Ses victimes et la façon dont l’architecte Dubois les tue – il les étouffe dans un paroxysme amoureux – sont le début, le milieu et la fin de son syndrome. C’est ce qu’en pense Ethel Hazel, sa thérapeute. Ce également pourquoi les policiers Dr. Nut et Aïda ne le lâche pas d’une semelle. Psychanalyse de l’architecte.
Psychanalyse de l’architecte : les personnages à l’œuvre
Relire le prologue de la saison 7 (et le résumé des saisons précédentes)
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« Toute architecture est un abri, mais la grande architecture est le design d’un espace qui contient, câline, exalte ou stimule les personnes dans cet espace ».
Philip Johnson
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Dimanche, 5h00 (heure locale) – Florianopolis, Brésil
Dans les pages locales de l’édition du dimanche du Diário Catarinense (« Quotidien de Santa Catarina » en français), le quotidien de l’État de Santa Catarina, un article intitulé : O mistério da náiade da Barra da Lagoa se aprofunda (Le mystère de la naïade de Barra da Lagoa s’épaissit).
Já se passaram mais de dez dias desde que o corpo nu de Léonie Meunier, 45 anos, uma francesa que viajava sozinha pela região, foi encontrado na praia da Barra da Lagoa, aparentemente levado pelo mar. , No entanto, o mistério das circunstâncias de sua morte permanece. Ela havia reservado três noites no Residencial Morada do Sol e o exame da bagagem leve não deu em nada. Porém, seu passaporte desapareceu e provavelmente ela o estava com ela quando saiu do hotel, segundo testemunhas, em direção à marina. O que essa mulher misteriosa estava fazendo aqui? Qual era a profissão dela ou para quem ela trabalhava? A polícia local se recusa a dar respostas incertas e o Consulado Geral da França em São Paulo explica que não quer se comunicar sobre o assunto e confia na polícia local. No entanto, soubemos por fonte confiável que o corpo da infeliz foi encontrado a apenas 100 metros de uma casa recentemente ocupada por um… arquiteto francês! Coincidência? Caso tenha mais informações, ligue para 48 4832-800. Discrição garantida. Recompensa por qualquer informação útil.
Cela fait plus de dix jours que le corps nu de Léonie Meunier, 45 ans, une Française qui voyageait seule dans la région a été retrouvé sur la plage de Barra da Lagoa, apparemment rejeté par la mer. Si la noyade ne fait aucun doute, pour autant, le mystère des circonstances de sa mort demeure. Elle avait réservé trois nuits au Residencial Morada do Sol et l’examen de ses légers bagages n’a rien donné. Son passeport a disparu cependant, sans doute l’avait-elle avec elle en quittant l’hôtel pour se diriger selon les témoins vers la marina. Que faisait ici cette femme mystérieuse ? Quel était sa profession ou pour qui travaillait-elle ? La police locale se refuse à donner des réponses incertaines et le Consulat Général de France à São Paulo explique ne pas vouloir communiquer sur cette affaire et faire confiance à la police locale. Pour autant, nous avons appris de source sûre que le corps de la malheureuse a été retrouvé à 100 mètres à peine d’une maison occupée depuis peu par un architecte… français ! Coïncidence ? Si vous avez plus d’informations, appelez au 48 4832-800. Discrétion assurée. Récompense pour toute information utile.
(À suivre)
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Dimanche, 13h45, dans le bureau d’Ethel Hazel
Je m’en rends compte, je n’ai jamais autant travaillé et accepté de nouveaux clients que depuis le départ de Dubois, cette nouvelle routine assourdissante me permet de l’oublier, un peu. Le fait est, c’est aujourd’hui dimanche et je dois bien constater à quel point je n’ai pas de vie. Personne à appeler, personne pour m’appeler… Qu’est-ce qui cloche avec moi ? Pour autant, plutôt que de rester prostrée dans l’appartement, si je veux avancer sur mon article – et penser à Hollywood… « J’ai couché avec un tueur en série, deux fois » – c ’est encore au bureau que je travaille le mieux. Bon, finis les rêves de tapis rouge à Cannes. L’ordinateur allumé, quelques provisions à portée de main, un grand café et voilà le brouillon de mon article. « Au travail donc ». Où en étais-je ? Ha oui, les victimes de Dubois.
SYNDROME DE LA BELLE AU BOIS DORMANT DE L’ARCHITECTE DUBOIS
Les victimes
Est-ce que je dois me compter parmi les victimes. Non pas stricto sensu même s’il a quand même bouleversé ma vie ce type… Mais bon, non, je ne suis pas une victime.
Ses victimes – des femmes blondes aux yeux bleus ou verts – et la façon dont l’architecte Dubois les tue – il les étouffe dans un paroxysme amoureux – sont le début, le milieu et la fin de son syndrome.
