Pour l’unique contre-la-montre de l’édition 2023, les suiveurs du Tour de France de Chroniques iront voir si l’herbe est plus verte chez les voisins pour s’apercevoir que ce n’est peut-être pas le cas.
Un contre-la-montre individuel peut-être ennuyeux sauf pour les hyper spécialistes qui guetteront les progrès du coureur classé 122ème et qui s’élancera parmi les premiers. En revanche, ce CLM se caractérise à la fois par sa courte distance et par son profil avantageux pour les grimpeurs, les coureurs classés dans les 15 premiers du général voudront cependant marquer leur territoire. Comme le maillot jaune ne sera pas en piste avant 17h, les suiveurs du Tour de France contemporain passeront la journée à Genève, en Suisse, pour se dépayser un petit peu, avant de rejoindre Combloux.
À Genève, où ils ont passé la nuit, après un petit-déjeuner à l’hôtel – viennoiseries, chocolat chaud ou café corsé – les suiveurs prennent la direction de Meinier où Mue atelier d’architecture a livré en 2021 la nouvelle école primaire. Ouverte sur le village, l’architecture compacte de l’ouvrage de 2 600m² a permis de dilater l’espace public et d’établir des porosités avec les espaces verts existants.
Emblématique du développement de la commune, le nouvel équipement parachève l’opération de restructuration du centre-bourg. La singularité du projet réside dans sa capacité à édifier un groupe scolaire cohérent autour d’un préau couvert, une intervention créant un lien construit entre la nouvelle école et deux bâtiments scolaires existants.
La volumétrie simple de l’ouvrage est en cohérence avec le bâti environnant, constitué de bâtiments isolés aux façades enduites dont les percements réguliers proposent généralement un travail d’encadrement. L’école reprend ce vocabulaire à son compte avec ses façades principales vêtues de panneaux de béton préfabriqué à la composition granulométrique spécifique. La finition bouchardée des encadrements contraste avec la finition sablée des parties courantes, soulignant ainsi les percements et les menuiseries en chêne.
La simplicité du volume se retrouve dans le fonctionnement de l’équipement, le parti pris étant d’organiser l’ensemble des salles de classes aux étages.
Juste sur le chemin du retour, les suiveurs feront une halte au Théâtre de la nouvelle Comédie livré par l’agence FRES architectes (Laurent Gravier + Sara Martin Camara) en novembre 2020. L’équipement de 16 060 m² compte une grande salle de 500 places, une salle modulable de 200 places, deux salles de répétitions (220m² et de 155m²) ainsi que 2 400 m² d’ateliers. Loges individuelles et collectives, bureaux administratifs et techniques, café-restaurant et espaces d’accueil du public complètent le projet.
« La Nouvelle Comédie c’est plus qu’un théâtre : c’est non seulement un lieu de représentation théâtrale, avec ses deux salles, mais aussi un lieu de création, avec ses grands ateliers de construction. Ce sont eux qui font de la Nouvelle Comédie un véritable centre de création artistique, réunissant sous un même toit tous les métiers du théâtre », soulignent les architectes.
Le caractère « d’usine à spectacles » a été déterminant pour la conception du projet, qui devait être à la fois un équipement hyperfonctionnel et à la fois un bâtiment singulier avec une identité propre. Là où les théâtres classiques distinguent la cage de scène comme l’élément central de la composition du bâtiment, le profil crénelé caractéristique de La Comédie exprime la multiplicité des activités présentes dans le nouveau théâtre.
L’architecture, discrète et neutre la journée, exprime le caractère d’un lieu de création et de production. Le soir, une mise en scène lumineuse transforme le bâtiment en lieu de représentation, affirmant sa présence dans la ville, et invitant le public à la magie du spectacle.
Impossible pour les suiveurs de passer quelques heures à Genève sans visiter, même rapidement, au moins deux sièges sociaux prestigieux.
À commencer peut-être par celui de JTI (Japan Tobacco International), inauguré fin 2015 et conçu par le bureau londonien de Skidmore, Owings & Merrill, Inc. (SOM) pour mille employés en cœur de ville avec une nouvelle perspective sur le paysage urbain genevois.
Les architectes et les ingénieurs de SOM ont fait appel à une technique utilisée pour la construction de ponts en créant un porte-à-faux qui permet au bâtiment de ne toucher le sol que sur deux appuis.
La suspension du bâtiment a ainsi permis de libérer un espace au sol de 8 162 m², dont une partie forme une cour intérieure paysagée, totalement ouverte au public, agrémentée d’un miroir d’eau de 250 m².
Parallèlement à ce bâtiment, une crèche de 104 places a été construite avec l’objectif d’aider les employés de JTI et les familles du quartier à mieux concilier vie professionnelle et privée. Elle est gérée en partenariat avec la Ville de Genève. « Ce bâtiment unique va marquer de manière durable le paysage urbain de Genève », a déclaré Pierre Maudet, Conseiller d’Etat chargé du département de l’Economie et de la Sécurité.
Sauf que dix ans plus tard, cette image flamboyante de l’industrie du tabac n’est, pour les petits enfants genevois, peut-être plus tout à fait indiquée !
Même image troublée avec l’extension du quartier général de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), signée de l’agence allemande wittfoht architekten basée à Stuttgart, un programme de 14 500 m² de bureaux avec restaurant et parkings souterrains. Livré en 2013, le bâtiment devait créer un « sentiment d’ouverture et de transparence ». A l’heure des CETA et autres TAFTA, le mot-clef est ici « sentiment », tant en guise de transparence et de régulation, l’efficacité de l’OMC se compte en degrés supplémentaires chaque année pour le climat mondial et en guerres partout. Au moins les architectes auront essayé.
