L’agence parisienne AZC architectes (Irina Cristea, Grégoire Zündel), a livré en 2021 à Paris (XIVe), pour Paris Habitat OPH maître d’ouvrage, la restructuration du site de l’œuvre des jeunes filles et sœurs aveugles de Saint-Paul. Surface utile : 9 863 m² ; budget : 17.0 M€ HT. Communiqué.
Le site est un terrain dont la dimension patrimoniale est importante pour la ville de Paris. Sur les 8 106m², environ 4 800m² représentent un large Espace Vert Protégé (EVP) et une partie de l’ancienne maison de Chateaubriand. La restructuration tient compte du passé historique et des qualités patrimoniales et paysagères du terrain.
Fondée par Mademoiselle Anne Bergunion, au milieu du XIXe siècle, l’œuvre des Jeunes Filles Aveugles (OJFA) gère les activités socio-médicales sur le site. L’association affiche un double objet : venir en aide aux jeunes filles aveugles en leur apprenant à lire et à écrire, en leur enseignant les rudiments d’un métier et les gestes de la vie quotidienne et offrir aux jeunes femmes le souhaitant, aveugles ou non aveugles, la possibilité de prononcer des vœux et mener une vie religieuse au service des personnes malvoyantes.
Au gré du temps, les missions de l’OJFA ont évolué, mais, avenue Denfert-Rochereau, les éléments constitutifs de sa vocation majeure perdurent. Ainsi, le site accueille aujourd’hui plusieurs entités :
– CSA : la congrégation des sœurs aveugles, qui, hors des activités auprès des personnes aveugles, mènent une vie religieuse ;
– FOYER : il comprend un foyer d’accueil médicalisé (FAM) et un foyer de vie, tous deux sont à destination de personnes adultes aveugles ou malvoyantes présentant pour la plupart des troubles associés ou polyhandicapées ;
– SOEA : le siège de l’œuvre d’avenir, association qui gère les activités du site des sœurs à Denfert-Rochereau et des sœurs à Bourg-la-Reine, consacré à la surdité ;
– IDES : l’institut d’éducation sensorielle, école pour enfants, adolescents et jeunes adultes aveugles. L’internat à destination d’une partie des élèves de l’IDES ;
– SIAM : le service d’intégration des enfants aveugles et malvoyants.
Restructuration du site : la Ville, les bâtiments de France, un faisceau d’objectifs
Propriétaire du site, la Congrégation s’est tournée vers Paris Habitat OPH. Les études de faisabilité, menées du fait de la présence de la maison de Chateaubriand avec l’ABF et la Commission du Vieux Paris, ont permis de définir l’étendue des travaux à réaliser.
A travers l’OJFA, les Sœurs ont été impliquées dans la vie de l’IDES et du foyer, et même si les structures du site fonctionnent aujourd’hui de manière indépendante, elles souhaitent faire perdurer la richesse des liens passés. Le programme de l’opération a été donc pensé de sorte à conserver ces liens de voisinage exceptionnels. Pour conserver la cohérence d’ensemble et la richesse des compétences développées en matière de compensation du handicap ou d’intégration des personnes handicapées sensorielles, le programme fixait des objectifs précis.
Tout d’abord, le site a été rendu pleinement accessible aux personnes handicapées. La cohabitation des trois entités : Congrégation, FAM et IDES, a nécessité la mise à plat du schéma urbain et l’aménagement des voies empruntées par les piétons, les voitures d’école, des taxis et des véhicules utilitaires.
Un autre objectif était la hausse de la capacité d’accueil du foyer de 32 à 75 chambres. Cette augmentation de surface, qui a permis l’ouverture du site à la mixité et aux polyhandicaps, a eu comme effet, la densification du bâti sur la même emprise.
L’intégration des nouveaux bâtiments et la réhabilitation des existants conservés a permis de créer des espaces plus fonctionnels à faible coût de maintenance et de consommation énergétique. Le site a bénéficié d’un travail attentif sur chaque espace interstitiel.
Un des objectifs de la ville était de préserver et améliorer l’ancien jardin de Chateaubriand, classé Espace Vert Protégé. Un travail attentif de répertoriage de chaque arbre et de replantation des sujets malades a été effectué par les paysagistes.
Echelle architecturale : organiser la densité, préserver l’esprit du lieu
Le projet d’architecture a été réalisé en plusieurs étapes de démolition, désamiantage et reconstruction des deux programmes principaux, Congrégation, FAM et le réfectoire de l’IDES.
Pour arriver à un résultat solide et cohérent, l’opération a remis à plat le fonctionnement du site, l’organisation des accès pour les piétons, les livraisons et les pompiers ; tout en essayant de préserver une échelle humaine.
Dans le respect du PLU, le projet se structure au long des nouvelles « ruelles ». L’intériorité paisible du site mise sur les transparences des grandes baies, les alignements des volumes en façades et toitures. Le traitement architectural homogène accompagne la promenade du visiteur vers le jardin existant.
Tout en prenant en compte les avis de la Commission du Vieux Paris et de l’ABF, l’enveloppe a été strictement respectée. Le projet réalise le programme demandé, redéfinit les masses bâties et la qualité des espaces extérieurs qui conservent « l’esprit du lieu ».
L’architecture tire parti de la densité des bâtiments, en saisissant les opportunités spatiales pour cadrer des vues depuis les espaces de vie. La répartition et le découpage des nouveaux bâtiments poursuit rigoureusement, des axes et des alignements établis historiquement sur la parcelle.
