
Il suffirait d’une phrase : « Les concurrents auront le loisir de compléter le projet urbain proposé à l’est par une proposition d’entrée à l’ouest qui inscrirait le Louvre dans l’axe majeur de Paris ». Seule issue honorable ? Tribune.
Le concours international de maîtrise d’œuvre pour la reconfiguration de l’entrée sur la façade est du Louvre, et la création d’un espace dédié à La Joconde, sous la Cour Carrée a été lancé le 27 juin 2025. Les candidats ont déposé un dossier ; le jury tiendra sa première réunion les 6 et 7 octobre et choisira au maximum cinq concurrents admis à la seconde phase ouvrant droit à une indemnité de 350 000 € HT. Désignation du ou des lauréats, début 2026.
Concours bien étrange qui définit un périmètre d’intervention exclusif de part et d’autre de la colonnade dite de Claude Perrault, y compris l’espace public jusqu’à l’église Saint-Germain l’Auxerrois. D’autant plus insolite que le bâti existant, c’est la loi, reste placé sous l’autorité exclusive de l’Architecte en chef des Monuments Historiques.
Comment un tel programme a-t-il pu voir le jour ?
Après la disparition des baraquements à usage de bureaux qui encombraient les douves dégagées en 1964 par André Malraux, la nouvelle présidente du Musée du Louvre a envisagé début 2023 la création d’une nouvelle entrée pour désengorger la Pyramide et proposé de combler les fossés en y installant des salles d’exposition supplémentaires. Tollé à la mairie de Paris, concernée il est vrai, aux deux tiers, par l’aménagement de l’espace public entre l’église Saint-Germain-l’Auxerrois et la colonnade (113 m x 33 m soit 3 730 m²). En 2024, plus de 70 % des participants à la votation citoyenne de Paris-Centre s’étaient prononcés pour la transformation de « ce terrain vague » en un « grand projet patrimonial, piétonnisé et végétalisé ».
Allait-on assister à un nouvel épisode de « Silence, ça pousse » sur FR5 ! Le maire du quartier se plaisant à rêver « d’une végétalisation importante, des traversées piétonnes sécurisées, une voie de bus sanctuarisée, des aménagements cyclables ». La marotte écolo de la majorité municipale. Peu à peu, l’idée première de Laurence des Cars, patronne du Musée, de créer une entrée supplémentaire, confrontée à l’emphase élyséenne, s’est transformée en entrée unique, spectaculaire et moderne du « plus grand musée du monde ». En fait, parachever l’œuvre de Louis XIV qui dans les années 1660 avait quitté le Louvre pour Versailles ! Macron tenait son Grand Projet !
Aujourd’hui ce programme boursoufflé paraît inspiré par les découvertes récentes dans les sous-sols des pyramides de Gizeh, flanqué d’un espace verdoyant. Jamais les auteurs de la colonnade, attribuée à Claude Perrault, médecin et architecte, bien que les historiens contestent toujours – comme Boileau – cette filiation et penchent pour Le Vau ou François d’Orbay, après que Le Bernin eût échoué à séduire Colbert et le jeune Louis XIV, n’ont imaginé que ce bâtiment – exceptionnel il est vrai – abriterait un musée destiné à canaliser douze millions de visiteurs en 2031 !
Pétition du 14 juillet
C’est dans ce contexte baroque que notre Collectif a lancé le 14 juillet une pétition citoyenne afin de ne pas écarter du programme une entrée à l’Ouest, en arrière de l’Arc du Carrousel, estimée plus lisible, mieux intégrée à l’axe parisien et, à l’évidence, beaucoup moins coûteuse. Notre initiative n’avait d’autre objectif que de laisser aux concurrents une plus grande latitude face à l’incongruité du programme.
Plusieurs centaines de signataires ont compris le message : « avec des arbres dans les fossés, il y a tout lieu de croire, relève l’un d’eux, que les douves creusées par Malraux finiront affublées de tout ce qu’implique un accès public : portillons, édicules, cordons, auvents, signalétique… », souligne Karim B.
Au secours Lenôtre !
Le jury
Il est hautement improbable que des voix s’élèvent au sein du jury pour ne pas respecter la conformité au règlement, et risquer de fragiliser la sécurité juridique et le calendrier de l’opération. À ce stade, ni les coûts élevés des fouilles au pied de la Colonnade et dans le sous-sol de la Cour Carrée, n’influeront sur les décisions du jury. Pas plus que la lisibilité urbaine d’une entrée perçue comme latérale, ni le risque d’une polémique publique contre un « choix imposé » et des dépenses excessives en temps de disette budgétaire. Et ce, à six mois d’une élection municipale qui pourrait tout remettre en question.
Est-il trop tard ? Ce n’est pas sûr. Beaucoup pensent en effet que le concours sera infructueux ou bien qu’une autre logique finira par s’imposer, y compris au sein de la Ville de Paris. Les opposants à un traitement arboré en avant de la colonnade sont sur le qui-vive. « Ne surtout pas y planter des arbres, véritable contresens architectural », proclame Didier Rykner, dans La Tribune de l’Art. Les ingrédients de la polémique sont en place.
L’exemple du Grand Palais peut-il se répéter ?
En 2014, un concours prévoyait une profonde reconfiguration, nécessitant une déclaration de projet et une mise en compatibilité du PLU. L’agence LAN fut lauréate, et l’enquête publique de 2019 donna un avis favorable. Mais, à la veille du chantier en 2020, l’État et la RMN réorientèrent l’opération pour les JO 2024 et confièrent la restauration à François Chatillon, ACMH. Exit LAN : un nouveau projet, plus sobre, n’imposait plus de modification du PLU.
Résultat : simple restauration et mise aux normes (nef et galeries), relevant des autorisations patrimoniales/ERP ordinaires, sans permis de construire. Or, François Chatillon est aussi Architecte en chef des Monuments Historique, patron du Louvre. Bis repetita placent ?
Une seule issue ?
Prudemment, l’article 12 de la consultation prévoit que « l’organisateur du concours se réserve le droit d’apporter des modifications de détail au dossier initial au plus tard 15 jours avant la date limite fixée (ou la date reportée le cas échéant) pour la remise des dossiers d’offre (Envoi dématérialisé et 1er envoi matérialisé). Les candidats devront alors répondre sur la base du dossier modifié sans pouvoir élever aucune réclamation à ce sujet ». Auparavant, l’article 9, avait menacé : « Conformément aux dispositions de l’article R. 2185-1 du code de la commande publique, l’acheteur peut, à tout moment, déclarer une procédure sans suite. Il peut ainsi décider de ne pas donner suite au concours pour un motif d’intérêt général ».
Pour éviter d’en arriver là, une simple phrase, ajoutée en application de l’article 12, apporterait la lumière dans ce tunnel obscur : « Les concurrents auront le loisir de compléter le projet urbain proposé à l’est par une proposition d’entrée à l’ouest qui inscrirait le Louvre dans l’axe majeur de Paris ». C’est la seule issue pour une sortie honorable.
Collectif Louvre
Pour découvrir et signer la pétition POUR UNE ENTRÉE OUEST AU MUSÉE DU LOUVRE
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