Le premier week-end de déconfinement, après plus de deux mois enfermée dans mon modeste chez-moi, j’ai voulu profiter d’un grand bol de nature. Avant l’arrivée tant espérée au spot marnais, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir une nouvelle ville, post-Covid mais avant le deuxième tour des municipales, bien loin des clichés de séries Z où le héros ne croise âme qui vive avant la fin du film.
Que s’est-il donc passé pour que des pistes cyclables larges de quatre mètres aient ainsi envahi la chaussée à l’heure même où la population, angoissée et d’un coup plus si écolo que ça, avait décidé de ressortir sa tire remisée dans le garage de la maison du Vexin ?
Combien de temps avais-je été recluse pour découvrir que les voies pour les modes de circulations doux s’étaient discrètement bourrées d’amphètes pendant le confinement et que l’autoroute cyclable fantasmée d’Anne Hidalgo avait enfin vue le jour ? Ce qui certes doit lui faire une belle jambe au quidam habitant à Meaux ou à la Frette-sur-Seine quand il doit prendre son métro ou son RER de savoir qu’il y a une autoroute gratis entre Château de Vincennes et Daumesnil.
« Scandale ! » s’énervent déjà les automobilistes. Déjà que la rive droite subissait les embouteillages 25 heures sur 24, c’est désormais Paris et ses satellites frontaliers qui importent les bouchons pour deux roues. On se croirait à l’île de Ré le 15 août, les vélos en carbone (c’est bio ça ?) en plus, les chiens dans les paniers en moins.
Résultat des courses, trois quarts d’heure pour faire 8 km. D’ailleurs, à l’heure où j’écris, à 22h53 précisément, le GPS me dit que c’est encore bouché… c’est à désespérer de rouler, à deux ou quatre roues d’ailleurs. La pollution qui en avait profité pour nous libérer les bronches ne va d’ailleurs pas tarder à retrouver ses quartiers d’été entre les deuxième et troisième étages de la Tour Eiffel, juste à l’heure de la réouverture des bistrots sans doute.
En attendant, ce fut l’occasion de découvrir de nouveaux usages opportunistes. Là où il y a peu, les terrasses affichaient complets et ce malgré des tarifs parfois prohibitifs, désormais, il fallait slalomer entre de petits groupes de gens découvrant soudain la coolitude de l’apérue, c’est-à-dire boire un verre aligné en brochette sur un banc ou assis à même le goudron. Depuis quand le mode de vie du SDF du coin qui vivait sur ce banc là précisément, est-il devenu enviable ?
Demain, promis, je laisse mon char au sous-sol, mon vélo à son crochet et je prends mes pieds pour arpenter le macadam… mais j’irai tôt, bien avant que des kilomètres de queue inondent les trottoirs de personnages masqués, certains dignes de dessins animés, alignés en escargot. Un souvenir m’assaille, tout ce temps à attendre sagement devant les manèges de Disney…
En deux mois, le monde serait-il devenu un gigantesque parc d’attractions peuplé de bestioles masquées roulantes et stagnantes ? Si la ville d’Anne Hidalgo est à ce point devenue opportuniste, pardon résiliente, la maire des Parisiens n’aurait-elle pas pu se fendre du début d’une annonce en vue de l’amélioration de la qualité de l’habitat ?
Car, foin des distanciations sociales, en attendant la reprise de la vie normale, je n’ai jamais vu autant de monde sur quatre roues, deux roulettes et à quatre pattes dans la rue que ce week-end-là…
Alice Delaleu