Quelles que soient les conditions existantes, la stratégie de l’architecte est souvent de transformer des contraintes en qualités intrinsèques. C’est ce à quoi est parvenu l’architecte Xavier Fouquet, en s’appuyant sur l’idée du jardin pièce principale, pour élever une maison contemporaine et économique de 220m² dans un village de Loire-Atlantique.
Présentation de Xavier Fouquet (Fouquet Architecture Urbanisme, Nantes)
« La maison est dans le centre bourg d’une petite commune en seconde périphérie de Nantes. Le maître d’ouvrage – un couple et deux jeunes enfants – avaient acheté une maison dans le village ainsi que cette parcelle étroite, 10m par 60 mètres de long, devenue constructible par un changement de P.O.S. (Plan d’occupation des sols). La parcelle descend doucement vers son extrémité Est pour plonger dans la rivière de l’Ognon. Les clients ont donc souhaité y construire leur maison.
Leur décision de passer par un architecte tenait au fait que le caractère particulier du terrain recelait un grand potentiel mais aussi qu’ils avaient conscience que, dans le cadre de ce projet spécifique, travailler avec un architecte permettait de s’attacher à résoudre l’équation coût – surface – confort.
La première chose que nous avons prise en compte est que ce terrain était partiellement ‘habité’, en ce sens qu’à l’Ouest le terrain est bordé par deux murs mitoyens formant angle et qu’y était adossé un abri de jardin en pierre. L’idée fut donc de se servir des murs mitoyen pour augmenter la surface de la maison sans augmenter les coûts ; dit autrement, construire ailleurs que là où c’était déjà bâti. La maison s’appuie donc sur les éléments existants – l’abri, les murs, le jardin, la pente du sol – et les incorpore, en poursuivant les continuités dans le sens du terrain.
Un autre axe fondateur du plan est que le principe d’organisation dans le prolongement du sol et un travail spécifique sur les séparations permettent de faire varier les configurations suivant les saisons de manière à créer des espaces habitables vastes et généreux pour chaque niveau. L’ensemble est formé de deux parties. La première est un jardin d’hiver fait de terrasses successives. La seconde est une interface qui accueille les pièces de vie. Au rez-de-chaussée les pièces s’installent entre le jardin d’hiver et le jardin extérieur. Toutes les portes sont vitrées, pliantes ou coulissantes (huit panneaux de façade) pour un parfait prolongement visuel et physique des espaces : semi-intérieur, intérieur, extérieur. Notre volonté était de faire ainsi glisser le jardin dans la grande pièce (salon, cuisine et bureau) du rez-de-chaussée. Il y a ainsi une continuité visuelle forte qui se traduit concrètement aux beaux jours avec la faculté d’ouvrir totalement l’espace sur l’extérieur. En hiver, cet espace fermé recrée une intimité protectrice tout en gardant l’espace ouvert grâce au jardin d’hiver.
Cette partition sans cloisonnement correspond à une volonté des maîtres d’ouvrage mais correspond également à une stratégie sur l’économie du projet. C’est-à-dire, non pas être moins cher, mais offrir, dans le budget, plus de surface habitable et de confort. Il est toujours intéressant pour un architecte de répondre au désir des clients d’une façon adaptée à leur mode de vie et leur budget. Ainsi en est-il de l’usage des volumes intermédiaires, une stratégie que l’on retrouve dans les étages.
Les vues sont également privilégiées aux étages, les chambres donnant sur le jardin et/ou sur le jardin d’hiver. Au premier niveau elles sont reliées par un espace intermédiaire qui, en fonction des besoins évolutifs de la famille, peut être alternativement une chambre, un bureau, une salle de jeu ou que sais-je. Une paroi coulissante sépare celui-ci d’une terrasse intérieure. A mi-saison cet espace intermédiaire est ouvert, en continuité de la terrasse, de manière à augmenter la surface habitable. Au second niveau est installée une troisième chambre, un solarium et un grenier.
L’ensemble est réalisé en ossature et planchers bois. Il est important de noter que le choix a été fait dès le début de privilégier la surface habitable, quitte à simplifier les finitions. Ce qui n’empêche pas la façade donnant sur le jardin d’être bien dessinée, noble, un peu chic. D’une part le côté ‘brutaliste’ des murs existants conservés est intéressant architecturalement mais, surtout, cela permet d’inscrire le projet dans une stratégie évolutive. C’est-à-dire que le projet s’inscrit dans le temps en phases différentes. Le premier investissement a été réalisé dans la surface habitable, les propriétaires disposant désormais du temps pour s’approprier la maison au fil des finitions qu’ils choisiront. Ils ont participé à la création de leur maison dès sa conception, ils seront seuls maîtres pour la « finir » et la décorer.
Le principe d’une enveloppe en double peau assure un bilan thermique performant. Les murs de pierre forment masse thermique pour redistribuer la chaleur en hiver et la fraîcheur en été. La façade du jardin, orientée à l’Est, reçoit donc le soleil matinal et le diffuse la chaleur dans toute la maison. Toutes les autres façades sont doublées d’une enveloppe en polycarbonate (la double-peau), y compris le toit, ce qui permet au jardin d’hiver de fonctionner comme une serre, tant en terme de lumière que d’énergie solaire. La chambre du haut est « doublée » par l’intérieur pour ne pas avoir la transparence du ciel.
Les eaux de pluie sont renvoyées dans le jardin et les réseaux sont alimentés par l’eau du puits. Nous avons enfin adopté un système mixte pour le chauffage – gaz en rez-de-chaussée, électricité dans les étages. A noter que le maire de la commune s’est montré favorable au projet et n’a posé aucun préalable pour l’obtention du permis de construire. Le village est pourtant rénové en style traditionnel, ce qui montre que l’un n’empêche pas l’autre.
Au final, en retournant les contraintes (orientation, murs existants, parcelle, etc.) du projet en qualités intrinsèques, les clients habitent désormais une maison de 220m² (pour un coût de travaux de 110.000 euros HT) dans laquelle chaque pièce s’inscrit dans un espace en prolongement soit visuel, soit pratique. Ce projet a été construit par l’intérieur, avec le souci de tirer parti du territoire, de rendre sensible les potentialités du lieu, de s’intéresser aux modes d’occupations des lieux et à leurs évolutions. Il s’agit également de montrer que la qualité d’une architecture, avant l’image ou la représentation qu’elle construit, réside dans ce qu’elle rend possible ».
Propos recueillis par Christophe Leray
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 30 mai 2007