Le 5 juin 2023, au sein des Récollets, lors de la restitution des travaux du Conseil national de la Refondation (CNR) « Logement »,* la Première ministre Elisabeth Borne insistait sur la nécessité de replacer le logement au centre des priorités.
Et pourtant, depuis, la situation s’est aggravée : une crise inédite frappe la construction et le logement, amplifiée par les effets durables de la crise sanitaire, de l’inflation, de la hausse des taux d’intérêt et de nouvelles réglementations, certes louables, comme la politique du « Zéro Artificialisation Nette ». Ces difficultés conjuguées perturbent profondément le secteur, sans qu’aucune réponse ambitieuse et de long terme n’ait encore vu le jour.
Aux avants postes de la filière, les architectes constatent une baisse continue de leur activité, qui augure des lendemains désastreux pour l’économie nationale : le nombre de permis de construire a chuté de 23,7 % en 2023, une tendance qui se poursuit en 2024 et se poursuivra l’année prochaine si rien n’est engagé. La filière pourrait perdre 90 000 emplois d’ici la fin de l’année. Les plans sociaux se multiplient chez les promoteurs, tandis que les architectes et sociétés d’architecture subissent directement les effets du ralentissement économique. La demande est en crise, freinée par des coûts élevés, des tensions sur le foncier, et une instabilité réglementaire qui limite la capacité d’adaptation des acteurs.
Face à ce constat, l’Ordre des architectes d’Île-de-France souligne l’importance de repenser le modèle actuel. Nous plaidons pour une réhabilitation massive du bâti existant. Répondre à la crise actuelle nécessite de réinventer la construction neuve, en intégrant mieux les usages et les besoins des habitants, en favorisant la mixité dans les projets urbains, et en stabilisant les évolutions réglementaires. Le rôle des architectes doit être renforcé pour penser une ville durable et adaptée aux défis écologiques.
Force est de constater que le projet de loi de finances pour 2025 ne semble pas répondre à cette ambition. Il prévoit un effort de près de 60 milliards d’euros, combinant environ 20 milliards d’euros de hausses d’impôts et 40 milliards d’économies. Certaines mesures, déjà adoptées, comme la suppression du dispositif Pinel, ont aggravé la situation des collectivités locales, fortement mises à contribution et déjà pénalisées par la baisse des droits de mutation et le manque de leviers fiscaux. À l’échelle nationale, ces économies pourraient mettre en péril le pacte social et freiner les investissements nécessaires au redressement économique, notamment dans les infrastructures publiques.
L’Ordre des architectes d’Île-de-France rappelle qu’à ses yeux, l’investissement public et privé est essentiel. Investir dans le logement social, les équipements publics ou la rénovation du parc existant contribuerait à relancer la filière tout en réduisant déficit et dette publics, au moyen de rentrées fiscales complémentaires. Les épargnants français, premiers en Europe en la matière, doivent être incités à soutenir ces initiatives. Plus que jamais, nous avons besoin d’un État stratège qui s’engage à nos côtés.
Les architectes sont prêts à relever ces défis en collaboration avec l’ensemble des acteurs du secteur. Nous appelons le gouvernement et les parlementaires à s’unir face à l’urgence, et à donner aux professionnels les moyens d’agir véritablement pour relancer l’économie de l’architecture et de la construction dans notre pays.
Le Conseil régional de l’Ordre des architectes d’Ile-de-France
Paris, le 19 novembre 2024
*Lire notre article Sous les ors des Récollets, le CNR logement ou l’enfumage habituel