Contrairement aux appels à un retour à la campagne dont nous ont abreuvé les journaux télévisés et radiophoniques pendant l’épidémie de Covid, je n’ai aucune envie de quitter la ville, encore moins Paris.
Après un confinement parisien, l’envie d’aller prendre l’air a pourtant vaincu. Non pas parce qu’il fallait échapper à la ville mais parce que, après trois mois de télétravail, l’indistinction entre vie privée et vie professionnelle demandait une pause, de trouver un lieu où il ne fallait aménager ni le temps ni l’espace. Quelques jours au vert, à la périphérie d’une ville de province, et un retour amoureux à la ville.
Pour accéder à la campagne, il a fallu se doter d’un accessoire indispensable pour parcourir les distances entre chaque service : La voiture. La campagne reste synonyme d’une dépendance à tout engin motorisé. Pas moyen de se déplacer sans elle.
En effet, vivre au village, même situé dans une aire urbaine, c’est trouver un commerce morne : une boulangerie, une boucherie, une épicerie qui ne fournit que le minimum vital, deux restaurants et un bar-tabac-PMU. Pas de pharmacie. Une bibliothèque ? Pas sûr. L’offre est limitée et insuffisante. Le centre commercial est un allié. La voiture y amène. La tôle d’un hypermarché dans l’horizon, de quoi réenchanter le quotidien !*
Les courses sont une contrainte où des rayons surdimensionnés offrent un trop plein de choix de yaourts, chips, pâtes et PQ. Une offre fleuve qui fait perdre la notion du temps. Le super est un non-lieu par excellence, la socialisation y est inexistante, hormis avec le caissier ou la caissière côtoyés au fil du temps.
Après les courses, de retour au village, se demander que faire après le barbecue. Une excursion en forêt ou un tour en bord de fleuve ? Cette idée d’excursion tourne vite en rond : il faut prendre la voiture pour aller trouver la forêt et ses coins secrets ou faire le très, très, grand tour du patelin pour rejoindre le fleuve, sans pause, 2h max’. Imaginer répéter ce type d’excursions sur 10, 20, 30 ans, m’ennuie fortement. Peut-on s’épanouir à la campagne autant qu’en ville ? J’en doute.
Le soir, l’apéro avec les voisins et les copains passé, chacun reprend ses pénates, parce que de toute façon, le bar-PMU ferme à 20h et les distractions autres n’existent pas. Sauf à prendre de nouveau sa voiture pour rejoindre la ville voisine, et qu’un Sam se dévoue pour assurer la sobriété du retour. C’est moche, mais la campagne m’évoque une grande monotonie, c’est ce que je ressens quand j’y vais. Seule consolation, j’ai du temps pour lire puisque je n’ai rien d’autre à y faire.
En échangeant avec les voisins, ceux-ci indiquent que leur prochain rendez-vous médical est situé à 15 minutes en bagnole de chez eux ; pour le ciné, il y a un multiplex avec les blockbusters à 10 mn, toujours en voiture, et que les cours de peinture ont fermé, l’association qui les donnait n’ayant plus les moyens de continuer. Comme tous les cours d’ailleurs, le manque d’inscriptions ne permettant pas de poursuivre les activités. Du coup, maintenant, il y a des cours particuliers pour les rares peintres en herbe. Bref, le village est charmant avec ses maisons en pierre et ses péniches amarrées au bord du fleuve mais pour l’épanouissement personnel, c’est un peu bonjour tristesse.
A l’inverse, en ville, à vélo, à pied, en transports en commun, tout est accessible. Je peux trouver à proximité supermarchés et petits commerces avec une offre variée. Les centres médicaux sont identiquement accessibles en moins de 10 minutes à pied, tout comme les activités sportives ou créatives ainsi que parcs et jardins. Métro, bus me permettent de me déplacer où je veux quand je n’ai pas envie de pédaler ou quand il pleut. L’offre culturelle est infinie, ou presque. Le renouvellement des expos, ciné, spectacles permet ne pas s’ennuyer et les librairies indépendantes du quartier ont chacune une offre identifiée qui permet l’éclectisme.
Bref, confinée ou pas, je reste une incurable parisienne. J’aime mon logement aussi, même si j’aimerai avoir des mètres carrés supplémentaires, ce qui n’a pas fait défaut à la campagne. En ville les services et lieux de convivialité sont proches et réussissent à faire le lien social, les logements y sont chers et petits ; à la campagne, il y a peu de services et de lieux de convivialité mais les logements y sont grands et plus abordables. Un paradoxe quasi impossible à résoudre !
Pour conclure, une dernière remarque. L’appréhension du confinement par tous les médias et les acteurs de l’immobilier, à travers leurs études et opinions sur le besoin d’espace vert des habitants, aurait-elle été différente si le confinement avait eu lieu durant un hiver vigoureux ? Très probablement que les Unes des gazettes n’auraient rien à voir avec une mise au vert. Auraient alors dominé les questions de confort thermique (qui permet d’être productif aussi en télétravail, d’avoir une meilleure santé, etc.) et des factures énergétiques (dont les plus précaires n’auraient pu s’acquitter).
Autant pour la migration à la campagne…
Julie Arnault
* 80 villes moyennes participants au programme Action Cœur de ville ont une vacance commerciale supérieure à 10%, et pourtant, 65 d’entre elles ont approuvé de nouveaux projets commerciaux en périphérie : http://cuej.info/mini-sites/coeurdeville/