Sur un site peu courant, urbain car proche de la ville mais aussi près du lac dans un parc forestier au sein duquel se trouvent les bâtiments existants de l’OMC, l’extension se tient à distance respectable des bâtiments plus anciens et crée une aire ouverte de haute qualité entre les deux structures. La composition générale, équilibrée et bien proportionnée, s’enrichit du dialogue entre neuf et ancien.
L’ouvrage est essentiellement divisé en deux sections – le socle en rez-de-chaussée et la structure de verre suspendue au-dessus – lesquelles rendent à l’œil nu ses dimensions réelles plus petites, ce qui participe de son intégration dans le parc.
Le design modulaire de la façade souligne encore la flexibilité du bâtiment. Tous les bureaux sont inondés de lumière naturelle et en lien avec l’extérieur. Les infrastructures sont situées au centre du bâtiment tandis que des escaliers à vis additionnels aident à promouvoir la communication interne entre les étages.
Bref, un immeuble de bureaux représentatif de l’économie mondialisée dont l’architecture, elle-même mondialisée, représente des aspirations qui, dans un monde à l’équilibre désormais particulièrement instable, ne sont finalement que cela, des aspirations !
Puisque justement les considérations écologiques priment désormais (et encore !), les suiveurs amateurs d’architecture contemporaine se rendront alors à Plan-les-Ouates, en banlieue, afin de découvrir les 65 logements sociaux et en accession bâtis en pierre de taille dans deux immeubles signés Perraudin & Archiplein.
Bâtir en pierre de taille ? Si l’idée semble novatrice aujourd’hui c’est surtout que pour l’essentiel, la France, à cause de sa passion pour le béton, a perdu tous les savoir-faire nécessaires, de la carrière à la conception, à sa mise en œuvre.
Le parti Architectural est celui du carré de base 20×20, imposé par le Plan local de quartier (PLQ), divisé en trois couronnes emboîtées. Le premier noyau, au centre, contient les circulations verticales. Autour de ce noyau dans une deuxième couronne se trouvent les pièces de services, salle de bains, WC, et les entrées. La troisième couronne, à l’extérieur, abrite tous les espaces de vie, séjour, cuisine, chambres qu’une terrasse d’angle qui est fédératrice de la vie familiale.
« Ce projet est un nouveau jalon dans notre volonté de replacer la pierre comme matériau principal de la construction. Il démontre les capacités, à mon sens, illimitées de la construction en pierre. À condition de respecter quelques règles d’écriture affinées depuis 25 ans d’expérience », indique Gilles Perraudin.
Cette construction résiste aux séismes grâce à sa forme compacte et à la continuité des éléments porteurs depuis le sommet jusqu’aux fondations. « Il n’est fait aucun recours à un renforcement de béton armé, au demeurant contre-performant, sur une construction en pierre de taille, car elle affaiblit le chaînage traditionnel. La construction souple de la pierre est, en effet, en opposition avec un cadre béton armé qui utilise la raideur pour résister aux efforts sismiques », conclut l’architecte.
Après la visite, les amateurs d’architecture contemporaine, peut-être convaincus par la construction en pierre de taille, quitteront Genève et la Suisse pour, une fois franchie la frontière, s’engager plein sud et aller découvrir le Centre de Secours et d’Incendie de Chamonix signé du Studio Gardoni.
Les suiveurs devront avoir l’œil vif pour repérer le bâtiment en contrebas de la bien nommée Route Blanche à l’entrée de la ville. Le projet du Studio Gardoni se glisse opportunément depuis sa livraison en 2016 dans la topographie existante en venant dissoudre dans le terrain la plus grande partie du projet pour le soustraire au regard.
« Un centre de secours est une mécanique précise, rigoureuse, où chaque seconde gagnée est importante. Ce nouveau bâtiment y répond scrupuleusement, en ayant su trouver les dispositifs astucieux permettant d’enterrer la remise véhicules et d’effacer la prééminence attendue des voiries pour ce type d’équipement », expliquent les architectes.
L’ensemble, cohérent et efficace, est paré d’une matérialité faisant écho au site. La double présence du cuivre et de gabions inscrit le projet dans une échelle de temps que les architectes évoquent avec emphase : « S’inscrire dans ce site signifie s’inscrire dans le temps. La matérialité de ces volumes a été imaginée dans un process de disparition, de présence du temps ; non pas un temps destructeur mais un temps transformateur », disent-ils.
Une approche poétique, climatique et temporelle qui s’accompagne d’une mise en œuvre irréprochable.
De là, il n’y a qu’une petite distance pour rejoindre Combloux, largement dans les temps pour assister au CLM des cadors.
Après quoi, leurs papiers bouclés de bonne heure – il n’y a que peu de surprises dans un CLM – les suiveurs du Tour de Chroniques, pendant que le barnum descend dans la vallée, passeront la soirée sur place en terrasse pour, s’il fait beau, manger léger d’une omelette savoyarde accompagnée d’une salade verte et suivie d’un choix de reblochon ou d’emmental produits dans les fermes du cru. S’il fait un froid de canard, ce qui est toujours possible, la fondue s’imposera à toutes et tous. Combloux étant une commune française ne produisant aucun vin d’appellation, chacun pourra choisir sa boisson en accord avec ses goûts et le menu privilégié.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018