Le Prix Versailles a dévoilé en septembre 2024 la liste de l’année des plus beaux emporiums du monde : sept emporiums, nouvellement ouverts ou rouverts, qui servent à la fois la créativité, l’écho au patrimoine local et la performance écologique. Les lauréats mondiaux, dont Christian de Portzamparc et Manuelle Gautrand, Dior et Boucheron.
« Les grands magasins sont parmi les premiers capteurs et influenceurs de l’évolution de nos sociétés. Hypersensibles à la fréquentation du public, ils sont appelés à se réinventer, et ce de la manière la plus prometteuse. Cette collection, cet échantillon des plus beaux emporiums du monde illustre la multiplicité des voies qui mènent à un commerce véritablement perméable aux aspirations des habitants, à leurs besoins, à leur bien-être et à leur environnement. Le plaisir de fréquenter un lieu génère des sensations, des émotions, de l’évasion, des relations avec les autres. Ces bénéfices, éminemment culturels, participent aussi à l’expérience commune ; une belle ambition pour la ville durable », explique Jérôme Gouadain, secrétaire général du Prix Versailles, mettant en exergue le rôle d’avant-garde que jouent ces espaces commerciaux.
Dior, Genève, Suisse
Presque deux ans jour pour jour après la réouverture historique de son siège emblématique du 30 Montaigne à Paris, un nouvel étendard floral et majestueux de la Maison Dior flotte aujourd’hui à quelques encablures des montagnes suisses et du Léman, au coeur même de la ville de Genève.
OEuvre de la main de l’architecte Christian de Portzamparc, lauréat du prix Pritzker, c’est à la couture que le bâti doit son aspect aussi poétique que révolutionnaire. Par ses courbes gracieuses, le soleil semble revêtir la façade d’une douceur franche, non dénuée de caractère, tandis que la nuit confère à l’ensemble son attrait flamboyant.
Égayant ses sept étages de larges espaces lumineux, comme d’autres plus intimes, l’édifice dévoile un intérieur ultracontemporain signé Dior Architecture, et porté par les œuvres de nombreux artistes.
En ce nouveau « refuge du merveilleux », selon les termes de Monsieur Dior, jamais l’architecture n’a autant trouvé sa place au « bureau des Rêveries ».
SKP, Chengdu, Chine
Comment construire un haut-lieu commercial d’une superficie totale de 370 000 m², dans une zone écologique dite « ceinture verte », en faisant en sorte qu’aucune construction ne dépasse 1,5 mètre au-dessus du niveau du sol ? À Chengdu, ce projet extravagant a été rendu possible grâce au travail de l’agence londonienne Sybarite en collaboration avec ECADI.
Dans le paysage vertical de la ville, sous l’oasis horizontale, SKP se déploie sur trois étages souterrains, aux commerces d’exception, laissant une vue incomparable sur un drôle de Central Park de plus de 280 000 m² abritant quelque 300 espèces de plantes.
Au-delà de son architecture soignée et futuriste, SKP Chengdu donne une illustration magistrale de convergence entre nature et commerce, l’urbanisation protégeant et cultivant l’écologie et la biodiversité.
Nouvelles Galeries, Annecy, France
Dans les années ‘70, la présentation circulaire de l’édifice n’avait pour idée que de dénoter avec l’environnement homogène de la ville d’Annecy. Mais le bâtiment, en sa forme initiale, s’est imprégné dans les mémoires et dans le patrimoine annécien. Il s’agissait donc de rendre le lieu plus actuel et mieux inséré dans la ville, sans atteindre sa personnalité, ni sa radicalité.
Nouvel écrin pour les Galeries Lafayette et pour plus d’une quarantaine de nouveaux commerces, le site se transforme et se laisse désormais traverser par la lumière naturelle et le végétal, ambition ultime pour ce projet de centre-ville.
Cinq nouveaux satellites se déploient aujourd’hui depuis les volumes existants, apportant unité, légèreté et convivialité à l’ensemble, en permettant un alignement plus ajusté face aux axes citadins, et une ouverture vers l’extérieur accrue grâce aux baies courbes et aux terrasses accessibles en hauteur.
C’est à cet endroit que se joue peut-être le titre de chef-d’œuvre que l’on attribuerait au travail de l’architecte Manuelle Gautrand, car qui ne verrait pas en cette modernité domptée un exemple de réponse aux nouveaux enjeux urbains ?
