).
Lorsqu’il arrive au ministère de la Culture, d’Ornano est sévèrement amoché par la campagne municipale parisienne, remportée par Jacques Chirac. Il est même battu sans surprise, dans le XVIIIe à Paris, par la liste du député Louis Baillot sur laquelle figurent Lionel Jospin et Claude Estier. Son action se limitera à la transformation de la gare d’Orsay en musée dans la loi-programme de 1978. Lequel musée d’Orsay vient d’hériter du patronyme de V.G.E.
Qui, de d’Ornano ou de Giscard, descendait d’une véritable famille aristocratique ? L’Histoire est injuste au détriment du Duc de Normandie (son surnom à Deauville), alors qu’il était seulement comte ! Son principal fait d’arme rue de Valois est d’avoir censuré 17 films à la Quinzaine du cinéma homosexuel dont Un chant d’amour de Jean Genet, en 1978.
En revanche, dans le domaine de l’architecture, mis à part une laborieuse préfiguration de l’I.F.A. (Institut Français d’Architecture) et la création de la M.I.Q.C.P. (Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques), on assiste à un véritable charcutage administratif avec le divorce entre l’architecture et le patrimoine.
La réglementation de la profession, l’enseignement de l’architecture, la création, la qualité et la recherche architecturale, la gestion des abords des monuments historiques et celle des sites et espaces protégés sont transférés au ministère de l’Environnement (1978) puis de l’Équipement (1981), tandis que les monuments historiques et les palais nationaux restent du ressort du ministère de la Culture et sont regroupés, avec l’archéologie, l’Inventaire général des richesses artistiques de la France et l’ethnologie au sein d’une nouvelle direction du patrimoine.
Cette agitation administrative, caractéristique du giscardisme, aura de lourdes conséquences pour l’architecture et les architectes, lorsque, sous Mitterrand, Roger Quillot puis Paul Quilès seront ministres de l’Equipement. Mais c’est une autre histoire.
Pendant les années Mitterrand, le comte d’Ornano n’aura de cesse de tenter de remettre Giscard en selle pour la présidentielle. Sans succès. Le 8 mars 1991, en sortant du café « Le Cloud de cœur » (Saint-Cloud) où il avait rendez-vous avec Robert Hersant, il est renversé par une camionnette de livraison. Il meurt à l’Hôpital de Garches, quelques instants plus tard.
Jean-Philippe Lecat
Jean Philippe Lecat, ministre de la Culture et de la Communication du 5 avril 1978 au 4 mars 1981 est un RPR giscardo-compatible. La perte de l’architecture est compensée par une Défense du patrimoine architectural,1980 est donc L’année du Patrimoine. « Il faut que nous créions un réflexe, pour qu’avant de construire des immeubles de verre et d’acier qui, de São Paulo à Pékin en passant par Kinshasa, se ressemblent tous et usent des millions de kw d’électricité, les dirigeants des collectivités locales et les patrons des entreprises regardent d’abord le patrimoine national », déclare-t-il.
Un vœu pieux qu’il applique au chantier du musée d’Orsay et à la Cité des Sciences, en lieu et place des anciens abattoirs de la Villette (1979). Ce seront ses derniers exploits ministériels, récompensés par quelques présidences honorifiques et une activité d’historien de la Bourgogne consacrée par la publication de Quand flamboyait la Toison d’or, histoire de la Guerre de Cent ans, des Armagnacs et des Bourguignons, de Jeanne d’Arc, de la lutte entre Louis XI et le Téméraire…
Il meurt à 75 ans, le 26 mars 2011, des suites d’une longue maladie.
Syrus
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* Le premier volet parcourt la période allant d’André Malraux à Maurice Druon. Le second, sous Giscard, revient sur les passages express au ministère de la Culture de Michel Guy et Françoise Giroud. Il faudra ensuite évoquer les années Lang, puis Léotard (qui vient de choper deux ans de prison avec sursis devant la Cour de justice de la République) et Toubon. Puis tous les autres.