Dionisio Gonzalez est un photographe et artiste espagnol qui, parce qu’il n’est pas architecte, parvient à imaginer une conception radicale de l’habitat. Qu’il s’agisse des favelas du Brésil ou ici des plages dangereuses et désolées de Dauphin Island en Alabama, son travail est un manifeste de résistance autant qu’une critique sociale. Chronique-Photos.
Mon intérêt pour Dauphin Island* vient de l’étude de l’architecture aquatique et des palafittes**, trouvant leurs origines dans la période Néolithique. Du nom originel de l’île, l’île du Massacre (Massacre Island), à plusieurs catastrophes naturelles telles les ouragans Katrina ou Ivan, jusqu’à l’explosion de Deep Water, ce qui est considéré comme la pire marée noire du pays*** puis encore les 7 millions de litres de dispersants chimiques déversés afin de dissoudre le pétrole brut, cette île partage une complicité naturelle avec l’adversité.
Comment cette île, subordonnée à son sous-sol fragile, peut-elle faire face à cette conjonction de désastres ? Avec quelle politique d’aménagement pour sa pauvre surface de 16Km² ? Les habitants de Dauphin Island ont une devise : s’élever face à l’adversité. Cette proclamation ne contient-elle pas en elle-même une obstination névrotique à poursuivre une existence supra-héroïque certes mais dérisoire ?
Leur refus de la docilité génère un culte à la construction pérenne, la permanence du bricoleur (en français dans le texte. NdT) comme contre-figure du concept de fatalité ; un territoire de résistance.
Mon objectif, avec cette série d’images, est de réaliser un projet issu d’une somme d’interventions et d’altérations de l’espace et basé sur une ‘cartographie’ préexistante. En faisant attention au désir de proportion transmit par le territoire lui-même et respectueux de son usage, le site me permet un certain surréalisme, une certaine exagération.
Placer, pour cette raison, de petits bâtiments ou des bâtiments d’une échelle symétrique au contexte, et les exécuter sur ces plages vides où des vestiges indiquent une présence passée.
L’idée est aussi de restaurer et d’accentuer la fantasmagorie inhérente au lieu mais avec des bâtiments à faible consommation, bâtis avec des matériaux recyclés. Finalement, des bâtiments qui deviennent eux-mêmes des observatoires de la nature.
Dionisio Gonzalez
*Dauphin Island, est une île du golfe du Mexique qui ferme la baie de Mobile, en Alabama, USA. Elle tient son nom non pas de celui de l’animal mais en hommage à l’arrière-petit-fils de Louis XIV, le Dauphin.
** Palafitte est le nom donné aux restes d’habitations préhistoriques du néolithique à l’âge du bronze (3 000 à 700 avant J.-C.), situés aux bords des lacs européens. Bien que sur le continent américain, c’est le mot le plus approprié selon nous pour les ‘pile dwellings’ dont parle Dionisio Gonzalez. NdT.
*** Le 20 avril 2010, l’explosion dans le golfe du Mexique de la plateforme offshore Deepwater Horizon provoquait la plus grave marée noire de l’histoire américaine
Traduction : A. L.