Il ne faut pas se méprendre : le ‘Low-tech’ (basse technologie) n’est pas le « Lot-tech », plus précisément le lot technique – ces éléments techniques inhérents au fonctionnement d’une construction – mais cette chose qui, par maladresse phonétique, devient le lot architectural d’infortune !
Les mots deviennent des idées, ils transitent vers la pensée et s’inscrivent en objets de recherche sans fondement et sans cadre d’étude spécifique, ils évoluent et se transforment en manipulateur. Alors, d’où vient l’idée que le low-tech en architecture est un style ? Un mouvement ?
Par les temps qui courent, l’utilisation d’un certain nombre de mots offre l’illusion du savoir. Décarboner, par exemple, est le fait de réduire l’empreinte carbone. La voiture électrique en est le nouveau symbole ! Rien n’est dit des plastiques du tableau de bord, des portières, des sièges ni les métaux aussi lourds que légers et rares … Surtout pas ! Emission zéro carbone c’est plus fun !
Il y a aujourd’hui un mot qui déclasse tous les autres au « Top de la Tendance » toutes catégories confondues, celui que l’on retrouve dans le discours du président Macron, dans celui du premier ministre Castex en passant par la ministre de la Culture Bachelot. Il trouve sa réalité, chez les politiques, les architectes, les bureaux d’études, les entreprises de construction, les… les… les… Il est si omniprésent dans les discours que l’organisme de certification CERQUAL en a même fait une rubrique dans le cadre de la certification NF HABITAT !
Résilience !
Car c’est bien de ce mot-là dont il s’agit.
Evelyne Pieiller, dans son article Résilience partout, résistance nulle part (Le Monde diplomatique – mai 2021) s’interroge : « Jusqu’où aller dans la mise en œuvre de nouvelles contraintes, et comment y aller ? Comment faire pour qu’elles apparaissent justifiées, voire bénéfiques, pour s’assurer de leur acceptabilité sociale ? ».
Aux armes Citoyens, nous sommes en guerre ! Soyons combatifs, positifs, démonstratifs, admiratifs, coopératifs et, par-dessus tout, dociles et résilients !
Le low-tech s’inscrit dans cette logique et, en architecture comme ailleurs, fait figure de style, celui du rien ! Le low-tech comme la permaculture ou l’agriculture hors sol est à la fois concept et philosophie de vie. De là à en faire un style architectural, la question peut se poser.
Philippe Bihouix, auteur de L’âge des low-tech, vers une civilisation techniquement soutenable* permet d’en mieux appréhender les enjeux. Les low-tech sont des technologies conçues pour être utiles, durables et accessibles à tous. Si le concept est né à partir de l’antonyme ‘high-tech’, il n’est pas question de repousser ce dernier mais de développer une alternative, de questionner notre rapport aux technologies, à nos usages, leur place dans notre société, ainsi que notre dépendance face à des objets dont la conception nous échappe.
Le low-tech est partie intégrante du concept d’innovation frugale, qui consiste à répondre à des besoins déterminés par des solutions technologiques les moins sophistiquées et les moins coûteuses, sans pour autant faire de concession sur le niveau d’exigence attendu.
Considéré, à tort, comme une mouvance rétrograde impliquant une forme de régression, la basse technologie « low-tech » n’implique pas une basse architecture où l’innovation serait inopérante avec, en ligne de mire, le retour à l’âge de pierre. Un argument fallacieux pour mettre à mal la qualité d’un projet d’architecture.
Alors, en quoi la low-tech, entre concept pour certains et philosophie pour d’autres aurait sa résurgence en architecture ?
Bref entretien entre un architecte sous-traitant et son donneur d’ordre :
L’architecte donneur d’ordre : Monsieur l’architecte, dessinez-moi une évacuation d’eau de pluie (EP) low-tech ?
Low-tech ? se demande l’architecte sous-traitant, sans comprendre ce que le donneur d’ordre attend de lui. Il s’en remet à sa collaboratrice, également architecte, qui lui explique à voix basse le concept. Avec stupéfaction l’architecte comprend : Ah vous ne voulez pas que je dessine votre évacuation d’eau de pluie… Très bien ! Vous la voulez en plastique, en fonte, en aluminium, en acier ?
L’architecte donneur d’ordre : Je la veux surtout low-tech et pas chère.
L’architecte (à part lui) : bon, il suffit d’une boîte à eau et d’une descente en PVC (plastique), ça fait chic, pas cher et très low-tech ! Et puis, Dieu n’est plus dans les détails, n’en déplaise à Mies van der Rohe.
Le low-tech, en architecture, c’est comme la voiture décarbonée : en accord avec l’air du temps. Au moins la voiture est-elle dessinée dans ses moindres détails !
Gemaile Rechak
* Editions du Seuil (Collection Anthropocène, 2014)