Le besoin de préserver l’échelle humaine et « l’ambiance parisienne d’antan » aboutit à une architecture en deux registres, exprimés par deux matériaux : le béton poli pour le « socle » en R+3 et la feuille d’aluminium pliée pour « l’attique » à partir du R+4.
Le socle se matérialise par le dessin régulier des baies, qui reprend et continue l’ordre classique des existants. L’emploi du parement en béton poli préserve la luminosité générale du site et assure la durabilité de l’ouvrage. L’attique complète la partie supérieure du foyer, dans une volumétrie en retraits. Le dessin des façades laisse visible les systèmes constructifs de préfabrication
et assemblage, des matériaux qui sont en teintes naturelles plutôt claires.
Aménagement des espaces : des lieux de vie, privés et en communauté
Le site est prévu pour l’accueil de personnes aveugles ou malvoyantes ainsi que de personnes souffrant de handicap divers ou de polyhandicaps. Les espaces ont donc été entièrement mis aux normes pour Personnes à Mobilité Réduite (PMR) et aussi adaptés à l’orientation des personnes handicapées sensorielles. Aussi, la qualité des lieux de déplacement tient à plusieurs éléments tels que le repérage par couleur ou le guidage par le son ou la voix.
La vie des foyers et de la Congrégation, mais aussi de l’IDES et son internat, est rythmée par des activités et des événements à vivre en collectivité ou de manière personnalisée. Les structures projetées proposent aux usagers/utilisateurs des espaces privatifs, mais aussi des espaces communs tout en offrant la possibilité d’une vie sociale.
Une organisation par grands ensembles fonctionnels est aussi proposée afin de regrouper au maximum les fonctionnalités similaires et éviter la multiplication des déplacements sur le site.
Les locaux de convivialité, situés au cœur des ensembles d’hébergement, constituent des espaces de reconnaissance, intermédiaires entre l’espace privatif et l’espace de vie sociale. Dans le cadre des foyers, on y reçoit sa famille, ses amis, on y réalise des activités de proximité et on y retrouve l’équipe. Ces espaces sont ouverts sur des espaces extérieurs, des terrasses, aménagés avec du mobilier de type hôtelier. Ils débouchent sur les espaces d’activités qui représentent le cœur de l’établissement (informatique, télévision, jardin musique, bibliothèque).
L’aménagement est fonctionnel et robuste, des éléments en bois massif protègent les angles et les pieds des murs. Les murs porteurs en béton sont laissés apparents, de même que les plafonds quand cela est possible.
La chambre est l’espace privatif, lieu de l’intimité. Espace de repos, de calme, de retour sur soi, elle doit pouvoir être personnalisée sans devenir un lieu d’enfermement ou d’isolement. L’aménagement de cet espace est fonctionnel et attentif aux parties à usage intensif, comme les angles et les pieds des murs, les placards et la salle de bains.
La Congrégation
Les 25 sœurs, qui emploient sept personnes, sont organisées en congrégation et mènent une vie religieuse. Elles vivent en communauté, mais ont aussi besoin d’espaces individuels. Leur cadre de vie intègre des chambres, ainsi que de nombreux espaces de vie pour la communauté, la méditation et la prière. Par ailleurs, les sœurs exercent diverses activités d’aide aux personnes aveugles qu’accueille l’OJFA. Elles pourront accéder facilement aux espaces des Foyers et de l’IDES.
Le Foyer
Les 75 chambres sont regroupées par étage (avec 14 ou 12 chambres par étage). Ces étages sont constitués autour de locaux de vie. Ainsi, un résident peut se trouver à proximité de son espace privatif en évitant des déplacements longs.
Pour satisfaire aux besoins de son fonctionnement, le foyer est organisé selon cinq pôles principaux : accueil et administration, vie sociale et convivialité, centre paramédical, hébergement et locaux support.
Tous les encadrants disposent de conditions de travail optimales et d’un cadre de vie agréable tant dans les espaces professionnels, que dans les locaux de détente. Les notions de bien-être du personnel et de fonctionnalité des espaces restent présentes dans l’ensemble des lieux. La logistique hôtelière est assurée par des prestataires extérieurs : cuisine, entretien, lingerie.
L’IDES
Il compte 68 enfants de 3 à 20 ans, aveugles ou malvoyants. Les plus jeunes sont accueillis dans les jardins d’enfants alors que les plus grands sont scolarisés à l’IDES. Vingt d’entre eux sont internes. L’un des points clefs, en termes d’organisation spatiale, est de permettre aux élèves aveugles et malvoyants d’être autonomes. Ils doivent pouvoir se déplacer seuls au maximum ; ce qui implique de prêter attention aux espaces de circulation entre l’internat, la salle de restauration, les salles de cours et les espaces de vie.
Les espaces extérieurs : les ruelles, le jardin
Ce site exceptionnel se réécrit et s’enrichit au gré des activités de ses occupants, comme un palimpseste. Il est cité dans les Mémoires d’Outre−tombe (Livre 36 Chapitre 1) par Châteaubriand, que sa famille transmet en 1857 à la Congrégation de l’œuvre des jeunes filles aveugles de Saint-Paul.
Ce jardin est un havre de paix au cœur de la ville grâce à son ambiance végétale enveloppante, support de l’éveil des sens, de jeux, de promenades et de méditations.
La rénovation de ce patrimoine paysager s’appuie sur la valorisation du déjà-là : les arbres existants, les rosiers anciens, les matériaux de sol, les usages. La composition du dessin original test affirmée out en adaptant la palette végétale aux évolutions du climat et à la nécessité d’un entretien maîtrisé.