
Créé en 2015 par la Communauté de communes des Sources du Lac d’Annecy (Haute-Savoie), le Festival annuel des cabanes oscille entre architecture et poésie. Chronique Altitude 1160.
Le Festival des cabanes* allie œuvres d’art et architecture paysagère. Chaque été, la Communauté de Communes des Sources du Lac d’Annecy convie architectes et étudiants en Master d’architecture à créer des cabanes éphémères, dispersées entre lac et montagnes. Un parcours insolite qui attire plus de 30 000 visiteurs chaque année. Pour fêter les dix ans de l’événement, les sept communes du bassin annécien — Chevaline, Val de Chaise, Doussard, Giez, Lathuile, Saint-Ferréol, Faverges-Seythenex — accueillent les treize édifices temporaires sélectionnés par un jury d’architectes.
En 2025, les œuvres se visitent jusqu’au 10 novembre.
Premiers pas dans la chasse aux cabanes
Le périple commence à Val de Chaise, après une longue route depuis Annecy. La chaleur de juillet invite au refuge à l’ombre des arbres le long du plan d’eau de Marlens. Point de vue direct sur « L’ascension paysagère » dont le reflet se dessine sur l’eau.

Imaginée par Simon Stevant, Pierre Alexandre Lemarie et Emie Rousseau, notre première découverte évoque une madeleine de Proust. Nous grimpons, maladroitement, comme autrefois dans une cabane d’enfant. En haut, la récompense : une vue panoramique à 360° qui offre un regard renouvelé sur un paysage familier.
Un peu plus loin, après avoir longé l’ancien four à chaux, « Meditation Cabin » des architectes Miao Jiaojiao et Yang Qitao nous attend dans la fraîcheur boisée. À première vue, la silhouette de la cabane intrigue : un vaisseau extraterrestre semble attendre le retour de ses habitants. Alors, nous embarquons… pour atterrir dans un cocon de toile et de bois à la vue triangulée sur la canopée forestière.

Les architectes ont créé un lieu suspendu, à la frontière entre abri, rêve et contemplation. Assise sur le bois, les pieds au-dessus du vide, tête tournée vers le ciel. Une expérience sensorielle. Une osmose avec la nature.
Entre Nature et poésie, chaque cabane révèle un territoire.
À Doussard, au détour d’un chemin de sous-bois, « La fontaine à mousse » — de Roman Lucas Biers, Vanessa Lin et Kenta Watase — est installée entre une maison en ruine, la carcasse d’une voiture d’antan et le ruisseau de Bornette.
Évasée vers le ciel, les concepteurs semblent vouloir mêler leur création à la canopée de la forêt. Hypnotisée, on ne remarque que dans un second temps le tas de pierres moussues au centre de l’édifice. Cette installation résonne avec le son du ruisseau qui serpente entre mousses verdoyantes et bulles blanches. Pause de fraîcheur et de songe, nous resterions bien ici pour la journée.
Puis, à Farverges-Seythenex, La Cabane « Myà » porte bien son nom, du patois savoyard, meule de foin. La création d’Adrien Thivolle se fond dans le paysage champêtre. On ne la devine qu’en s’approchant, tout en étant curieusement observés par un cheptel de ruminants.

Après avoir traversé le lit d’une rivière asséchée, nous apercevons La Chapelle des Bois. Les architectes montpelliérains — Félix Kauffmann, Charlotte Macchia, Annaëlle Rassat et Thomas Viguié — ont imaginé un hommage à un arbre disparu. La construction de bois redonne vie à la souche cachée au cœur du projet.
La Chimère ne se laisse pas découvrir aisément. La montée, sur un sentier agricole, est rude sous une chaleur ardente de l’été. Après avoir suivi un tracteur et salué deux chiens de berger, nous atteignons l’édifice de Clément Hinsinger, Martin Vacarie, Auguste Bernard et Virgile De Saint Jorre.
L’abri se greffe à la plaine. Cette coque de bateau renversée ressort comme une excroissance étrange. Curiosité et recherche d’ombre : il faut se faufiler à l’intérieur ! L’odeur du bois est omniprésente, tandis que la curiosité pousse à deviner le paysage entre les planches.
L’installation Patio des Cimes se dévoile après avoir emprunté un sentier dissimulé, entre les véhicules garés au Belvédère du Mont Bogon. À mi-chemin entre point de vue et cocon, les architectes Quentin Barthe et Paul Scarabello proposent un refuge à flanc de montagne.

Ainsi, certaines cabanes invitent au repos, d’autres à l’émerveillement ou à la méditation. Toutes transforment le parcours en une expérience sensorielle, où architecture et nature se répondent.
Un patrimoine à (re)découvrir
L’une des forces du Festival est de révéler des lieux insoupçonnés, parfois même ignorés des habitants : clairières dissimulées, ruisseaux oubliés, hameaux reculés. Chaque cabane devient une porte d’entrée vers un paysage et une histoire locale.
Cependant, le contraste se fait ressentir entre certaines réalisations très accessibles et d’autres qu’il faut dénicher grâce à des coordonnées GPS.
La Claustra Cabana — de Gabriel Cerbu, Laura Hily, Margaux Dupla et Maxime Léger —, au centre de Faverges, est bien plus à portée de main que ses consœurs.
Imaginée moins immersive mais plus accessible, la cabane fait face à un parc familial. Les architectes proposent une découverte pour les plus jeunes et une rencontre architecturale pour les plus grands. Portes de bois qui pivotent, jeux de lumière : la cabane se métamorphose au fil des passages et des heures de la journée.
Au-delà du parcours proposé, ce sont les ressources locales — matériaux et savoir-faire — qui sont valorisées. La matérialité fait partie intégrante de la pensée du projet.
En outre, en partenariat avec les scieries locales, le bois reste le matériau privilégié pour la construction.

Une invitation à rêver
La cabane ramène à l’essence même des premières constructions, celles sorties de l’imaginaire enfantin, celles des matériaux trouvés au sol. Des souvenirs d’enfance aux aspirations futures, le Festival interroge les pratiques constructives, l’environnement et le patrimoine local.
« Des cabanes comme une œuvre d’art ou un rêve d’enfant. Le rêve d’une vie à construire, d’un futur qu’on s’invente. Une nouvelle façon d’habiter le monde, de l’élargir », résument les organisateurs.
Dix ans après sa création, le Festival des Cabanes reste une expérience unique : entre randonnée, art et contemplation, il offre un regard renouvelé sur le territoire annécien. Un moment où imagination et nature se rencontrent.
Marine Adam
Architecte D.E.
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