C’est dans cette vision entière, reconnaissant l’attrait de la matière autant que celui des personnes, que ces façades au rayonnement quasi cinétique nous entraînent à rêver « plus vite, plus haut, plus fort ».
Sabyasachi, Mumbai, Inde
Avec ses 25 ans d’histoire, Sabyasachi est une marque jeune, envoûtante, héritière d’une tradition et d’un patrimoine hors du commun. C’est dans un majestueux monument néoclassique de la place de Mumbai, construit au début du XXe siècle et dont les extérieurs ont été minutieusement restaurés, que paraît aujourd’hui sa plus grande vitrine.
À la frénésie des mégalopoles, Sabyasachi oppose sa définition d’un luxe lent et authentique. À l’aspiration du monde contemporain pour les lignes claires et épurées, Sabyasachi objecte sa vision complexe et décalée de la modernité.
Reprenant les codes de l’immersif, le lieu, décrit comme labyrinthique, invite à se perdre dans l’innombrable, la lumière des pièces de haute joaillerie, la préciosité des meubles et objets d’art anciens qui jalonnent les espaces, jusqu’à l’extravagance d’un salon caché qui achève l’exaltation des sens par un hommage au rituel du thé.
À Sabyasachi, rien ne prédisposait l’architecture à s’effacer autant. À moins que…
Librairies du Colisée, Rome, Italie
Nouvel extrait pictural de la Rome actuelle, les librairies Mondadori Electa à l’intérieur du Colisée font partie d’un vaste projet de rénovation au sein du célèbre et monumental parc archéologique.
Conçue par le cabinet d’architecture milanais Migliore+Servetto et par le Studio Leonardo Sonnoli pour les arts graphiques, la réalisation s’illustre dans la mise en scène discrète et optimale des différents espaces, reprenant le caractère « amphithéâtral » du lieu au bénéfice d’une Wunderkammer moderne, à tout le moins originale.
Les variations de couleurs soigneusement choisies, les déclinaisons du cadre, véritable fil conducteur stylistique du projet, les objets eux-mêmes, contribuent à créer un récit riche et surprenant qui stimule efficacement la curiosité et le désir de connaissance.
Un décor éminemment romain, parfaitement hors du temps.
Boucheron Ginza, Tokyo, Japon
Deuxième plus grande boutique de la marque après celle de Paris, Boucheron Ginza s’inspire du concept original de Lecoadic-Scotto Architecture en réinterprétant les codes du Jardin d’hiver du 26, place Vendôme. Dans le quartier hyper chic de Tokyo, la nouvelle adresse joue de son allure parisienne qui ne laisse pas indifférent.
La façade s’agence en une verrière monumentale, transparente le jour, et qui affiche à la nuit tombée une forêt digitalisée évoluant au rythme des saisons.
Oui, le bâtiment surprend, autant par son ode à la nature qu’au minimalisme du design intérieur qui multiplie les alcôves. Autour d’un escalier original conçu comme un jardin vertical, chacun des quatre étages propose une expérience différente, à la fois élégante et exotique, de la fusion des cultures française et nippone.
Après la visite des conceptions historiques, se laissent découvrir en ultime lieu les créations et matières les plus innovantes de la Maison. Un voyage verdoyant qui emporte le visiteur loin de l’agitation de Ginza.
Parqal, Parañaque, Philippines
Né d’un jeu de mots entre Park et Kalye (« rue » en philippin), Parqal se dessine à Aseana City, quartier d’affaires de la ville de Parañaque, dans le Grand Manille. Tenant son originalité de sa rue principale protégée par une verrière de 400 mètres de long, laissant traverser la lumière naturelle, l’endroit démontre qu’un emporium peut faire œuvre d’urbanisme, tant c’est ici d’un morceau de ville qu’il s’agit.
Loin de se parer des atours écologiques habituels, Parqal impose son tempérament en favorisant la mobilité piétonne, le vélo et les transports en commun dans un cadre architectural complexe, usant à la fois de la tradition philippine et des influences chinoises et espagnoles.
Le concept de « ville du quart d’heure », qui vise à rendre l’essentiel accessible en moins de 15 minutes à pied, est un défi de taille, surtout lorsque l’on considère aussi le sport et la culture comme éléments substantiels.
C’est ce que Parqal parvient à déployer, avec excellence, intelligence, établissant sans nul doute une référence pour le développement urbain durable aux Philippines.