Comment faire face dès aujourd’hui aux crises sanitaires, écologiques et sociales qui s’enchaînent ? Les dirigeants des grandes entreprises seraient-ils plus perspicaces que les politiques ? La SNCF par exemple, notamment SNCF Immobilier, se retrouve en 2023 au cœur des enjeux environnementaux et sociaux du pays. Entretien avec Katayoune Panahi, directrice générale de SNCF Immobilier.
Depuis février 2021, Katayoune Panahi est directrice de SNCF Immobilier qui assure pour les cinq sociétés du groupe les missions de : facility management tertiaire, la gestion et l’optimisation immobilière du parc d’exploitation, l’aménagement et la valorisation des biens fonciers et immobiliers non utiles au système ferroviaire avec notamment sa filiale d’aménagement et de promotion immobilière Espaces Ferroviaires, et celle d’opérateur du logement et de bailleur social avec sa filiale ICF Habitat, et son patrimoine de près de 100 000 logements (dont 85% de logements sociaux).
SNCF Immobilier comprend sept directions immobilières territoriales qui travaillent avec les acteurs locaux sur l’ensemble du territoire national.
Chroniques d’architecture – Les transports en commun en général, le train et la SNCF en particulier, sont au cœur des enjeux environnementaux et leur développement apparaît comme une évidence. Vérité révélée ou vérité avérée ?
Katayoune Panahi – Le chemin de fer a permis de recomposer le territoire français, le train réduisant considérablement les distances et les délais de parcours. Nous ambitionnons de poursuivre ce travail d’accompagnement des transformations de la société. Nous le faisons sans doute davantage encore aujourd’hui, dans un contexte de crise sanitaire doublée d’une crise climatique qui se conjugue maintenant à une crise énergétique mondiale. Nous le faisons car, sur le volet « Transports », le train est intrinsèquement l’un des modes de transport les plus écologiques qui soit.
Quelques données pour étayer cette affirmation. Un trajet par le train émet 50 fois moins de CO² que le même trajet en voiture et lorsqu’une tonne de marchandise est transportée par le fret, elle émet neuf fois moins de CO² que si la même tonne était transportée par la route. Pourtant, malgré ces données incontestables, le fer ne représente que 10% des modes de transport, contre 85% pour la route. Au sein du groupe SNCF, notre ambition est donc de doubler cette barre de 10%, en la faisant passer à 20%, en captant 10 points de la part modale routière vers le fer.
Vendredi 24 février 2023, le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) a remis au gouvernement un rapport faisant des propositions d’investissements dans la mobilité et les transports pour la période 2023-2042. À cette occasion, la Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé un « plan d’avenir pour les transports » qui sera précisé d’ici l’été. Il prévoira de l’ordre de 100 milliards d’euros d’investissements dans le ferroviaire d’ici 2040.
Vous dirigez SNCF Immobilier. Comment le foncier et l’immobilier contribuent-ils à ce projet, à cette stratégie ?
SNCF Immobilier est un contributeur essentiel du fait de l’étendue de son patrimoine foncier – deuxième propriétaire foncier de France après l’État – et s’appuie sur ce patrimoine considérablement étendu et, surtout, extrêmement bien situé à proximité des gares.
Cela signifie qu’à chaque fois que nous sommes amenés à transformer une ancienne friche ferroviaire proche d’une gare en nouveau quartier agréable à vivre et présentant toutes les aménités contemporaines, nous concentrons les habitats, l’activité humaine, les commerces, les équipements, les bureaux, etc. Nous les concentrons dans le quartier autour de la gare, favorisant ainsi l’accès au train, plus pratique quand on habite ou travaille non loin d’une gare. Notre activité immobilière favorise donc des modes de transports décarbonés.
