Pour rester concurrentiel, le Groupe ADP inaugurera à l’été 2020 le nouveau terminal 2BD (T2BD) de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. L’augmentation du trafic voyageur annoncée en 2019 de 2,5% devrait alors être absorbée en partie par cette infrastructure qui mêle la réhabilitation du terminal 2B, conçu par Paul Andreu, et un nouveau bâtiment de jonction avec le terminal 2D. Casque sur le chef et bottes aux pieds, visite de chantier.
Malgré quelques courants idéologiques qui prônent le voilier plutôt que l’avion pour traverser l’Atlantique, le trafic aérien se porte toujours très bien. Pour les concessionnaires des airs, la concurrence est rude. En témoigne l’onde de choc qu’a suscité la prise de contrôle par Vinci de l’aéroport de Londres-Gatwick fin décembre 2018. Alors que la privatisation du plus important des aéroports parisiens fait toujours polémique, le groupe ADP achève le chantier du terminal 2BD, à l’ouest de la plateforme.
C’est Edward Arkwright, le directeur général exécutif du Groupe ADP, qui s’attache à raconter les deux parties de ce chantier emblématique du contrat de rénovation numéro 3, qui comprenait déjà le renouveau d’Orly. «A Roissy, les aérogares sont éclatées. Il fallait optimiser leur capacité en réunissant les terminaux 2B et 2D avec un bâtiment de jonction afin de donner de la flexibilité à l’infrastructure». Voilà qui est dit.
Dans un premier temps, il s’agissait de réhabiliter le terminal 2B, conçu par Paul Andreu dès 1972 et inauguré en 1982 par François Mitterrand. A cette époque, Charles-de-Gaulle était encore en plein essor et, afin de suivre l’évolution du trafic, s’étendait grâce à une multitude d’ouvrages modulaires. Avec le temps et au fil des alliances entre compagnies aériennes, les activités de l’aéroport parisien se sont progressivement déportées vers l’Est. Le terminal 2B, ne remplissant plus son office, fut fermé en 2013, dans l’attente d’un besoin futur, qui ne se fit pas attendre longtemps.
Des études menées par le Groupe ADP ont permis de constater que la structure de béton, quadragénaire, n’avait pas pris une ride. «Les bétons de quarante ans n’avaient pas bougé. En revanche, pour s’adapter aux nouvelles normes en vigueur, nous avons dû envisager des renforts de structures», explique Pierre Bouchenard, directeur du projet. Concrètement, les passagers et usagers du terminal ne seront que peu dépaysés par rapport à l’ancienne version de ce bâtiment de 53 500 m² sinon qu’il gagnera en clarté et en hauteur. Un avant-goût des airs.
«Nous avons gardé les spécificités du bâtiment de Paul Andreu tout en gagnant de la capacité», poursuit Thierry de Séverac, directeur Ingénierie et Aménagement du groupe. «Nous avons évidé la structure en conservant les poteaux béton, pour gagner une impression de volume maximum», dit-il.
Avec le temps, une excroissance en verre avait été construite le long du bâtiment, côté piste, répondant au doux nom de «ver luisant». Elle aussi fût déconstruite et remplacée par un système en ossature métallique de 5 mètres de profondeur, parfaitement parallèle au bâtiment existant. La liaison avec ce dernier est assurée par une verrière autorisant une belle lumière pour compenser à cet endroit un plafond un peu bas.
Le hall public, lumineux, occupe toute la longueur du bâtiment sur une profondeur d’environ 17 mètres. Au centre un volume technique, sur lequel sont adossées les banques d’enregistrement au sud et des commerces au nord, intègre entre autres les blocs sanitaires et d’autres fonctions de logistiques. Il matérialise la limite entre espaces sous contrôle et espaces publics.
Un nouveau bâtiment de 24 500 m² a ensuite été construit pour relier les terminaux 2B et 2D, donnant naissance à une seule nouvelle entité. «La nouvelle infrastructure n’a pas pour but d’anticiper ou de générer un nouveau trafic», précise Edward Arkwright en soulignant «que l’intérêt de ce nouvel équipement, pensé dans une vision globale de plan-masse, réside dans la nouvelle adéquation entre le trafic et la capacité voyageur actuelle».
La forme courbe de ce bâtiment permet d’optimiser le volume disponible. Les courbes, en plan et en coupe, rappellent celles des plans des terminaux 2A à 2D et les courbes de leur toiture. Chaque niveau est dédié à une fonction principale particulière rendant l’ensemble très lisible et l’orientation des passagers aisée.
Si le T2 avait été imaginé comme un espace flexible, au point de pouvoir accepter progressivement les espaces de contrôle toujours plus nombreux, le trafic international de l’époque n’était pas aussi développé et l’espace Schengen n’existait pas encore. Le nouveau terminal 2BD bénéficie dès lors d’un bi-statut, non sans impact sur le fonctionnement, avec une frontière de police pour le trafic international, et un espace dédié aux vols Schengen. Dès 2020, ce sont 5,4 millions de passagers qui emprunteront le terminal, soit autant que dans la version initiale.
Dans ces milliers de m² nouvellement accessibles se trouve un autre enjeu, au moins aussi important que celui de rendre un usage à un bâtiment qui n’était plus utilisé. «Nous ne gagnons pas en capacité mais en satisfaction passager au regard des normes internationales qui qualifient la qualité de service dans les aérogares les plus modernes», indique Edward Arkwright.
Ce chantier n’est donc pas qu’une étape de plus au regard de l’évolution du trafic aérien du plus important aéroport français mais entend bien contribuer à l’image de marque du Groupe ADP. C’est ainsi que les enjeux du projet sont liés en grande partie à «l’expérience passagers», comme dans un centre commercial ou un cinéma.
Les espaces seront à termes aménagés selon les codes de l’architecture intérieure du concessionnaire avec du marbre blanc au sol, du bois au mur et une gamme colorielle déjà présente dans les autres terminaux. Tout, dans le parcours du passager, depuis son entrée jusqu’à son embarquement et inversement, est pensé d’une part pour déstresser l’usager et pour l’imprégner de la marque et de l’aura du groupe.
Sur les 77 500 m² du 2BD (soit 15 terrains de football !), 4 000 m² sont dévolus à des espaces de commerces, selon les codes en vigueur, tandis que les espaces de restauration accaparent 1 200 m².
Pour marquer le passager, qui devient pour l’occasion un usager, les restaurants montent en gamme aussi bien dans l’offre que dans l’espace. Si à Orly, les nouveaux espaces sont imaginés comme une rue parisienne, à Roissy, les architectes du Groupe ADP ont réinterprété le vocabulaire du marché couvert.
Pour le coup, si le terminal ne doit pas anticipation au regard de l’évolution du trafic, il est permis de regretter peut-être le manque de prise de risques sur les espaces intérieurs, dans l’air du temps parisien, certes, mais bien moins «waouh» que ceux des aéroports internationaux asiatiques ou de la péninsule arabique.
Si autant de soin est de mise sur ces espaces de consommation, c’est que les enjeux de rentabilité sont évidemment importants. De fait, le chantier de 280 millions d’euros est entièrement financé par le Groupe ADP dans un plan de financement classique au travers de son activité économique régulée, notamment de redevances aéroportuaires, et de son activité économique non-régulée, les commerces notamment.
Le chantier, qui aura duré un peu moins de trois ans, y compris le désamiantage du terminal 2B, aura aussi eu un impact économique sur les départements alentour, notamment grâce aux heures d’insertion et un système d’allotissement permettant aux PME locales de se positionner.
Rendez-vous à l’été 2020 pour l’ouverture.
Alice Delaleu