Le 18 janvier 2023, lors de sa séance d’installation à l’Académie des beaux-arts, Anne Démians a prononcé le traditionnel éloge à son prédécesseur au fauteuil n°IV : Roger Taillibert. L’éloge est un exercice littéraire difficile et peu usité mais encore à l’honneur sous la Coupole. Eloge in extenso d’Anne à Roger (et à Sebastião).
Discours d’Anne Démians, hommage à son prédécesseur Roger Taillibert, architecte
Intervenir après Sebastião Salgado* n’est pas un exercice facile pour au moins deux raisons.
La première tient à sa force de conviction, à son panache. La seconde tient à votre présence, ici sous la Coupole, illustre assemblée attentive et bienveillante. Je m’étais imaginé qu’il me suffirait de m’inscrire dans le sillage de Sebastião Salgado pour évoquer devant vous, l’œuvre et la personnalité de Roger Taillibert.
Je m’aperçois de mon erreur.
Comme vous, j’ai entendu prononcés ici, des mots qui ont claqué à mes oreilles comme des déclics d’obturateurs et ces plans successifs, capturés, exposés, révélés, m’ont ramenée émue et lucide à mes propres étapes. Ils m’ont fait mesurer combien l’honneur, que vous me faites en m’accueillant parmi vous, me comble et me bouleverse.
Aussi, cher Sebastião, cher ami, je commencerai mon intervention par parler de vous.
Je veux vous remercier.
Vous, acteur infatigable du reboisement de la Forêt du Brésil ;
Vous, qui depuis tant d’années agissez pour la terre, son eau, ses Hommes et ses forêts ;
Vous, qui capturez de façon si personnelle ces atmosphères graves et glacées de l’Arctique et de l’Antarctique, ou celles, plus embrumées des terres brûlées d’Islande ;
Vous, le témoin planétaire de l’apparat mâtiné des tribus Marubo, comme de la misère de ces milliers d’hommes, enchaînés aux mines d’or de Serra Pelada.
Vous êtes assurément, cher Sebastião, un homme de ressources.
Ici, sans appareil photo et sans image, vous vous êtes révélé aussi précis que le plus beau de vos clichés.
Est-ce un hasard ?
Non.
Le jour où je vous ai demandé si, vous, le photographe, accepteriez d’installer une architecte à l’Institut, j’ai tout de suite ressenti l’audacieuse complicité qui nous unissait. Magie des disciplines qui se rencontrent.
Aux remerciements que je vous adresse je veux en ajouter d’autres. Ils vont à votre épouse, Lelia, architecte, présente à vos côtés dans tout ce vous faites. Ici, comme par-delà les frontières, elle réalise les livres et les expositions qui parlent de votre travail. Ensemble, vous avez créé l’Instituto Terra, dont les missions sont la reforestation, la sensibilisation à l’environnement, la recherche botanique et scientifique.
Ensemble, nous avons fait de la photographie et de l’architecture, deux disciplines qui se grandissent à se rapprocher au quotidien sous les signes de l’éthique et de l’esthétique. Deux supports polychromes que nous aimons, vous et moi, traduire par des monochromies, l’architecte privilégiant la mise en œuvre du matériau unique, le photographe optant pour le noir et blanc. De quoi nous alléger de tous les effets superflus.
Merci donc, cher Sébastião, d’avoir replacé l’architecture et la photographie dans leurs singularités, et d’avoir souligné combien nos missions parfois se rejoignent.
Ici même, dans cet espace où Louis Le Vau, architecte classique, osa installer, dans une géométrie parfaite, un contrepoint baroque aux chefs-d’œuvre de Versailles et de Vaux-le-Vicomte, rien ne résonne mieux, au son du tambour, qu’un propos, certes structuré, mais emprunt, aussi, d’une charge émotionnelle.
Sous cette belle coupole, la fragilité, les rêves et les passions peuvent se dire et s’entendre. A nous donc, artistes, philosophes, écrivains, musiciens, photographes, scientifiques, chorégraphes et architectes de cette académie de rapprocher nos disciplines, d’additionner nos compétences et de mettre en commun nos aventures.