De plus, ces quartiers transformés à proximité des gares concentrent non seulement les activités humaines mais, par ailleurs conçus également autour de pôles d’échanges multimodaux, ils permettent aux habitants des zones pavillonnaires éloignées des transports, tributaires de l’usage de leur véhicule, de pouvoir venir en véhicule jusqu’à la gare, d’y stationner et ensuite de pouvoir accéder au train. Le débat sur la ville dense versus les zones pavillonnaires est aussi le débat sur les transports. De ce point de vue, le foncier de la SNCF présente un atout écologique, environnemental et social indéniable.
Le deuxième atout de notre foncier ferroviaire est qu’il est très largement imperméabilisé, voire très pollué. En guise de quoi, à chaque fois que nous transformons ces anciennes friches ferroviaires, nous redonnons vie et un nouvel usage à un terrain déjà artificialisé. Nous œuvrons dans le sens du ZAN (zéro artificialisation nette) proposé par la loi Climat et Résilience [de juillet 2021] en allant même plus loin puisque nous re-perméabilisons le sol et replantons de la végétation en pleine terre, ce qui est doublement vertueux en favorisant la biodiversité et la lutte contre les îlots de chaleur en cœur de ville.
J’en veux pour exemple notre site des Messageries*, à côté de la Gare de Lyon dans le XIIe arrondissement, en plein cœur de Paris où chacun sait comme il est difficile aujourd’hui de trouver du foncier disponible. C’est pourtant là sans doute que les besoins sont les plus criants, parce que c’est là que la densité est forte et la biodiversité en régression, et c’est là que nous avons besoin d’agir en faveur des enjeux de transition écologique. Nous allons végétaliser et re-perméabiliser en pleine terre la moitié de nos parcelles : nous construisons sur trois hectares, nous végétalisons sur trois hectares, le tout avec un parc paysager d’un hectare. En plein cœur de Paris, dans le XIIe arrondissement !
Les dirigeants de sociétés, publiques ou privées, sont-ils les plus à même de faire avancer les choses, plus vite que les politiques par exemple ?
Certes les dirigeants ont la possibilité, voire le devoir de faire avancer les choses, mais, en même temps, ces dirigeants ont leurs limites et ont besoin du politique pour diverses raisons. Aujourd’hui, effectivement, nous sommes totalement conscients de notre responsabilité, surtout au sein du groupe SNCF, dont l’ambition sociale et environnementale est inscrite dans son ADN. Mais, au-delà, chaque fois que nous disposons d’un foncier vraiment très dense, en cœur de ville ou en centre-ville nous sommes tiraillés entre des injonctions contradictoires.
En zones urbaines denses, il nous faut répondre sur le triptyque écologie, social, et économie. Cela se traduit par la demande d’œuvrer en faveur des enjeux de transition écologique, et donc de créer des espaces verts. Il s’agit d’une aspiration légitime de la population qui s’est considérablement accrue du fait de la crise sanitaire. Il y a eu les confinements, certes, mais cette aspiration existait déjà parce que, en zone urbaine très dense, les habitants ont besoin d’espaces de respiration et de verdure.
Cette aspiration de la population est relayée par les élus locaux, par les collectivités avec lesquelles nous travaillons, qui elles-mêmes définissent la programmation des projets puisque ce sont elles qui délivrent les autorisations d’urbanisme. Comment répondre à cette demande, disons écologique, quand, par ailleurs, en zone urbaine dense, surtout en zone tendue, il y a un besoin criant de logements, notamment de logements sociaux ?
Sur notre foncier, nous avons bien conscience qu’il faut à la fois réaliser des espaces verts mais aussi du logement, et du logement social quand on est en cœur d’agglomération. Or, une telle opération – espaces verts et logements sociaux – n’est pas la plus rentable du point de vue économique. En effet, pour valoriser une opération, les promoteurs, les constructeurs ont besoin d’une programmation soit tertiaire, soit résidentielle pour boucler la boucle avec le trépied économique.
