Après 22 jours d’attente, Alexis Kolher, Secrétaire général de l’Elysée, a enfin égrené le nom des titulaires ministériels vendredi 20 mai 2022 depuis le perron du palais présidentiel. Placé sous la houlette de la techno Elisabeth Borne, Antoine Pellion, son palefrenier, est selon Matignon en charge de « coordonner l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire ». Le même est également chef du pôle écologie, transports, énergie, logement et agriculture.
Maintenant, pour ce qui est de l’urbanisme, de l’aménagement et de l’architecture, est nommée notamment Amélie de Montchalin, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, ministère auquel est adossé le ministère des Collectivités territoriales, échu au nouvel entrant Christophe Béchu, actuel maire d’Angers, dont la tutelle est partagée avec le ministère de l’Intérieur. Rima Abdul Malak est nommée ministre de la Culture et Agnès Panier-Runacher à l’Energie.
Peu de noms inconnus dans le nouveau gouvernement mais des portefeuilles dont les précisions sont attendues par décret. Surtout, la composition des cabinets permettra d’en savoir plus sur les orientations et les priorités. Car même si « l’écologie doit être notre projet », selon Amélie de Montchalin, ce qui est facile à dire, les doutes sont encore permis, surtout que le projet apparaît bien pauvre et sans ambition, tout à fait dans la continuité des cinq années passées. Éteindre la lumière en sortant, trier les déchets, sont de bien pathétiques injonctions face aux défis environnementaux qui ne font qu’occulter les décisions non-prises sous couvert de préserver le système capitaliste et ses bénéficiaires.
Du côté logement, aménagement et transport, c’est donc Amélie de Montchalin qui s’y colle. Techno côté économie-finance, diplômée d’HEC, débuts fugaces à LR avant de rejoindre En Marche ! pour la première campagne d’Emmanuel Macron. Elle a été membre de la commission des Finances à l’Assemblée nationale et chargée de la coordination du groupe En Marche. Elle a intégré le gouvernement en avril 2019, comme secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargée des Affaires européennes. Puis en juin 2020, elle devient ministre de la Transformation et de la Fonction publique où elle mettra en application la loi de transformation de la fonction publique, et la conduite de la réforme de la haute fonction publique.
A la tête d’un super ministère préalablement occupé par Barbara Pompili et Joël Giraud, l’agenda va être chargée : sécheresse à venir pour l’été, stratégie nationale de biodiversité, application de la loi climat et résilience, le zéro artificialisation nette, etc. Au milieu des urgences et des promesses, difficile de savoir si le logement sera une des ambitions que portera la nouvelle ministre.
Elle devra poursuivre les grands programmes initiés sur le précédent quinquennat (Action Cœur de Ville, Petite Ville de Demain, Agenda Rural, etc.). L’absence de ministère dédié au logement a déjà irrité les professionnels, alors que la production est à la peine, que quatre millions de personnes sont toujours mal-logées et douze millions sont en situation de fragilité selon la Fondation Abbé Pierre, que l’inflation, notamment des loyers et des factures énergétiques, est un des sujets prioritaires du nouveau gouvernement, qui devrait voter un paquet de mesure à ce sujet à l’ouverture de la prochaine session parlementaire.
Irritation qui a déjà entraîné un début de clarification via la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, à l’issue du premier conseil des ministres : « Amélie de Montchalin a dans son périmètre les enjeux de transports et de logement… et il y aura très certainement de nouvelles personnalités au sein du gouvernement, spécifiquement dédiées par exemple aux transports ou au logement, sous la supervision de son ministère, directement placée sous la Première ministre ».
Amélie de Monchalin travaillera également avec Agnès Panier-Runacher, qui prend en charge la transition énergétique avec des dossiers pas très sympas en cours : la fin de la dépendance aux énergies fossiles, la politique nucléaire du président Macron mais aussi, en priorité, la hausse des prix de l’énergie et la baisse du pouvoir d’achat des ménages. Enarque, ancienne inspectrice des finances, passées par l’AH-HP, la Caisse des dépôts qu’elle avait quittée pour devenir administratrice dans le privé, elle rejoint Emmanuel Macron dès 2017, alors qu’elle admet n’y rien connaître en politique. Secrétaire d’État puis ministre rattachée au ministre de l’Économie et des Finances et enfin ministre déléguée chargée de l’Industrie, elle avait pour mission de définir la nouvelle stratégie industrielle de la France post-Covid, à coups de milliards, pour relocaliser, décarboner, etc.
Côté culture, et donc architecture et patrimoine, Rima Abdul Malak est l’une des nouvelles têtes du gouvernement. Une femme qui a surtout œuvré dans l’ombre puisqu’elle était depuis 2019, conseillère culture et média auprès d’Emmanuel Macron. Son expérience est largement issue du spectacle vivant (notamment à Clown sans frontière, conseillère spectacle vivant à la mairie de Paris, attachée culturelle à de la direction du département Spectacle vivant et arts visuels de l’ambassade de France à New-York).
Côté politique, elle a été directrice de cabinet de Christophe Girard, alors adjoint à la culture, entre 2010 et 2012 à la mairie de Paris, puis directrice de cabinet et enfin conseillère culture de Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, entre 2012 et 2014. L’intérêt pour l’architecture et le patrimoine ne paraît clairement dans son profil mais des surprises sont possibles. De fait, les sujets chauds ne manquent dans un ministère qui semble sans boussole depuis bien longtemps : droits d’auteur, metavers européen, mais aussi et surtout la difficile pilule à faire passer de la suppression de la redevance télévisuelle sont ses premiers dossiers sur son bureau. L’architecture attendra sûrement !
Bref, des technos bien technos qui ont l’avantage de connaître les méandres de l’Etat, de son administration, mais avec parfois bien peu d’expérience dans les domaines dont elles ont la charge. En revanche, à part pour Rima Abdul Malak, qui est encore inconnue, les trois autres ont la réputation de connaître et de faire avancer les dossiers. Aucune n’est connue pour un engagement franchement engagé sur l’écologie, tout comme le programme écologique d’Emmanuel Macron qui reste le grand flou de cette non-campagne présidentielle.
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’il y a les titres qu’il y aura la volonté et la stratégie, puisque concilier capitalisme et écologie, fin du monde et fin de mois paraissent difficilement compatibles et aucun futur désirable n’est proposé pour susciter l’adhésion.
Les législatives corrigeront probablement le tir des manques déjà largement critiqués. En attendant, il faut veiller à la répartition des portefeuilles ministériels et à la composition des cabinets pour connaître les priorités de chacune de ces nouvelles ministres.
Julie Arnault