Vox populi vox Dei ? Dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat, qui a débuté ses travaux en octobre 2019, le Président Emmanuel Macron a réuni 150 citoyens tirés au sort dont le rôle est de trouver des «solutions concrètes» afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici à 2030, par rapport à 1990. Pas moins.
Cela écrit, après deux ans et demi au pouvoir, sur un sujet aussi essentiel, devoir s’en remettre à des citoyens tirés au sort, cela en dit long sur l’état d’impréparation, le manque d’idées et l’impuissance de nos gouvernants… Bonjour la défausse ! A vous de jouer les gars et les filles…
Toujours est-il que ces citoyens bien intentionnés ne manquent pas, eux, d’imagination, notamment dans le domaine de l’architecture. Ainsi, dès la première synthèse, datée de novembre 2019, cette proposition de «taxer ou interdire les nouvelles constructions de maisons individuelles pour construire uniquement des immeubles de trois ou quatre étages». Radical contre l’étalement urbain et pour la sanctuarisation des terres agricoles. Une solution concrète qui ne manquerait pas de faire plaisir aux constructeurs de maisons individuelles.
Ce d’autant plus que le béton n’est plus, mais alors vraiment plus, en odeur de citoyenneté puisqu’il est également proposé de «remplacer le béton par le bois», «d’interdire les constructions en béton pour les habitats collectifs privés et publics, subventionner les logements individuels en matériaux renouvelables» et de «rendre obligatoire l’utilisation de fondations sèches (sans béton) lorsque cela est techniquement possible». Facile à dire. Il fait comment le président face aux Majors ? Il subventionne ?
Dans ce vaste inventaire* – qui permet sans doute aux communicants de noyer le poisson tant s’empilent tout et son contraire – chacun trouvera évidemment toutes les lunes du moment : habitat participatif, potager bio, toits végétalisés, etc. avec la volonté de démocratiser «les habitats alternatifs respectueux de l’environnement» tels «tiny-houses, yourtes».
«Viens chez moi, j’habite dans une yourte» ! Comme chez les Mongols en somme.
A ce compte-là, le président n’avait pas besoin de réunir 150, 15 ou 1 500 citoyens, il lui suffisait de demander sa contribution à Anne Hidalgo, maire de Paris et spécialiste du genre. Comme quoi répéter cent fois, mille fois, la même ineptie, il en restera toujours quelque chose. Quel est le bilan carbone d’une société de communication ?
Les citoyens du «panel représentatif» demeurent cependant raisonnables lorsqu’ils implorent de stopper l’expansion des zones commerciales à la périphérie des villes, d’instaurer un «quota national très strict de surfaces urbanisables», voire de supprimer «la compétence qui permet aux maires d’attribuer les permis de construire». Fichtre ! Heureusement qu’ils aiment leurs maires les citoyens !
Ces derniers – il y a 50 ans, on les aurait appelés camarades – proposent encore d’«interdire les constructions neuves dans des communes avec plus de 30% de logements inoccupés/abandonnés», l’idée étant d’obliger les promoteurs et les futurs propriétaires de rénover en BBC les constructions déjà existantes ou de les démolir avant reconstruction. Comme ces citoyens demandent également de pouvoir ajouter «facilement» un étage à chaque immeuble, ils démontrent une forme de cohérence dans les idées et semblent exprimer la conviction, n’en déplaise aux écolos, que la densité est l’amie bon marché de l’homo urbanus.
Cela écrit, dans les synthèses en ligne consultées, le mot architecture n’apparaît qu’une seule fois et encore, c’est pour la réduire à rien. En effet, il s’agit – autre mot à la mode Hidalgo – de «réinventer notre conception de l’architecture en produisant des bâtiments compacts et en réduisant au maximum la surface vitrée». C’est-à-dire ? Compact comment ? Compact comme une prison, par exemple, ces bâtiments où chaque pièce dispose d’une meurtrière ? Voilà une proposition qui devrait réjouir bien du monde : le retour des châteaux forts ! Et en Partenariat-Public-Privé (PPP) s’il vous plaît !
C’est tout pour le mot architecture.
Quant au mot architecte, il n’apparaît nulle part. Merci les 150 citoyens ! Ceux-ci savent-ils que les architectes sont à leur service d’intérêt général ?
En revanche, le mot ‘construction’ apparaît lui abondamment, ce qui en dit long sur la méconnaissance profonde qu’ont les citoyens de la différence entre architecture et construction. Comme par exemple la proposition «d’imposer l’utilisation de matériaux écologiques et d’énergies renouvelables pour les rénovations ou les constructions». Ou encore «d’imposer aux constructions neuves un bilan passif». Plutôt qu’imposer tout cela – chacun notera le caractère autoritaire de nombre de propositions – ne suffit-il pas pourtant de le demander gentiment aux architectes ?
D’ailleurs, en y pensant, pour répondre à la question de base posée par leur président à ces citoyens responsables – à savoir trouver des «solutions concrètes» afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre – après sa réunion avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron n’aurait pas perdu son temps à demander aux architectes ce qu’ils en pensent. Eux savent faire, à leur échelle au moins, et c’est déjà pas mal. (Bon, pas 150 architectes «en même temps» sinon c’est la guerre civile.)
Toutes ces propositions énoncées, si après ce nouveau grand débat et ses milliers de suggestions le président français ne sait toujours pas que faire pour la planète, il pourra toujours, comme le propose cet autre citoyen, «isoler les bâtiments avec des plaquettes dérivées de cabosses de cacao ou de marcs de café». Et, puisqu’il faut bien faire tourner l’économie et satisfaire les lobbies, il pourra prôner l’optimisation de l’eau «en promouvant la construction de toilettes sèches et de système de traitement des excréments, alimentant des usines de méthanisation».
Souriez ! Respirez ! Vous êtes bas carbone !
Christophe Leray
*Pour découvrir l’intégralité des contributions : https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/