Parmi les initiatives pour résorber la crise de l’habitat, voici Réinventer Paris 3, qui « s’attaque » vaillamment aux bureaux vacants de la capitale pour les convertir en logements. Depuis le 9 février 2021 en effet, les propriétaires, concepteurs et architectes sont invités à « imaginer à quoi ressembleront les habitations de demain grâce aux locaux vides d’aujourd’hui ». Vaste et ambitieux programme.
« Après avoir réinventé les sous-sols parisiens ou des lieux vacants, la troisième édition de Réinventer Paris propose de donner une nouvelle vie à des anciens bureaux et lieux de travail qui ne sont plus adaptés aux besoins actuels », se flatte l’exécutif parisien, nonobstant le fait que de telles compétitions ne parviennent généralement qu’à imposer au quartier de nouveaux prix de référence sur lesquels tous les privés vont s’aligner, participant ainsi joyeusement à l’inflation du foncier et donc des coûts pour se loger.
C’est ce pourquoi le député Jean-Luc Lagleize*, dans son rapport consacré à La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction, remis en 2019 au Premier ministre Edouard Philippe, propose carrément d’interdire les ventes aux enchères de ce type. « Les concours d’architecture peuvent être basés sur tout ce qu’on veut, le design, l’architecte, le matériau, le programme, mais ils ne doivent pas être basés sur le prix », assène-t-il. Il en va selon lui de l’exemplarité de la collectivité publique.
Nonobstant donc, les fonctionnaires de la ville de Paris de s’interroger gravement : « et si des bureaux vides étaient transformés en logements » ? Rien à dire, c’est révolutionnaire.
Puis les mêmes de réfléchir : « et si on faisait un concours ? » « Et si on l’appelait Réinventer Paris 3 » ? Super ! En guise de quoi, les mêmes de proposer un grand total de … 6 sites ! Six ! Dans tout Paris ! Ils ont cherché sous les tapis ?
« Des anciens magasins Tati dans le 18e arrondissement en passant par les garages Renault et Citroën des 15e et 11e arrondissements, les possibilités de convertir des bureaux vides en logements existent », souligne le communiqué de la ville. Certes. Qui d’ailleurs pour nier l’existence de possibilités ? Construire sur la lune en est une.
Le garage Renault quai de Grenelle dans le XVe arrondissement, proposé en compétition, en est une autre. Il est certain qu’un tel ouvrage dédié à une mobilité ancienne doit vite, au prix du mètre carré dans le XVe, trouver une raison d’être afin de n’être pas voué à poussières et réemploi. Que faire ? Des open spaces pour artistes internationaux peut-être ? Une résidence mixte pour senior et étudiants en coliving ?
Très bien mais le fait est que les projets de la sorte sont nombreux partout à Paris et en France. Ainsi l’agence CoBe a livré sans blabla rue de Ridder à Paris (XIVe) en novembre 2020, pour le Groupe GALIA maître d’ouvrage, le premier centre d’hébergement géré directement par le Samu Social à Paris Intramuros, la restructuration et surélévation d’un bâtiment de bureaux ayant permis la réalisation de 37 logements sociaux. Nul besoin donc, pour un garage désuet, d’en faire toute une histoire Réinventer, une simple annonce sur Marchés Publics était suffisante et les mêmes clients auraient répondu exactement de la même façon.
À part ça, compter pour Réinventer Paris 3 un site emblématique, Tati Barbès, dans le XVIIIe, là où la célèbre enseigne a mis la clé sous la porte en juillet 2020. Un immeuble haussmannien s’il en est. Le programme est limpide : transformer de l’haussmannien de bureaux en haussmannien de logement… ce qu’il était à l’origine ! On s’en doute, un sacré ‘challenge’ pour les architectes !**
Un casse-tête cependant pour ce qui concerne la rentabilité des opérations. À l’heure où la dynamique de l’investissement de bureau est au mieux incertaine, redonner aux millions de mètres carrés haussmanniens parisiens leur vocation première, est-ce pour les promoteurs une fausse bonne idée ? À quand sinon les immeubles de la BNP boulevard des Italiens transformés en lofts de luxe pour nababs de la planète Zorg ? Cela compte aussi dans la réinvention de Paris ?
Mis à part cette anecdotique suite à la série des Réinventer – et chacun sait que rares sont les séries qui ne sont pas déjà totalement essoufflées au troisième épisode, à moins de changer de réalisateur – et puisqu’il est question de « s’attaquer » à la question pressante du logement dans le monde d’après, que fera-t-on par exemple des milliers de mètres carrés de La Défense, où vient encore d’être livrée la tour Trinity (Trinité en français) ? Une tour sans doute bienveillante mais hélas conçue dans le monde d’avant et qui ne fait pas partie du périmètre parisien.
Un concours Réinventer La Défense, voilà qui, rien qu’en termes de volume, devrait donner matière à réflexion aux promoteurs, voire aux bailleurs sociaux. La Défense est (était ?) certes déjà en train de se réinventer, à petits pas, mais la question qui sera vite posée dans le monde d’après sera celle de la densité. Pas plus de trois usagers par étage de bureaux, ça va comme geste barrière ?
En attendant les jours meilleurs que ne manquera pas de nous promettre une candidate putative à l’élection suprême, voici donc à Paris six petits projets* en quête de réinvention qui ne mangent pas de pain et qui devraient, sans changer rien à rien sur le fond de la crise du logement en général, à Paris en particulier, obtenir leur petit quart d’heure de célébrité.
La preuve avec cet article.
Christophe Leray
* Rapport consacré à La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction remis à Edouard Philippe, alors Premier ministre en 2019.
**Outre Tati Barbès et le garage Renault, compter pour ce Réinventer Paris 3 un autre garage, Citroën celui-ci, le siège de l’APHP, un ancien centre de distribution électrique et des locaux d’enseignement supérieur. Le New York Times est prévenu ?