Re cycler, re composer, re penser, re faire la ville, re naturer, re dessiner, re penser, reconstruire, re générer, réformer, renaissance, re insérer, il n’y a que du « re » depuis que je suis rentré en France, je n’entends et je ne lis que « re » partout…
Le préfixe « re » est omniprésent … que s’est-il passé entre l’avant Covid et maintenant depuis que j’ai quitté la France ?
« Re » c’est la répétition d’une action.
Le monde du bâtiment et les politiques s’enchantent en chœur de l’acte de re construire en re qualifiant et en re pensant notre futur…
Ce préfixe exprime l’impérieux besoin de tout re nommer, re expliquer, re communiquer sur la continuité, c’est vrai : le changement nous fait si peur…
Les hommes « re pensent » les choses simples, notre manière de ressentir ou de vivre s’est tellement modifiée…, le Covid a laissé de sérieuses traces dans nos comportements.
Réinventer Paris, la belle arnaque n’était que les prémisses de cette manière de communiquer dans un Paris qui devait se re inventer…
En revenant en France, j’ai l’impression que tout se complique, comme si la simplicité et l’évidence se perdent au profit d’une complexité de procédures, une addition de strates administratives et de services complexes superposés.
Je découvre que les projets d’architecture passent désormais par le coefficient de biodiversité indispensable à l’obtention du permis de construire, le fameux CBS !
Renaturer la ville est le terme en vogue, préféré des salons immobiliers parisiens.
C’est le mot d’ordre des promoteurs qui saisissent l’opportunité offerte de construire moins cher, vert et léger.
Les labels écologiques sont partout ; les DPE (Diagnostics de performances écologiques) inondent de couleurs en arc en ciel les vitrines des agences immobilières de France.
Communiquer sans cesse sur les vertus écologiques des certifications vertes est le minimum pour toutes les agences d’architecture, pour être dans le coup et désirées des maîtres d’ouvrage (les AMO verts ont fleuris tellement vite qu’ils dépassent désormais en nombre les AMO BIM dans toutes les consultations de concours).
Tout est aussi bizarrement devenu « circulaire » dans cet espace d’après Covid : circuits courts, écologiques, touristique, vertueux, circuits courts de production alimentaire et de matériaux. La pensée cartésienne mise à mal…
En fait c’est super ! La prise de conscience est nationale et nous allons porter au-delà des mers un cocorico bien français. Nous sommes devenus en quelques années les chantres de l’écologie, le monde va nous regarder et nous admirer…
J’en suis le premier ravi mais le défi écologique mondial est-il vraiment là ? Il me questionne fortement en tout cas ?
C’est en soi, une excellente chose de présenter par le biais de l’écologie les projets d’architecture et d’urbanisme (il n’a jamais été très malin de faire rouler des camions sur les routes de France pour livrer du bois d’Europe de l’Est en Provence, ou du Granit de Bretagne à Cannes).
Ce qui me trouble n’est pas le fond du discours écologique (car la planète brûle bien) mais beaucoup plus le bon sens lénifiant d’une pensée commune entendue partout et par tout le monde, depuis que je suis rentré au pays gaulois.
Cette pensée commune du vert justifie tous les discours et oriente la lecture de tous les projets. C’est le discours du gendre idéal, celui de l’architecte qui a tourné sa veste, de la bien pensée de l’écologie vertueuse qui prime sur tout.
Cette pensée unique du vert me fait peur et me noie !
Le monde qui nous entoure est-il aussi passionné que nous, par le tri sélectif des déchets et les pistes cyclables ? Depuis le Vietnam et l’Asie du Sud-Est ou depuis l’Afrique en plein boom, le sujet n’est pas du tout d’actualité où l’on a soif de modernité, de bagnoles, de tours et de consommations à outrance de carbone !
Je ne dis pas qu’il faut contrer cette lame de fond écologique utile et nécessaire. La prise de conscience écologique nous fait évoluer positivement. L’architecte trop malin en saisit les opportunités pour être au centre des changements, celui des choix de société.
Mais dans ce grand mouvement, les grands projets techniques, les utopies, les ambitions se sont transformées en petites actions. (Bien sûr utiles, penser local pour agir global, le « glocal » comme me l’a suggéré l’autre jour un copain ingénieur…)
J’ai l’impression qu’on bricole sans cesse, cela me gêne et, surtout, ce n’est pas ce qu’on m’avait promis lors de mes études d’architecture…
Alors retour au pays du re…, je fais quoi moi ? Tous écolos, sommes-nous tous égaux ?
Eco responsables en recherche de sens… Je suis un peu perdu.
L’écologie, c’est faire mieux avec moins, c’est faire beau moins cher, c’est rendre utile et accessible l’espace, préserver et moins consommer.
Le bon sens paysan, c’est planter un arbre à côté de sa maison, pour y faire de l’ombre l’été, protéger du vent les tuiles, et sucer l’eau du sol pour assainir les fondations.
L’idée du monde circulaire est asiatique, c’est une notion liée au Ying et au yang et à l’idée que le monde est composé de cycles et d’alternances et que tout interagit, dans un tout et un même cosmos lui-même circulaire. Poussières nous redeviendrons poussières…
L’abréviation CBS (Coefficient de biotope) ne vas pas m’aider à être plus créatif !
Olivier Souquet
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