Le 22 mars 2017, l’Académie d’architecture, notant que des thématiques fondamentales sont absentes du débat public, adressait une lettre ouverte aux candidats à la Présidence de la République. Quelle place pour l’architecture et l’urbanisme dans leur projet politique ? Bonne question. Voici cette lettre in extenso.
Cher Monsieur,
L’architecture participe chaque jour à la construction de notre culture. Elle y joue un rôle majeur. Mais cette histoire collective, qui a su créer patrimoine et richesse économique, est aujourd’hui fragile.
Car nos villes se défont en même temps qu’elles s’étalent, du fait d’une urbanisation non maitrisée, devenue anarchique, accentuant l’isolement des habitants.
L’Académie d’Architecture s’en inquiète et vous alerte sur les faits : l’équivalent d’un département français de terres agricoles est «consommé» tous les sept ans par l’extension ségrégative de l’emprise urbaine ; parallèlement des villes petites et moyennes périssent jusqu’à devenir des villes fantômes ; la laideur envahit nos paysages urbains.
Vous aspirez à la fonction de Président de la République. Les citoyens attendent de vous que vous soyez porteur d’une vision et d’un programme d’action innovants, aptes à engager notre capacité à bien vivre ensemble, et à faire progresser la qualité de notre environnement urbain, rural et paysager.
Malgré l’importance que nos concitoyens accordent à ces questions, des thématiques fondamentales sont absentes du débat public :
– les stratégies permettant de réduire les inégalités et les fractures territoriales et sociales, privilégiant les actions de long terme sur celles de court terme,
– les politiques permettant un développement durable bien compris,
– la question du logement, qui représente pourtant le premier poste de dépense des foyers,
– la protection du patrimoine d’hier et la production ambitieuse de notre patrimoine de demain.
La ville est un phénomène culturel complexe qui nécessite anticipation et vision de long terme, innovation, et surtout créativité.
Or, à la différence de ce que nous observons dans beaucoup d’autres pays, et en dépit des efforts et des directives qui encadrent les documents d’urbanisme, l’ambition de qualité urbaine et architecturale est défaillante. L’intérêt général est souvent bafoué. La notion de beauté n’est pas évoquée.
Il est du devoir et de la responsabilité des pouvoirs publics et des collectivités, de garantir des politiques d’aménagement du territoire et d’architecture à nouveau innovantes, assurant un cadre de vie à la hauteur de nos aspirations.
L’Académie d’Architecture, association reconnue d’utilité publique, forte de ses membres engagés dans la défense de l’intérêt général, interpelle les prétendants à la charge future de Président de la République : Quel est votre programme sur ces questions fondamentales ? Où est la place de l’architecture et de l’urbanisme dans votre projet politique ? Sur ces sujets majeurs de société, vous vous devez de proposer, avec audace, une vision et une ambition pour le territoire et la cité.
Les Membres de l’Académie d’Architecture : 300 signatures