Roger Taillibert, j’en suis certaine, aurait partagé ce souhait.
Roger Taillibert, le ténébreux
Dans une préface destinée à introduire une de ses monographies, son ami architecte et académicien, notre regretté Claude Parent, décrit Roger Taillibert de cette façon-là : « Un masque de condottière, flanqué d’un nez agressif, un regard farouche sous le sourcil en bataille, une parole ardente à la Sa-vo-na-role, une chevelure de savant fou, que j’ai toujours connue blanche : on peut dire que Roger Taillibert n’a pas une tête d’architecte ».
Etrange propos, car si le portrait est d’une acuité remarquable, comment en comprendre la chute ? Qu’est-ce qu’une tête d’architecte ? Moi-même ai-je une tête d’architecte ? Et vous Sebastãio Salgado, avez-vous une tête de photographe ?
De Roger Taillibert on pourrait dire qu’il avait un profil de médaille, et même un profil de César – un César non compressé je m’empresse de le préciser – un condottiere, dit encore Claude Parent, autrement dit un soldat, un combattant.
Assurément.
Mais une tête d’architecte ?
Ce qui est certain, du moins c’est ainsi que je l’imagine, c’est qu’il était d’une haute stature.
Mais quel était dans la France et le monde qu’il connut, au-delà de sa stature…son statut ?
Où se situait-il ? Meneur ou solitaire ? Solaire ou ténébreux ? Dans la mêlée ou au-dessus ?
Je répondrai à ces questions en rendant d’abord hommage à l’homme, puis à l’architecte immense qu’il était, tout au long d’une carrière débutée en 1963 et achevée en 2010. Je déplore de ne pas avoir eu le plaisir de le rencontrer de son vivant et de n’avoir pas pu lui poser cette question : « M’auriez-vous choisie pour vous succéder ? »
C’est là le paradoxe des fauteuils de notre Académie, que d’être occupés par des immortels successifs, qui souvent se sont méconnus.
M’aurait-il adoubée ?
Aurais-je eu pour lui, une tête d’Immortelle ?
Voilà une question qui, si j’ose me le permettre, sent un peu la prise de tête. Mais il est vrai que nul membre de cette compagnie ne peut savoir quelle sera la tête de celui ou de celle qui lui succédera. Le hasard décidément, n’en fait qu’à sa tête.
Cette situation, mes amis architectes et académiciens, Marc Barani, Bernard Desmoulins et Pierre-Antoine Gatier, l’ont connue avant moi, vis-à-vis de leurs prédécesseurs. Pour le dire simplement, nous n’étions pas de la même génération. Aussi, me suis-je fixée comme objectif de transformer ce moment solennel en une rencontre avec Monsieur Roger Taillibert, allocataire du fauteuil numéro IV, sur lequel ont siégé, avant qu’il ne l’occupe 36 années durant, Etienne Boullée, Jacques-Denis Antoine, Victor Baltard et Charles Garnier … Rien que cela. Un vertige et des maux de tête.
L’homme en résumé ?
Architecte et académicien.
C’est court, c’est concis, c’est abstrait.
Alors voyons l’œuvre.
Elle est impressionnante. En 50 ans, pas moins de 50 réalisations majeures dont la plupart sont consacrées au sport. En somme une vie d’athlète, jalonnée de désillusions, de souffrances mais aussi d’exploits.
Roger Taillibert, l’intuitif
Nous sommes au début de sa carrière : les architectures de Félix Candela et d’Oscar Niemeyer, où la forme commande la technologie, lui inspirent ses premières expérimentations. C’est une époque de fougue et de croyance en un progrès inaltérable. Nous sommes à la fin des années ‘60, au début des années ‘70. Dans un contexte international bouillonnant d’énergie, émergent alors de nouvelles techniques de construction, de nouvelles méthodes de calcul, de nouveaux procédés d’assemblage puis de nouveaux outils.
Tout cela constitue une manne de ressources inépuisables, utiles et expressives, lesquelles réunies dans un même projet, doivent nécessairement, pour lui, mener à l’art. Un « art » consonant, foré d’esprit et de défis techniques. Des techniques à leur tour sacralisées par l’art.
