
Cette première étape, entre Cornouaille, monts d’Arrée et pays de Léon, pourrait tout aussi bien s’appeler le Tour du Finistère. Elle n’a rien de bucolique cependant puisqu’elle n’offrira aucun répit à cause du vent et du vent et du vent et les équipes vont devoir relancer, relancer et relancer encore. Le tout avant que le peloton ne s’écrase à l’arrivée sur une dernière côte de 3 km à 5,7 % de moyenne (dont un passage à 14 %). Bref le maillot jaune reviendra à un coureur qui a de l’estomac.
Les suiveurs seront évidemment arrivés quelques jours avant le départ pour préparer leurs derniers papiers avant la course. Mais, pour les suiveurs avertis, il n’y a pas que le vélo dans la vie, en témoigne ce quatrième Tour de France de l’architecture contemporaine de Chroniques.
Cela commence dans de bonnes conditions avec l’arrivée à la gare, signée de l’architecte au prénom prédestiné Urbain Cassan. Construite en 1937, elle fait le lien avec le Tour pour les suiveurs parisiens qui viennent de laisser derrière eux la tour Montparnasse et celles de Jussieu signées (en partie) du même homme. Mais cet architecte est peu connu, comme Brest finalement.
Aussi cette gare rappelle que la ville fut quasi entièrement détruite et reconstruite sans pour autant jamais bénéficier de la même notoriété que le Havre. Peut-être, comme l’indique la voie de chemin de fer justement, parce que c’est le terminus de la ligne, le bout du bout. A partir de Brest, toutes les routes mènent à Rome et les coureurs du Tour de France vont d’ailleurs faire une partie du chemin.
En attendant, découvrir que les aménagements devant l’hôtel de ville sont de Bernard Huet, des aménagements un peu sévères, comme Brest et les Brestois peut-être. Dans le centre-ville, se rendre alors à la pâtisserie Lallemand, presque aussi vieille que le Tour de France lui-même, et, après avoir dégusté un baba au rhum, prendre le téléphérique pour descendre sur le plateau des Capucins, dont le plan guide a été pensé par Bruno Fortier et découvrir le symbole éclatant d’une ville qui a su reconquérir une zone défendue (car militaire) et convaincre les oppositions.
Puis entrer dans la bibliothèque François Mitterrand, un bâtiment hors normes de Patrick Rubin (Canal architecture) avec Annie Le Bot, et le traverser dans toute sa longueur sans mur et se souvenir que là étaient fabriqués des bateaux de guerre ! « Une nef de pierre orientée par la dimension spectaculaire des lieux », indique Patrick Rubin. Faites la culture, pas la guerre.


De la plus petite à la plus grande échelle, 10 000 m² presque sans obstacle. Paradoxe, pour préserver le génie du lieu, il a tout fallu reconstruire. « Le caractère monumental des anciens Ateliers a été conservé, même s’il s’agit d’une construction neuve développée dans l’ancienne enceinte industrielle. Un seul niveau découpe le volume sur sa hauteur, il est connecté à la rue haute des Ateliers. Le grand plateau est complété par une mezzanine, l’ensemble est librement accessible au public. La lumière naturelle est largement présente grâce aux verrières des toitures, les vues sur la Penfeld sont privilégiées, on y perçoit les mouvements du téléphérique », poursuit-il.
Dès le premier regard, l’agencement de ce grand vaisseau est appréhendable par tous. Depuis la grande nef de pierres on déambule sur plus de 5000m², traversant les collections déployées dans les espaces de consultations, sans jamais franchir de porte ou rencontrer d’obstacle.

Les nouvelles interventions, en terme architectural, font principalement référence à une confrontation de deux matériaux : l’acier, incontournable mémoire industrielle du XIXe siècle et le béton, témoin indissociable du XXe siècle. Bienvenue à Brest !
Ensuite les fans de Massimilianno Fuksas pourront encore aller visiter la bibliothèque universitaire de l’Université de Brest livrée en 1993 et inaugurée en 1994 par… François Mitterrand. Apparemment ce n’était pas top, « locaux mal adaptés, nombre de places insuffisant, absence d’espace et d’éclairage, tous ces éléments militent pour la construction d’un nouvel équipement », expliquent en 2007 Nicolas Galaud et Alain Sainsot*.
C’est finalement l’architecte Laurent Beaudouin qui construira ce nouvel équipement, d’abord avec la Bibliothèque universitaire (ouverture octobre 2008) puis avec la médiathèque (ouverture fin 2011).

Quant aux suiveurs les moins fortunés, ils auront réservé à l’Auberge de jeunesse de Brest imaginée par l’architecte Roland Schweitzer et inaugurée en mai 1983.



Enfin, s’il pleut sur Brest ces jours-là, ou au contraire s’il y fait trop chaud dans l’excitation du départ, les suiveurs peuvent prendre un peu d’avance sur le peloton et se rafraîchir à la piscine de Châteaulin, sur la route même de la première étape.
Conçue en 2016 par Dubuisson architecture (ex-SEARCH), elle est désormais construite, l’occasion de vérifier si la perspective promise est au rendez-vous.

Pour les moins sportifs, également quasiment sur la route de cette première étape, les amoureux des arts pourront s’arrêter et visiter le nouveau musée de Pont-Aven, seul musée au monde à être entièrement consacré à l’école de Pont-Aven, mouvement de peinture de la fin du XIXe siècle qui préfigure la naissance de l’art moderne. La rénovation livrée en 2016 par Atelier de l’Ile ne laisse rien à désirer.

Bref, après un café bien serré et une portion généreuse du seul, unique et incontournable Kouign-Amann, ce Tour de France contemporain est parti sur des chapeaux de roues (ronds les chapeaux) !
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018
* Nicolas GALAUD et Alain SAINSOT, « Le projet de nouveau pôle documentaire municipal et universitaire de Brest », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2007, n° 1, p. 65-67.