Il me faut ici expliquer mes sources. Elles sont de deux ordres. Le premier est lié au travail effectué par le remarquable Inspecteur Nutello, du service des disparitions inquiétantes à Paris, avec lequel nous avons eu des échanges…
Nous avons eu des échanges !!!! Je sens bien, non je sais, que la formule pompeuse n’est que le symptôme de mes tergiversations. Doit-je tout dire de ma brève relation, y compris sexuelle, avec Dr. Nut ? (Mes lecteurs vont finir par penser que je suis une femme facile quand, en réalité, Dr. Nut et Dubois sont les deux derniers hommes que j’ai connus…) Autant ne pas entrer dans les détails. Mais comment expliquer alors que j’ai pu assister en témoin caché à la garde à vue de Dubois ?* Simplement raconter que « c’est la police qui l’a dit » risque de faire un peu court pour expliquer les sources d’un article scientifique. On oublie les échanges.
… remarquable Inspecteur Nutello, du service des disparitions inquiétantes à Paris, grâce auquel j’ai pu confirmé mes intuitions. En second ordre, j’ai moi-même eu des relations sexuelles – deux fois – avec l’architecte Dubois et c’est ce qui m’a permis de comprendre le modus operandi de ces meurtres.
Au fond, je suis comme ces médecins qui s’inoculent eux-mêmes leur vaccin pour prouver qu’ils ont raison face à la bêtise et l’aveuglement de leurs contemporains. Il fallait bien que quelqu’un survive à Dubois pour comprendre le virus qu’il représente. C’est un exploit en somme et voilà donc pour mes sources – et pour Hollywood – et si ça ne leur va pas, tant pis pour eux
Avant de poursuivre, il me faut encore faire une distinction entre les victimes de Dubois car il y celles qu’il conserve, nous y reviendrons, et celles qui sont, disons, sur son chemin. Il s’est ainsi débarrassé d’une comtesse en l’enterrant dans une tranchée de chantier. C’est du moins l’hypothèse de la police qui a noté qu’un architecte peut facilement déterminer à quel moment la tranchée sera comblée. Mais pourquoi l’architecte a-t-il tué la comtesse, au risque de se faire repérer puisqu’elle vivait dans son propre immeuble ? Dubois a décrit un jour lors d’une séance une scène dans l’escalier entre elle et lui, et de la détestation qui les animait tous deux. Cela signifierait-il que Dubois peut être poussé à bout ? En tout cas, plutôt que le soin méticuleux apporté aux autres assassinats qui nous intéressent, Dubois semble avoir agi ici sous l’emprise de la colère et de la rage ce qui signifie qu’il ne serait donc pas toujours complètement en contrôle de lui-même malgré sa méticulosité.
De fait, c’est apparemment dans la pile d’un pont à Saint-Nazaire que repose une dénommée Marie-France, meilleure amie de Madeleine, son ex-femme et associée, qui semblait avoir découvert la vérité à son sujet. Dubois a d’ailleurs tenté de berner la police en faisant porter ces meurtres sur le dos de sa femme. C’est sur l’un de ses chantiers qu’aurait été enterrée Marie-France, sous des tonnes de béton.
Il y a aussi un certain nombre de victimes que Dubois ne garde pas et dont on ne connaît pas le nombre exact. C’est quand l’architecte Dubois va « à la pêche » et, que je sache, il ne garde pas de trophée. Dans ces cas-là, d’après les constatations parcellaires de la police, il semble se débarrasser des corps dans des endroits déserts, souvent en forêt, près d’une rivière. Il possède d’ailleurs une bergerie qu’il a retapé lui-même – il ne m’a jamais dit où elle était mais il a décrit le paysage, une forêt et une rivière, comme là où on a retrouvé le corps de la petite russe… Anastassia, selon mes notes mais je peux me tromper sur l’orthographe exacte du prénom. Bref il semble tout à fait capables de meurtres impulsifs. Qu’est-ce qui les motive ? Une pulsion sexuelle ? Difficile à dire sans corps…
Je me demande si je dois évoquer parmi les victimes de Dubois Bernard Lévesque, mon ex beau-frère (c’était le frère de la femme de mon frère aîné), victime complètement atypique de l’architecte. En effet, Dubois a littéralement lacéré Bernard avec un coupe-papier après avoir appris qu’il m’avait agressé chez moi et fait des propositions obscènes en me menaçant avec… un coupe-papier. La police n’a jamais retrouvé le meurtrier mais je SAIS que c’est Dubois qui lui a fait un sort et, je dois bien me l’avouer, je lui en suis au fond fort reconnaissante. Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Et personne n’avais jamais tué pour moi. Donc, non, pas besoin de parler de cet enfoiré de Bernard puisque ce meurtre n’apporte rien non plus au sujet du syndrome de la Belle au bois dormant de Dubois.