Roger Taillibert, le compétiteur
Très tôt, Roger Taillibert s’affirme comme un compétiteur infatigable, exigeant de ses recherches des résultats tenant de la performance. C’est pourquoi, quand j’énumère les récompenses qu’il obtint – et il en obtint beaucoup – celle qui, pour moi, évoque le mieux le contenu de son œuvre, est le prix Elphège-Baude.
Ce prix fut créé en 1880 par la Société pour l’Encouragement de l’Industrie Nationale. Il était décerné tous les cinq ans depuis sa création à l’auteur des perfectionnements les plus importants apportés aux procédés et au matériel de génie civil des travaux publics et de l’architecture. Roger Taillibert l’obtint en 1977, comme avant lui, Auguste Perret et Eugène Freyssinet. Rien que cela encore !!!
Voilà qui dit comment l’architecte voulut s’inscrire dans le registre des défricheurs, dont la résolution technique des ouvrages devait irrémédiablement fusionner avec l’inspiration plastique qui les guidait. C’est dire à quel point, dans son travail, le rapprochement entre la phase intuitive d’une œuvre et sa forme définitive, fut capital, sa virtuosité graphique fusionnant avec ses préoccupations mécaniques. Calculs et poésie dans un même langage
Roger Taillibert, l’intraitable
Si Roger Taillibert était un homme secret, voire solitaire, il n’en était pas moins une forte tête s’imposant de ne jamais abdiquer, ou de refuser toute forme de compromission et d’opposer son autorité naturelle à toute tentative de déstabilisation. Pétri d’intransigeance, l’homme s’exprima, à plusieurs occasions, et sans équivoque, sur l’émiettement de l’acte d’architecture. Il fustigea l’ingérence du politique et de l’administration dans le développement du projet et les déclara responsables de l’éparpillement des missions de l’architecte.
Il dit d’ailleurs à ce propos : « L’architecture pâtit de cet éparpillement et n’en ressort le plus souvent, que pasteurisée à l’extrême ».
Que l’académicien Louis Pasteur – dont nous avons célébré récemment le bicentenaire de la naissance – nous pardonne l’évocation de ses découvertes à des fins péjoratives. Mais, c’est un fait, l’architecture ne gagne rien à s’affadir. Cela, Roger Taillibert le savait.
Roger Taillibert, l’organique
La plupart de ses réalisations furent construites comme des œuvres à part entière. Elles se développaient dans l’espace selon des schémas organiques, souvent empruntées à des espèces marines, à des crustacés, à des vertébrés ou à des coléoptères. Elles croisèrent un jour, celles d’un certain Jacques Rougerie, cher Jacques, cher ami, ici présent, que je salue tendrement.
Pour les réaliser, il eut recours au béton brut, à la précontrainte, à la toile étirée et aux câbles déployés, éléments d’expression d’une modernité radicale. C’est ainsi qu’il composa une architecture ample, vertébrée, hyper-dimensionnée, suite de lieux que l’on pourrait qualifier d’explosifs. Je m’étonne d’ailleurs qu’ils n’aient jamais été utilisés comme somptueux décors d’un épisode de la saga James Bond, l’agent secret de sa majesté sorti tout droit de l’imagination du célèbre romancier Ian Flemming.
En effet, en sus d’être grandioses, ces espaces portaient en eux comme un déséquilibre, une puissance vitale, une urgence sculpturale : la vivacité ininterrompue du mouvement. Il s’en dégageait une sensation de propulsion, née de la rencontre paradoxale, de l’aérodynamisme des formes et des qualités statiques des squelettes qui les rigidifiaient. Dans cette exaltation de la nature se devine l’hommage rendu par l’architecte à deux de ses pairs qu’il admirait : Alvar Aalto et Franck Lloyd Wright.
Avec leur aide spirituelle, il sut inscrire la vivacité de son trait dans la fulgurance du monde. Un monde que l’on croyait inépuisable. D’où des créations dignes d’une époque où la croyance en un progrès permanent était indiscutée.