Le social, le volet environnemental, et puis l’économie peuvent parfois apparaître comme des injonctions contradictoires. Or, nous avons tenté tout au long de nos opérations de ces dernières années de faire converger ces intérêts divergents. Pour l’opération des Messageries comme sur l’ensemble de nos autres fonciers, nous montrons que nous pouvons, sur une parcelle en plein cœur de ville, faire à la fois du logement, notamment du logement social, créer des espaces végétalisés en pleine terre et trouver le modèle économique qui permet à l’opération de fonctionner.
Pourtant le coût du foncier, surtout en centre urbain dense, semble généralement rédhibitoire… Quel modèle proposez-vous ?
Je vais prendre quelques exemples pour illustrer mon propos. Aujourd’hui, en ce qui concerne la valorisation du foncier, si l’objectif est d’agir sur la valeur du foncier pour inciter et permettre aux propriétaires de mobiliser leur foncier en faveur de la création d’espaces verts et de logements sociaux, il faut qu’il y ait des mesures incitatives. Or le modèle économique de la valorisation foncière est complètement daté puisque c’est un modèle qui repose sur la constructibilité du terrain. Plus un terrain est constructible, plus il vaut cher.
C’est un modèle qui repose sur le paradigme de la période de la reconstruction d’après-guerre. À l’époque il s’agissait de reconstruire le pays et donc, évidemment, on a fait des barres HLM, des ronds-points partout, des routes, des autoroutes, des échangeurs autoroutiers, etc. Les Trente Glorieuses de la société de consommation. Aujourd’hui, nous abordons plutôt une société de la sobriété, de la frugalité et il faut développer une nouvelle approche en termes de foncier ; la valeur du foncier ne peut pas reposer uniquement sur sa constructibilité. Sinon seront construits des centres commerciaux et des bureaux partout alors même que l’on a peut-être moins besoin de bureaux avec le télétravail et peut-être moins besoin de centres commerciaux avec l’explosion de l’e-commerce.
Il est clair que les modes de consommation ont évolué, que le rapport au travail a évolué, et nous ne pouvons donc plus continuer à œuvrer avec le même modèle que celui qui a prévalu jusqu’ici. En revanche, quand vous créez un espace vert sur votre terrain, votre terrain ne vaut plus rien ! Alors même que vous créez de la valeur environnementale !
L’ancien modèle économique, qui a servi à l’époque pour reconstruire le pays, et c’est très bien, n’est plus opportun. Notre sujet est donc de démontrer qu’il faut changer de modèle et que, aujourd’hui, il faut intégrer dans la valeur du foncier sa capacité à créer de la valeur environnementale et sociale.
Comment déterminer cette valeur environnementale ?
Il y a plusieurs pistes. Lorsque nous disposons d’un foncier en centre urbain dense, nous aurions la possibilité d’en faire un espace vert pour favoriser la biodiversité et créer un îlot de fraîcheur. Pourquoi pas puisque cela répond certainement aux enjeux environnementaux et sociaux. Cependant, ce parc ne nous rapporterait rien en tant que propriétaires, donc nous ne sommes pas incités à le faire. En revanche, dans cette hypothèse, nous aurions créé de la valeur environnementale qui va bénéficier et avoir des retombées positives, en termes de création de valeur économique, sur l’ensemble des biens des propriétaires situés autour du parc.
D’ailleurs, les prix des biens immobiliers aux abords des parcs et jardins ont considérablement augmenté après les confinements. Donc nous voyons bien qu’il y a un intérêt à créer de la valeur environnementale puisqu’elle se répercute en valeur économique, pour certains. C’est là qu’intervient justement la question du partage de la valeur : c’est-à-dire que si vous êtes propriétaire, que vous générez un espace vert sans en récupérez aucun bénéfice mais que ce sont tous les propriétaires autour qui en récupèrent la valeur, un tel système ne peut pas fonctionner. Donc, il faut revoir ce modèle-là. Parmi les pistes, il est possible par exemple de répartir différemment les bénéfices et les retombées économiques, en les ponctionnant avec la fiscalité ou une taxe.
