C’est entendu, le nouveau Tribunal de grande instance de Paris, imposture signée Renzo Piano, est absurde. De quelle sorte de tour cette barre est-elle le nom ? Et de quelle idée de la justice ce TGI est-il le nom ? Et les PPP, de quels financements sont-ils le nom ?
Le Bouygues Palace aurait été récompensé en mars 2012 au MIPIM que ce n’aurait été qu’occasion supplémentaire de se féliciter. En effet, voilà un immeuble de bureaux de dernière génération, puisque des pins d’Autriche poussent sur les toits.
Corporate, aussi, les cellules de rétention des présumés innocents ? Paris n’a rien vu de tel depuis les barres géantes de la gare Montparnasse. A la gare le TGV, aux Batignolles le TGI !
«Ce n’est pas un bâtiment de bureaux», se défend l’architecte. La tour est une «silhouette qui se dessine et se fond dans le paysage de Paris». Tellement d’ailleurs que Renzo Piano lui-même la décrit comme un «paquebot». A Paris, à défaut de Phare, le Titanic.
Au fait, cet immeuble de bureaux est un TGI. Souvenez-vous, les tribunaux sont – étaient – des équipements publics ouverts à tous, afin que chacun puisse assister à la publicité des débats quand justice est rendue. Aujourd’hui, il faut montrer patte blanche après être passé sous les détecteurs pour y entrer.
Cela, Renzo Piano n’y peut rien, comme il n’en peut mais de la réglementation française et parisienne.
Qui plus est l’arbitrage final est celui du maître de l’ouvrage. S’il s’agit ici en apparence d’un équipement public, il n’en est rien. Avec le PPP, le TGI est un équipement privé recevant du public, comme Hong-Kong pendant 99 ans. La nuance est de taille. Le maître de l’ouvrage n’est pas l’Etat mais une société privée. C’est elle l’arbitre.
Quelle marge alors pour le Pritzker ? Comment désobéir entre l’enclume et l’enclume ?
Cela écrit, comment Renzo Piano, admiré par ses pairs, peut-il se fourvoyer à ce point ? Quelle idée de la justice de notre pays se fait-il donc ? Un TGI aux Batignolles dans une tour ? Pourquoi pas ? Mais ce bâtiment n’est ni une tour ni un TGI.
La tranche d’une barre ne fait pas une tour, c’est la tranche d’une barre. Même sur le prospectus, le bâtiment n’est jamais présenté de face.
De plus, insister qu’il s’agit d’une tour ‘qui fait le lien avec la banlieue’ est nous faire prendre les parois de verre pour des cautères en bois.
Et un TGI, vraiment, cette paroi impersonnelle aux proportions lugubres dont la salle des pas perdus ressemble à un hall de gare ?
A défaut de grande oeuvre, Renzo Piano a peaufiné les détails de finition. L’exposition* consacrée à ce bâtiment en témoignait abondamment. Il y a même une maquette qui représente le bâtiment en coupe et en relief. Oui, une coupe en relief, à toutes fins utiles sans doute.
Reste la lingua d’un architecte qui aime le verbe. Alors, pour ce TGI de triste mémoire, voici ce qu’écrit l’homme de l’art. Le prochain TGI est officiellement composé de grandes surfaces vitrées «captrices de lumières et d’énergie», la façade est tramée «par son épine dorsale» et respire via des «branchies de panneaux photovoltaïques».
Pour cet ouvrage donc, fut-il de ce Pritzker, un ticket aller-simple pour le musée d’Histoire Naturelle, rayon dinosaures.
Christophe Leray
* La maquette du futur tribunal des Batignolles était exposée, du 16 février au 9 mars 2012, dans la salle des pas perdus du palais de justice, sur l’Ile de la Cité, dans le 1er arrondissement de Paris.
Cet article est paru en première publication sur Le Courrier de l’Architecte le 14 mars 2012