Depuis le lancement de la campagne des municipales, les candidats parisiens égrènent leurs propositions pour Paris, en évitant bien des sujets fâcheux et pour cause puisque sur nombre de ceux-là, ils ne disposent d’aucun pouvoir puisque la gouvernance ne leur appartient pas… Peut-être est-ce là le principal problème de cette campagne ? Ne pas franchir le périph’.
L’urbanisme a encore le pouvoir de déchaîner les foules, notamment virtuelles. Le dimanche 25 janvier, Benjamin Griveaux a dévoilé dans les pages du JDD son idée de déplacer la Gare de l’Est à la Porte de la Villette, au nord-est de Paris. Plus précisément, il conserverait les lignes de métro et de RER/Transilien, et déplacerait le trafic des moyennes et grandes lignes, ce qui concernerait environ 28 000 passagers quotidiens. Ajouter à cela qu’il convertit les voies en «Central Park» parisien.
Qui lui aura donné cette idée ? Elle n’est pourtant pas nouvelle, déplacer la gare d’Austerlitz était déjà en vogue dans les années 80 avec le plan banlieue 89 de Roland Castro, et l’idée d’un Central Park germe aussi dans la tête du même architecte mais pour la Courneuve avec une belle densification alentour.
Le vieux totem de la Gare
Pourquoi déplacer la Gare de l’Est ? Allez savoir. C’est celle qui pose le moins de problèmes parmi les gares parisiennes. Celle qui reçoit presque le moins de passagers. Pourquoi la déplacer à la Porte de la Villette ? Certes les terrains ne manquent pas avec le périph’ et les entrepôts alentour mais aucun moyen de transport ne permettrait de relier cette nouvelle gare à Paris facilement.
La ligne 7 ne dessert aucune autre gare parisienne, et c’est l’unique ligne de métro qui desservirait ce nouvel équipement à l’opposé des gares parisiennes qui sont reliées entre elles directement soit en métro ou en bus. Il est intéressant de noter que l’urbanisme et l’architecture ont encore le pouvoir de faire réagir les foules, même si au travers d’une proposition qui n’avait d’autre but que de faire parler d’un grand projet parisien du candidat, projet irréaliste puisque la SNCF ne vendra pas ses terrains et refusera de déménager sa gare et ses voies. Affaire classée.
Une autre proposition, dévoilée le même jour, est celle du frère ennemi Cédric Villani : déplacer les voies internationales de la Gare du Nord à Saint-Denis-Pleyel. Au moins cette proposition s’insère dans le plan du Grand Paris Express avec une gare qui se connecterait à l’ensemble des nouvelles lignes en cours de réalisation.
Or la Gare du Nord pourra difficilement absorber un trafic supplémentaire même sur ses grandes lignes. Deuxième gare parisienne, avec 250 000 passagers quotidiens, dont 23% sur les lignes à grande vitesse, ce déplacement pourrait amener à réfléchir à un aménagement pour le pôle d’échange RER/Transilien qui est sursaturé.
Ce projet serait également une alternative pour transformer la Gare du Nord en autre chose qu’un centre commercial offert à Auchan. Cette proposition est d’ailleurs une des seules à voir au-delà du périphérique avec une certaine idée d’un Grand Paris, ce qui finalement manque à ces élections.
La pollution ne s’arrête pas au periph’, les gens non plus
En effet, il semble vain de parler de mobilité et de logement, les deux thèmes qui chapotent l’ensemble des programmes tous «écologiques» des prétendants à la Mairie de Paris, sans parler du Grand Paris. Toute proposition se heurte à la finitude de la ville. Densifier Paris ? Mais avec des transports en commun saturés, l’idée est juste de rendre la vie des Parisiens encore plus difficilement supportables.
Paris perd des habitants, ne devrait-on pas plutôt accompagner ce changement, plutôt que de vouloir accueillir de nouveaux habitants dans une des capitales les plus denses du monde ? Réfléchir sur le logement abordable est impossible dans les 100 km² de Paris. Les réserves foncières sont quasi nulles et les prix ne baisseront pas en voulant attirer de nouveaux habitants.
Améliorer la qualité de l’air et faire baisser la pollution ? Pour la reporter sur les villes alentour, ce n’est pas très sérieux. Tout et son contraire sont bons pour s’attirer les bonnes grâces des électeurs. Paris reste la plus petite capitale européenne. En comparaison, Berlin fait 800 km², Londres 1572 km².
La seule solution reste de faire le Grand Paris, d’agrandir la ville, d’englober les communes périphériques, de proposer un véritable programme et un plan global de développement à l’échelle d’un territoire où travail, logement et mobilité seront facilement accessibles. La Défense doit-elle encore construire des tours ? Doit-on rééquilibrer l’offre de travail entre l’est et l’ouest, le nord et le sud ? Ne pourrait-on pas décongestionner l’ouest parisien de son offre culturelle ?
Aucun grand équipement culturel n’a encore trouvé sa place à l’est et pourtant les habitants seraient probablement contents d’accueillir ne serait-ce que le pavillon éphémère du Grand Palais. Ils pourraient bénéficier d’une offre culturelle jusqu’alors difficilement accessible.
Ce sont des débats qui mériteraient d’être posés et non réservés au pré carré électoral d’un.e édile alors que les décisions à prendre vont bien au-delà de sa circonscription.
Bref, il faut construire un vrai Grand Paris, celui qu’on avait fait miroiter aux architectes.* Annexer les communes périphériques, comme le propose Cédrid Villani ? Aller plus loin et annexer les départements limitrophes ? Ce serait peut-être la plus pragmatique des solutions. Bien sûr les élus seront probablement contre au nom de leur intérêt général mais au détriment de celui de leurs habitants.
Julie Arnault
*Lire notre article Le Grand Paris à la BAP : réussir l’échec ?