C’est un peu ce qui s’est passé avec les gares du Grand Paris. Le Grand Paris Express aujourd’hui est financé par la fameuse taxe sur les bureaux, qui s’applique à tous les propriétaires de bureaux situés aux abords des gares. L’État a considéré que les futures gares du Grand Paris, une fois réalisées, vont créer de la valeur qui va bénéficier à ces espaces de bureaux attractifs où les salariés pourront se rendre au travail par le métro automatique. Ces bailleurs ont donc été mis à contribution pour financer le métro et les gares. Mais le portage politique d’une nouvelle fiscalité ‘espaces verts’ serait difficile surtout dans un contexte inflationniste.
En revanche, il est possible d’imaginer des pistes liées à la compensation environnementale, qui pourrait s’apparenter notamment au marché des quotas de CO². Nous pourrions en effet considérer que si un propriétaire foncier réalise sur sa parcelle des espaces verts boisés, il crée ni plus ni moins qu’un puits de séquestration de carbone.
D’où le rôle attendu des politiques ?
Hélas, tout cela se fait, aujourd’hui, au prix de négociations très longues et donc très coûteuses. Pourquoi ? Parce que pour pouvoir concilier ces intérêts qui peuvent paraître divergents, nous sommes conduits à négocier avec les promoteurs, avec l’aménageur, avec les constructeurs, nous sommes amenés à négocier avec la collectivité pour revoir la programmation différemment, nous sommes tenus de négocier en interne, ou au sein du groupe SNCF, avec nos différentes entités pour les faire évoluer aussi dans leurs contraintes.
Tout cela prend énormément de temps, et tout ce temps-là, c’est de l’argent. Il suffit que, dans ce délai, après avoir enfin réussi à se mettre d’accord sur un programme, il y ait un changement d’exécutif local après des élections et que le nouvel exécutif municipal armé d’une stratégie différente souhaite revoir la programmation urbaine, et c’est reparti pour de nouvelles négociations.
Il y a une vraie volonté et une vraie prise de conscience de l’ensemble des acteurs de la fabrique urbaine autour de ces sujets. La principale difficulté est que chacun aujourd’hui innove et essaye d’atteindre ses objectifs environnementaux et sociaux à droits constants. Mais chacun agit dans son champ de compétences. À titre d’exemple c’est ce que fait Grand Paris Aménagement quand il fixe le prix du foncier, la charge foncière, et quand il compare les projets en fonction des externalités positives, à la fois environnementales et sociales.
Les acteurs ont besoin du politique pour concrétiser leur prise de conscience, le souci étant que nous n’avons plus tellement le temps d’attendre ; les rapports successifs du GIEC nous le rappellent sans arrêt, il est urgent d’agir et de passer à la vitesse supérieure. Et si nous voulons y parvenir, il faut accélérer considérablement la mise en œuvre de ces projets, notamment ceux qui vont dans le sens de la transition écologique, nous avons besoin du législateur pour changer de modèle.
Des entreprises compensent leurs émissions de carbone en achetant des bouts de forêts. Une telle compensation participerait-elle de la rentabilisation des Messageries par exemple ?
C’est un exemple. Des solutions de compensation pourraient être envisagées mais supposeraient de faire évoluer la législation.
Le législateur est-il au même niveau que les dirigeants d’entreprises dans cette réflexion ?
Il est vrai que les entreprises ont pris conscience très tôt de ces enjeux. Au-delà des purs indicateurs financiers traditionnels – taux de rentabilité interne, retours sur investissement, etc. – de grands groupes industriels tels que le nôtre ont désormais intégré de nouveaux indicateurs tels le prix interne du carbone (PIC) et le coût d’abattement carbone (CAC), des indicateurs qui permettent de comparer les projets en fonction de leur capacité à décarboner ou de leurs vertus en matière de décarbonation. Autrefois, nous ne regardions pas la capacité d’un projet à être vertueux en matière de décarbonation.
