Face aux pollutions qui nous accompagnent désormais de l’utérus jusqu’au cercueil*, le logement lui-même peut réduire ces niveaux de nuisance. Pour autant, les réponses techniques sont souvent contradictoires, le renouvellement d’air pouvant favoriser la pénétration des décibels. Chronique de l’intensité.
La publication, le 28 mai 2024, de travaux conjoints d’Airparif et de Bruitparif** montrent pour l’Île de France qu’une bonne part de la population (dix millions d’habitants sur un total de 12,3 millions) est exposée simultanément à des « pollutions sonores et atmosphériques à des niveaux qui excèdent fortement les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ». Près d’un million subissent « des dépassements probables des valeurs limites réglementaires pour les deux pollutions simultanément ». Trop de bruit et air pollué, voilà un bon cocktail pour tomber malade, ou plus probablement perdre une bonne partie de son énergie, et le moral en même temps.
Les maladies dominantes, et elles le seront de plus en plus, sont d’origine environnementale. Milieu de vie, alimentation, rythme de vie, stress, solitude, etc. Nous supportons au cours des années l’exposition cumulée à des éléments ou des évènements auxquels nos corps n’ont pas été habitués. La sélection naturelle n’a pas encore fait son œuvre, pour ne retenir que les organismes capables de cohabiter avec ces produits nouveaux, ces molécules qui inondent aujourd’hui nos environnements. Une exposition qui commence avant la naissance, dans l’utérus, et se prolonge jusqu’aux derniers jours.
Toutes les politiques apportent leur contribution à ces multiples formes d’exposition. L’alimentation, composition et résidus indésirables, le logement qui organise notre cadre de vie, les transports source de bruit et de pollution diverses, l’industrie dans son activité de production et la diffusion de produits dont les effets ne sont pas toujours connus, le commerce qui en est le vecteur, etc. Une contribution qui peut être favorable, mais aussi représenter un coût pour les individus comme pour la collectivité.
Nous oublions souvent que si nous nous intéressons à l’environnement, c’est en grande partie parce que c’est notre cadre de vie à nous les humains, c’est l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons ou celle dans laquelle nous nous baignons, et c’est dans la nature que nous trouvons le maximum de ressources pour notre santé, et bien sûr notre alimentation.
La récente crise agricole a montré la difficulté qu’il y a à faire le lien entre les conditions de production et les effets sur la santé, pourtant bien documentés. Le cloisonnement des comptes ne permet guère le rapprochement entre les gains espérés des mesures prises pour alléger les contraintes environnementales et le coût que ces reculs entraînent pour la santé des agriculteurs et les riverains des exploitations, pour les consommateurs de produits contenant des molécules indésirables.
Habitat et santé, voilà un autre volet de la « santé environnementale » tout aussi important. Un volet aux formes multiples et évolutives. Le confinement provoqué par la COVID, par exemple, a mis en évidence des questions d’organisation et de taille des logements pour que chacun y trouve les espaces nécessaires à sa santé mentale et physique. Nous connaissons depuis longtemps les effets du bruit sur la santé, bruit venant de l’extérieur, les transports en étant les premiers responsables, et celui de l’intérieur, provenant des équipements et des voisins. La qualité de la construction, l’emplacement, la gestion des circulations sont autant de paramètres à considérer, avec des réglementations et des labels pour guider les opérateurs. Le renouvellement d’air a pris récemment une importance avec la prise de conscience des effets de la pollution atmosphérique sur la santé, avec le continuum entre air extérieur et intérieur.
Le logement lui-même peut réduire ces niveaux de nuisance, bien que les réponses techniques soient souvent contradictoires, le renouvellement d’air pouvant favoriser la pénétration des décibels. C’est au niveau de l’aménagement que les solutions les plus pertinentes se situent, avec les difficultés qu’il y a à les appliquer dans des tissus urbains existants. Le mieux est de maîtriser à la source les émissions de bruits et de particules ou tout autre élément néfaste pour la santé, sans oublier que certains d’entre eux proviennent de l’intérieur : émanations de matériaux de construction (peintures notamment) et du mobilier, cuisson à la cuisine, fumée de tabac, etc. qu’il convient d’évacuer.
La santé est aujourd’hui fortement impactée par les dérèglements climatiques. C’est l’excès de chaleur qui est en cause, et qui le sera de plus en plus. La différence de température entre les centres urbains, très minéraux, et leurs périphéries plus végétalisées, sont considérables. Les politiques d’aménagement, notamment les documents d’urbanisme, ont cette nouvelle mission de réduire cet écart et de favoriser dans les habitations un rafraîchissement naturel.
La bonne santé ne se limite pas à la lutte contre les pollutions, elle est aussi issue des aménités du lieu. Lumière du jour dans les immeubles, vues dégagées, présence de la nature à proximité, possibilité de trouver près de chez soi des espaces de détente adaptés aux différents âges, courir derrière un ballon pour les uns, trouver un banc pour s’asseoir au cours de sa promenade pour les autres.
Le coût de la santé est l’objet de nombreux débats. Il est déterminé en grande partie par diverses politiques pour lesquelles la santé représente avant tout une contrainte. Des politiques qui ont souvent, pour faire face aux urgences et aux préoccupations immédiates, cherché à minimiser leurs effets sur la santé. Des gains immédiats sans doute, mais des coûts considérables par la suite, souvent diffus, payés par tout le monde sans que nous puissions identifier la part des mauvaises orientations qui ont provoqué ces dépenses. Pensons « santé » dans nos projets, une source de bien-être et d’économies. Pour une vie plus intense !
Dominique Bidou
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* Lire l’édito Retour de la momie : l’architecte au service (funéraire) des âmes mortes
**https://www.bruitparif.fr/une-cartographie-croisee-du-bruit-et-de-la-pollution-de-l-air/