A l’image de Bond, Taillibert était un homme élégant, déterminé, têtu, incorruptible. En cela il se rapprochait du personnage intransigeant et jusqu’au-boutiste, incarné avec grâce par l’acteur américain Gary Cooper, dans le film de King Vidor : Le rebelle. Personnage inspiré – comme on le sait – de la personnalité de l’architecte Frank Lloyd Wright.
Oui, Roger Taillibert avait quelque chose de ce rebelle-là. Inflexible comme ses bâtiments, mais encore souple et résistant. Rebelle peut-être, mais conscient des obligations dues à l’exercice de son métier car, s’il fut corsaire, parfois, il ne fut jamais pirate !
Comme Bond, hors norme et pourtant stipendié de la Couronne, Taillibert avait des commanditaires qu’il respectait. S’il fut un dissident, il n’en fut pas moins couvert d’honneurs et de décorations !
Roger Taillibert, le fantastique
Avec ses deux amis architectes et académiciens, Claude Parent et Paul Andreu, ils formaient plus qu’une école d’architectes, une petite troupe rivalisant d’audace, de vaillance et de créativité. Ils étaient tous les trois des architectes-bâtisseurs intrépides et conquérants.
On aurait pu voir en eux trois avions de chasse volant en escadrille :
– des chasseurs de jour ayant pour mission de sauver un pan entier de la planète architecture ;
– des chasseurs de nuit, guidés par l’impérieuse nécessité d’apporter du fantastique obscur à l’architecture.
Des architectes qui ne s’excusaient ni d’avoir du talent ni d’imposer leurs vues.
Des vies de prises de risques, de loopings, de tonneaux, de vrilles et de chandelles.
De la voltige et, de bout en bout, du haut niveau.
Aussi, pour mesurer l’importance de son œuvre, j’entrerai, avec vous, dans une description succincte de son parcours d’architecte puis dans celle des figures acrobatiques que furent ses réalisations les plus spectaculaires. On comprendra mieux alors ce que furent ces années où l’audace, et « la peur de rien » étaient les marques d’une génération.
Roger Taillibert, l’audacieux
Roger Taillibert est né en janvier 1926, à Châtres-sur-Cher.
Il nous a quittés voilà maintenant trois ans, en octobre 2019.
Un père menuisier, restaurateur de meuble.
Une mère couturière.
En somme, dès le berceau, le travail de la main, et la beauté caressée.
Cet ancien élève de l’École du Louvre et de l’École nationale supérieure des beaux-arts, obtient son diplôme d’architecte en 1955. L’année suivante, il reçoit le Prix Arfvidson d’Architecture décerné par l’Académie des beaux-arts. En 1957, il fait un voyage en Suède et en Finlande avant d’être pendant deux ans, Logiste au Grand Prix de Rome. Ce qui le conduit, en 1959, à être un des lauréats de l’Institut de France.
De 1962 à 1966, il s’installe à l’Institut Polytechnique de Stuttgart, au département développement et à la recherche. En 1966 – il a alors à peine 40 ans – il est nommé architecte en chef des Bâtiments Civils et Palais Nationaux.
Voilà donc qui est, à ce moment-là, le jeune Roger Taillibert, architecte hardi, inventif, dessinateur infatigable, entreprenant et féru d’innovations techniques.
S’enchaîne alors, entre 1966 et 2010, un nombre incalculable de projets, de réalisations et de distinctions qui l’installent dans l’histoire comme un des plus grands architectes du XXe siècle.
Roger Taillibert, l’architecte
Dans cette œuvre immense, j’ai choisi quatre réalisations significatives de son travail d’architecte que sont ses piscines de Deauville et de Paris, le Parc des Princes et le stade olympique de Montréal.
Commençons donc par la piscine de Deauville, érigée en 1966. Les voiles minces à longue portée qui couvrent les bassins sont une transposition du profil des mouvements marins. Ici, la courbe concrétise la poésie de la dimension sculpturale de l’œuvre. Son épure tendant vers l’abstraction, s’appuie sur des outils nouveaux. « Pour la première fois, précisa-t-il, j’ai utilisé l’ordinateur et prouvé que l’on pouvait bâtir autrement ».