Je prends l’exemple du projet de rénovation du Technicentre industriel de Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire) pour lequel nous avons été amenés à comparer deux options possibles. L’une prévoyait de raccorder le Technicentre au chauffage urbain et donc d’éliminer toutes les chaudières au fioul existantes. Cette option beaucoup plus vertueuse en matière de décarbonation répondait mieux aux enjeux d’aujourd’hui en matière énergétique mais elle était plus coûteuse, il fallait quelques millions supplémentaires pour pouvoir faire ce raccordement. Si nous avions appliqué les indicateurs antérieurs, le scénario environnemental le plus vertueux n’aurait pas été retenu parce que l’autre était moins cher. L’intégration d’indicateurs environnementaux, comme le prix interne du carbone, a permis de retenir cette option-là.
C’est la même chose pour la valorisation urbaine. L’on ne plus retenir uniquement des critères économiques mais il faut intégrer des critères environnementaux et sociaux. Des entreprises transforment leurs modèles, nous l’avons fait à SNCF Immobilier et chacun des acteurs a fait ce qu’il pouvait faire dans ce qui relève de son ressort, de son champ de compétences. Maintenant, passer à la vitesse supérieure relève du législateur. Le législateur en a-t-il pris conscience ? Oui, preuve en est avec la loi sur l’accélération des énergies renouvelables présentée (le 26 septembre 2022) en Conseil des ministres par la ministre Agnès Pannier-Runacher. **
Ces indicateurs environnementaux doivent donc être intégrés dans un budget global, d’investissement et de maintenance auquel répondraient les architectes ?
Bien sûr, nous avons tous intérêt à intégrer des indicateurs extra-financiers dans nos modes de raisonnement, dans nos décomptes. Même dans nos comptes ! Cela existe déjà du fait de la taxonomie européenne sur les questions environnementales mais nous pourrions prévoir également des indicateurs en matière de biodiversité, en matière de résilience du territoire, en matière d’économie sociale et solidaire, nous pourrions imaginer des tas d’indicateurs permettant de mieux prendre en compte les enjeux d’aujourd’hui.
Vous parlez des architectes et des maîtres d’œuvre, je prends souvent un autre exemple pour montrer que le modèle a changé et qu’il faut donc aussi changer la loi. Comme vous le savez, la loi MOP, sur la maîtrise d’ouvrage publique et les relations qui régissent la maîtrise d’ouvrage technique et la maîtrise d’œuvre, prévoit la rémunération des honoraires des maîtres d’œuvre sur la base d’un ratio du montant des travaux qu’ils préconisent. C’est un modèle qui marchait bien à une période où il s’agissait de reconstruire le pays. Plus vous proposiez des travaux importants, qui allaient dans le sens de la reconstruction, et plus vous étiez rémunérés en tant que maître d’œuvre et architecte. C’est tout à fait naturel, c’était incitatif.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans une logique de consommation foncière : il est question de réemploi des matériaux, de restructuration de l’existant, de lutte contre l’étalement urbain, de la performance énergétique. Le législateur pourrait décider de faire reposer la rémunération des maîtres d’œuvre non plus sur le montant des travaux mais sur des critères de performance énergétique, sur le réemploi des matériaux, sur des tas d’autres considérations bien plus en phase avec les enjeux de cette nouvelle période qui s’ouvre. C’est donc bien tout le corpus législatif et réglementaire qu’il faudrait revoir à l’aune de ce nouveau contexte.
C’est un chantier colossal mais le rôle du législateur et du gouvernement est précisément d’être un pôle d’accélération de tout cela.
N’est-ce pas au gouvernement d’anticiper et d’insuffler une politique derrière laquelle se rangeraient les entreprises ?
Il est assez naturel que ce soient plutôt les acteurs locaux de terrain, les premiers à être confrontés au quotidien à ces sujets, qui les prennent en compte. Ce sont les vigies. Le gouvernement en a aussi pleinement conscience. Preuve en est, la mission menée par la DGALN du ministère de la Transition écologique et les travaux initiés dans le cadre du Conseil national de la Refondation.
