L’agence Philippe Barriere Collective (PB+Co) propose pour le Domaine de l’Anse Sauvage, sur le site de la Baie des Singes à La Marsa, en Tunisie, « une architecture du lien et de l’interdépendance ». Le projet, conçu pour la société de promotion immobilière Le Montfleury — Groupe Bayahi, se veut un jardin botanique. Communiqué.
Le Domaine de l’Anse Sauvage est un projet de logements résidentiels et d’appartements-hôtel, situé sur le site limitrophe de la station balnéaire de Gammarth, au nord de la Tunisie, à une vingtaine de kilomètres de Tunis. Il est entouré au sud par une forêt menacée, et à l’ouest et au nord-ouest par une marina qui a transformé artificiellement le paysage du littoral et détruit sa végétation naturelle.
Une architecture du lien
« Notre perception du monde subit une profonde mutation marquée par l’émergence d’un nouveau paradigme. Ainsi, nous passons du paradigme de la séparation et de la rupture à celui de la liaison et de l’interdépendance où tout est perçu comme étant relié dans un même grand tout », explique Philippe Barriere.
Ce projet souscrit à cette mutation. Il propose une architecture du lien dont le rôle est de réinscrire l’homme au sein de la nature afin que la protection de l’un contribue à la régénération de l’autre et vice versa dans un processus qui permet de les repenser ensemble au sein d’une même appartenance.
Architecture comme seconde nature
Ce projet s’inscrit dans un processus qui vise à élargir le rôle de l’architecture afin que les espaces en relation avec l’extérieur tiennent lieu de « seconde nature ». Cette requalification de 30 % du projet permet de pallier les déficits existants dans l’écosystème ambiant et de prévenir les aggravations dues à sa construction. En devenant le « milieu » de nouvelles relations avec la nature, l’architecture devient garante de son équilibre et de son intégrité au sein même de ce qui l’a jusque-là dénaturée.
Les destructions irréversibles perpétrées aux abords du site du projet ont incité, en son sein, à maximiser les espaces verts, à amender l’écosystème et à compenser ce qui a été irrémédiablement perdu par ce qui faisait auparavant défaut. Ce qui a nécessité la mise en place d’une stratégie faisant intervenir différents types d’espaces, chacun remplissant une fonction particulière au sein de cette relation. Devenant selon les cas annexes, additions, ou extensions, ce sont par exemple les espaces ancillaires abritant des pépinières, jardins d’hiver (la façade NNE) ainsi que des annexes où des espèces indigènes plus spécialisées sont cultivées : loggia ou toiture plantée, jardin privé, etc. qui offrent une nature supplétive.
Jardin botanique comme espace de vie
Le domaine de l’Anse Sauvage est situé au nord-est de Tunis, sur le littoral de la côte de Gammarth à flanc du coteau surplombant la Baie des Singes. Sa végétation à l’abandon émerge de la partie inférieure de la Baie dénaturée par un bâti dense et un littoral érodé.
Pour mieux préserver cette unique enclave de verdure, 70 % du domaine demeure végétalisés (54 % aménagés en un jardin botanique et 16 % en jardins privés). Les 30 % restants accueillent 164 logements (50 % de la surface de leurs toitures est plantée).
Le Jardin botanique abrite des espèces indigènes menacées ainsi qu’une grande diversité de « plantes sèches » pour fixer les sols, stocker l’humidité et reconstituer une biodiversité.
Le refus de compléter la bétonisation de la baie a inspiré une architecture ouverte, composée de strates poreuses entre lesquelles se logent des espaces de vie assurant continuités et échanges avec l’extérieur. Ces strates appellent à la fluidité dans un mouvement invitant l’usager à se projeter dans un univers pensé comme une totalité (intérieur + jardin botanique). Ainsi le Jardin botanique n’est plus seulement un lieu de passage, mais un espace de vie. Les pratiques générées par cette architecture autorisent un modèle de vie ouvert, qui encourage une approche collective de sauvegarde de l’environnement.
Pour ce faire, jardin botanique et architecture sont indissociables de la conception d’un projet qui a été pensé dans un double rapport intérieur-extérieur. Cette conception fait écho à celle-là même des jardins persans byzantins ou islamiques, elle a permis de créer des lieux d’échanges intermédiaires, de médiation et d’amplification, appartenant simultanément aux deux et facilitant une symbiose offrant à l’habitant l’expérience d’une « seconde nature ».
De fait, la limite « intérieure-extérieure » n’est plus une fermeture mais une unité spatiale, à la fois « sujet » des différentes fonctions qu’elle remplit et attribut de l’architecture qu’elle définit. Les typologies et leurs différents usages varient selon l’orientation cardinale et les niveaux — Jardin d’hiver (Façade NE, avec porte-fenêtre accordéon, servant de pépinière pour le jardin) —Ganaria (Façade Sud, servant d’espace tampon bioclimatique avec moucharabieh) — Terrasse loggia habitable (avec rideau extérieur à double rail) — Toiture-jardin plantée (avec des espèces venant compléter celles du jardin) — loggia double peau — Jardin individuel habitable (permettant de personnaliser et d’accommoder les espèces nécessitant plus d’entretien).
Plan
Le site est considéré à la fois comme « origine », « milieu » et « destination », le plan masse joue un rôle important dans l’équilibre de la relation homme-nature-culture qu’il tente de redéfinir.
L’implantation des bâtiments libère les vues sur les trois orientations principales : le grand large, la forêt de Gammarth, la Marina. 75 % des logements ont une vue directe sur la mer. Les jardins privatifs plantés situés sur les toits offrent une triple vue plongeante à la fois sur la baie et son horizon et sur la forêt.
Double peau
En biologie, la spécification est le phénomène par lequel les tissus se transforment pour spécialiser les organes et singulariser l’espèce. L’espace compris entre la façade extérieure et la façade intérieure constitue une double peau qui génère des différenciations fonctionnelles selon les niveaux, les orientations cardinales, l’implantation dans le site, la pente du terrain et les perspectives sur le panorama.
La double peau permet aux bâtiments de répondre aux contingences climatiques et environnementales extérieures (milieu, saisons, vents dominants, degré d’humidité… etc.) et aux nécessités changeantes des besoins intérieurs. Elle agit comme un organe opérant :
– une fonction bioclimatique venant tempérer les fluctuations météorologiques ;
– des continuités spatiales avec le déplacement du centre de gravité de l’habitation (séjour) vers l’extérieur ;
– des continuités végétales avec le déplacement du jardin extérieur à l’intérieur de l’habitation grâce au jardin d’hiver (pouvant servir de pépinière) ;
– un élargissement du champ visuel intérieur en le faisant coïncider avec la totalité du panorama.
Jardin botanique
C’est une réserve végétale sauvage où des espèces indigènes sont préservées dans leur milieu naturel. Elle participe à la reconstitution du végétal original et du biotope altéré par des constructions aujourd’hui démolies. Les espèces réintroduites participent à l’adaptation du site aux changements climatiques (jardin sans eau), aux vents dominants (cyprès), contribuent à freiner l’érosion du terrain et à conserver l’humidité des sols. Ce type de plantations nécessite un minimum d’entretien (4 fois par an seulement). Ce jardin peut servir de laboratoire pour sauvegarder d’autres écosystèmes menacés.