Les traces fantomatiques du vent, impliquant le mouvement de l’eau ou du feuillage, suffisent généralement à l’évoquer de manière quasi synesthésique. Montage d’un élément narratif ? Chronique-photo d’Erieta Attali.
Depuis mes débuts en tant que photographe, j’ai utilisé dans mon travail des éléments narratifs, des dispositifs qui soit créent des ambiances particulières pour susciter une réponse émotionnelle, soit traitent la matière inorganique comme un personnage cinématographique, vedette d’une histoire se déroulant dans le paysage.
Avec des indices de narration, des séquences et des montages, des récits peuvent ainsi se déployer au travers d’une seule photographie, ce qui m’a permis d’étendre mon langage visuel pour lire les relations spatiales et temporelles entre l’architecture et le paysage.
L’introduction récente de la technique de montage dans ma photographie m’a permis non seulement de revisiter et réinterpréter l’application de séquences narratives mais aussi d’utiliser de manière créative un travail qui couvre toute ma carrière, combinant des documents d’archives avec de nouvelles images et associant des lieux géographiquement discontinus.
Processus de montage ou comment connecter des photographies basées sur un récit ? L’intention est ici d’exprimer une série de photographies dans son ensemble et de communiquer au travers d’une image le sens d’une œuvre d’architecture selon les multiples points de vue dans le paysage. Certes, l’image statique ne peut pas – et ne doit pas – rivaliser avec la cinématographie pour communiquer un mouvement fluide et continu dans l’espace.
Pour autant, l’image statique est aussi un outil de narration qui agrège des moments fragmentés, des couches spatiales et temporelles s’effondrant les unes dans les autres, et révèle des relations invisibles. A cet égard, la condition statique et bidimensionnelle de la photographie renforce l’élément narratif.
Jusqu’à présent, j’ai utilisé du verre et des couches successives de reflets pour saisir cette multiplicité de points de vue ; maintenant, je l’étudie en utilisant également des éléments naturels transparents et en juxtaposant plusieurs photographies.
Les transitions temporelles couvrent un large spectre d’échelles de temps, qui nécessitent différentes synergies de matériaux et de lumière : du passage instantané au quotidien, au saisonnier et à l’historique qui provoque finalement l’absorption de tout dans le paysage.
Pour l’extrémité inférieure du spectre temporel, l’air, l’eau et la végétation sont des composants essentiels car ils sont suffisamment sensibles et flexibles pour capturer des transitions rapides ; ces transitions sont essentielles pour communiquer l’expérience d’être dans un lieu, de l’occuper et d’être immergé dans le contexte.
Alors que l’air est invisible, son effet sur les matériaux réceptifs dans l’environnement peut être capturé par de longues expositions photographiques. La composante sonore du vent qui est au cœur de sa perception ne peut être portée par la seule image, mais les traces fantomatiques impliquant le mouvement de l’eau ou du feuillage suffisent généralement à l’évoquer de manière quasi synesthésique.
Erieta Attali
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