Le temps que ça remonte, il faut dix ans ?
Cela peut prendre du temps … Mais une fois que c’est monté… Là le gouvernement et le parlement s’emparent du sujet et mettent en place les conditions qui favorisent et qui accélèrent ces mutations.
En attendant, à SNCF Immobilier, tout ce que nous pouvons faire dès maintenant, nous essayons de le mettre en place et nous sentons bien que, dans ce contexte de crise sanitaire, climatique et énergétique, il nous appartient plus que jamais de rester soucieux du bien-être de nos concitoyens. Cela passe aussi par la création de logements, sociaux notamment, là où les besoins sont les plus tendus. Ainsi, la Tour Watt*** à Paris, une ancienne résidence de cheminots a été complètement réhabilitée, avec une surélévation de trois niveaux en bois, et transformée en immeuble de 175 appartements, des studios et des 2-pièces, en plein cœur de Paris (XIIIe). Offrir de telles possibilités d’accueil à Paris à des prix très compétitifs contribue à y améliorer les conditions de vie.
Nos opérations d’urbanisme de transition y contribuent également. Elles sont un important vecteur d’expérimentation et d’innovation et SNCF Immobilier a été précurseur dans son domaine, sur le site de ‘Ground Control’ notamment.****
Nous avons depuis développé plusieurs de ces projets en attente d’affectation définitive des fonciers. Nous expérimentons par ailleurs un prototype de bâtiment modulaire et mobile à haute qualité d’usage, performant d’un point de vue énergétique et environnement, l’idée étant de disposer de modules de bâtiment aisés à démonter et remonter ailleurs et permettant de répondre à différents usages. Ce type d’innovation nourrira le législateur pour faire évoluer les freins réglementaires.
Qu’en est-il hors des zones urbaines ?
Au sein du groupe SNCF, cela fait longtemps déjà que nous montons des projets de fermes solaires et de panneaux photovoltaïques sur nos fonciers. Que faire en matière d’environnement et de prise en compte des enjeux de transition écologique et énergétique dans les zones péri-urbaines ou plus rurales ? Nous utilisons nos fonciers ferroviaires éloignés des villes, le long des voies ferrées parfois, sans intention de densifier là où ce n’est pas nécessaire.
Il est possible d’utiliser ce foncier intelligemment pour aller, là aussi, dans le sens des enjeux énergétiques. En été 2021, une ferme solaire de 17 hectares a été mise en service sur le site d’Arnage près du Mans qui produit 12 000 mégawatts/heure par an d’électricité, c’est-à-dire l’équivalent de la consommation de 4 500 foyers. Ce n’est pas du tout négligeable et c’est le type de projet que SNCF Immobilier porte de longue date.
Vous demeurez optimiste pour l’avenir ?
Oui, je suis absolument, heureusement et honnêtement optimiste. Je pense que l’humanité a fait la démonstration qu’elle savait surmonter un certain nombre de crises, et je pense que les crises sont plutôt à accepter sous l’angle des opportunités qu’elles offrent. Aujourd’hui, il s’agit d’une formidable opportunité de pouvoir nous renouveler, nous transformer, de faire évoluer nos organisations tout en allant dans le sens d’un progrès social et environnemental.
Propos recueillis par Christophe Leray
* A propos des Messageries, lire A Paris, le nouveau quartier les Messageries est sur les rails et Des logements innovants par Bruther et Sophie Delhay aux Messageries à Paris
** Présenté au Conseil des ministres du 26 septembre 2022 par Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, le projet de loi avait été adopté en première lecture, avec modifications, par le Sénat le 4 novembre 2022, puis par l’Assemblée nationale 10 janvier 2023.
*** Lire A Paris (XIIIe), la Tour Watt de Vincent Lavergne parle de son temps
**** Situé à proximité de la gare de Lyon, ‘Ground Control’ est un espace média-culturel de 6 500 m² ouvert en 2014 dans une ancienne halle de tri postal appartenant à la SNCF.