En 1967 il a l’idée de couvrir le grand bassin et les plages de la piscine de la rue Carnot, à Paris. La couverture d’une surface rétractable de 4 000m² est l’une des premières structures mobiles réalisées dans le monde. Elle est composée d’une toile suspendue à un mât par des câbles, sur lesquels elle se déplace en quelques minutes seulement. Il l’étudie avec l’architecte-ingénieur allemand Frei Otto qui couvrira, un peu plus tard, le stade olympique de Munich, avec une nappe arachnéenne composée de câbles en acier et de plaques en polyester.
Autre défi : le stade du Parc des Princes. C’est avec ce projet réalisé en 1972 que Roger Taillibert accède véritablement à la notoriété. Défi d’architecture et de technicité, cet ouvrage va le pousser à faire preuve d’une maîtrise exceptionnelle, faisant de ce stade un temple moderne de 50 000 places.
Son ami Claude Parent – toujours lui – dira à l’occasion du lancement des travaux : « Que revendique Roger Taillibert dans cette aventure ? Rien moins qu’un porte-à-faux de 46 mètres, fleuron de la préfabrication lourde en béton armé et une précontrainte croisée, en tête de portique ».
Ainsi l’exemplarité du Parc des Princes est à chercher du côté de cette extraordinaire maîtrise du génie civil, que notre architecte est déterminé à exercer d’un bout à l’autre du processus de création. Le succès est total. L’entreprise qui le réalise est une entreprise alors naissante, qui cherche à accéder à une plus grande dimension technique et prospective. Elle s’en donne, ici, les moyens et connaîtra un succès certain. Il s’agit de l’entreprise Francis Bouygues. Fusion et complicité totale entre un architecte et son constructeur.
L’ouvrage, attire l’attention de Monsieur Jean Drapeau, alors maire de Montréal. Il voit en son auteur, un artiste qui écrit – et c’est étrange – des poèmes de béton. Il lui propose de réaliser le stade chargé d’accueillir les Jeux olympiques de 1976 à Montréal. Cette œuvre parviendra jusqu’à nous intacte et cohérente, malgré toutes ses vicissitudes. Elle reste, grâce à l’énergie de son architecte, une pièce exceptionnelle dans le catalogue des équipements sportifs de haute compétition. Elle demeure, pour moi, avec celle du stade olympique de Munich de Frei Otto, la plus belle des réalisations sportives au monde de la période moderne.
En avril 1972, la Ville de Montréal dévoile, devant la presse internationale, la première maquette du futur Stade olympique. Il s’agit d’un bâtiment ellipsoïdal aux allures de coquillage gigantesque, ouvert en son centre et surmonté d’un mât habitable de 165 mètres de haut, capable de déployer ou de rétracter une couverture en toile de 18 000 m². Le 17 juillet 1976, soit quatre ans plus tard, 12 000 athlètes défilent devant plus de 76 000 spectateurs, dans le stade olympique. Le mât lui sera fini en 1987.
Happy end ? Fin heureuse pour le dire en respectant notre langue et celle du Québec francophone ? Pas vraiment car, en vérité, le match entre l’architecte et son stade ne fut pas une sinécure. Il fut violent. Des coups durs, des impondérables techniques, des grands moments de solitude. Il se bat jusqu’au bout pour que la structure mobile soit réalisée selon ses dessins. En vain.
Plutôt que de nous en plaindre, admettons que toute grande œuvre comporte – peut-être – sa part de souffrance pour pouvoir entrer, un jour, dans la légende. A sa manière et jusque dans ses déboires, Roger Taillibert fut donc un acteur de l’héroïque saga des bâtisseurs.
Lors d’une courte et rare prise de parole en 2017, il dit : « La beauté est une création, une naissance qui déjà affleure l’éternité. C’est aussi un langage qui classe une œuvre dans le patrimoine collectif de l’homme ».
Si ces courtes phrases résument la vision sensible et universelle de son travail, elles nous permettent d’évaluer aussi l’importance du leg laissé par Roger Taillibert.
De conclure par ce que l’artiste qu’il était, nous livre : « Tout ce qui meurt sans laisser de trace illustre la faiblesse de l’homme ».
… Et le reste est silence.
Anne Démians