En revanche, les victimes qui nous intéressent sont celles que garde Dubois l’architecte, que des femmes blondes aux yeux bleus ou verts avec lesquelles il a quasiment toujours, dès l’école d’architecture, travaillé sur une période de plusieurs mois à plusieurs années. Ce qui laisse à penser que ces assassinats sont clairement prémédités et minutieusement organisés. Sa qualité d’architecte lui donne l’expertise pour planifier ses actions longtemps en amont, comme un projet qui prend dix ans à réaliser entre le premier croquis et la livraison. Il semble vouloir garder ses collaboratrices qui apparemment ne craignent rien tant qu’elles demeurent avec lui. C’est quand elles s’apprêtent à le quitter, au moins à quitter l’agence, qu’elles disparaissent. Il semble parfois entretenir une relation sexuelle avec ces femmes avant cet ultime et final climax, le cas de Géraldine U. en témoigne, mais ce n’est pas une certitude.
Je peux en témoigner. C’est dès la première fois que nous avons couché ensemble que j’ai failli y passer…
Toujours est-il que ses victimes semblent vieillir avec lui, de Amélie C., la petite de la Creuse à Géraldine, l’ingénieure lyonnaise. Encore que, en 2018, date de sa disparition, Géraldine avait onze ans de moins que Dubois. Géraldine U. n’est pas la première victime de l’architecte mais c’est d’elle qu’il m’a parlé en premier. Elle était alors encore vivante (à supposer qu’elle soit bien décédée, ce dont nous n’avons aucune preuve formelle me dois-je de préciser). Apparemment Géraldine habitait seule et voyageait souvent, la raison pour laquelle absolument personne ne semble s’être inquiété de son absence.
Ce n’est que longtemps plus tard que j’ai compris le sens de ces paroles :
Citation : « C’est sur un chantier que j’ai rencontré Géraldine. Elle était ingénieure mais elle et moi on parlait le même langage. C’est après que c’est devenu compliqué ».
Question : «On parlait le même langage» avec Géraldine. ‘Parlait’, à l’imparfait ? »
Citation : « Ah Géraldine, c’est fini ! Ca n’allait plus du tout, elle appelait à l’agence, puis elle m’appelait à pas d’heure, elle voulait des explications et ça finissait par m’oppresser, surtout avec l’agence et Madeleine. Alors j’ai mis fin à notre relation, comme un cep que l’on brise d’un coup sec. Schlack ! ».
J’apprendrai beaucoup plus tard également que ce n’est pas ainsi qu’il tue, il ne leur brise pas le cou comme on brise un cep, il les étouffe passionnément !
Ethel ne peut s’empêcher de ressentir une profonde vibration, un désir fiévreux de revivre, encore, l’expérience avec Dubois. Elle se sent envahie d’une vague de jalousie pour Gloria, que Dubois a rejoint au Brésil, jalousie teintée d’empathie sincère car elle sait que Gloria va mourir !
(À suivre)
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Dimanche 19h05, dans le bureau de Dr. Nut,
Le policier enrage. Sa visite illégale dans les bureaux et dans l’appartement de Dubois n’a rien donné. Au rez-de-chaussée, deux rangées d’ordinateurs, une salle de réunion, une salle de bricolage parfaitement équipée, ce qui ressemble à une énorme imprimante. Le propre bureau de Dubois est curieusement impersonnel, pas de photos de ses enfants, de son chien – il n’ a pas de chien – ou de ses œuvres. Un ordi, deux écrans, une pile de dossier à sa droite – il est droitier – d’autres à même le sol. Peu de photos nulle part d’ailleurs. Quelques maquettes… L’inspecteur se doute qu’il ne trouvera rien à cet étage et monte à l’appartement de Dubois, au-dessus de l’agence, dont la porte n’est pas fermée à clef. L’appartement est petit, 80 ou 85 m² peut-être, mais impeccablement propre et rangé. Un grand séjour orienté qui tire parti de la lumière et de la hauteur, une télé, des livres, beaucoup de livres. D’autres livres dans la chambre. L’inspecteur a eu beau fouiller, rien ici de spécial, pas de traces de sang ou de meurtres abominables, pas de collection de petites culottes ou de trophées quelconques. Là encore, comme au rez- de-chaussée, il prend une foultitude de photos, ayant compris l’usage qu‘Aïda est capable d’en faire.** Redescendu à l’agence, il a trouvé l’entrée de la cave derrière la cuisine, là où sans doute déjeunent les employés de Dubois. Déjeune-t-il avec eux ? Sans doute, se dit-il. Bref, la cave. Parfaitement parisienne, petite, la pierre meulière encadrant ce qui dans les temps anciens aurait pu être une oubliette. Des livres encore, dans des caisses, un vieil ordinateur que Dr. Nut est incapable de réactiver, des produits d’entretien, de vieilles maquettes, des cartons plein de ce qui ressemble à des archives, comme si Dubois enterrait là, dans sa cave, dans le noir, son passé et son histoire, une sorte de cave dépotoir mais qui ne sent pas l’urine. Dr. Nut a pris le temps de fouiller les cartons, il a sondé les murs, pris des photos, et est reparti plus que jamais frustré.
Ce sont justement ces photos, étalées sur son bureau, qu’il est en train d’observer sans y déceler quoique ce soit d’étrange ou de bizarre qui serait la marque d’un tueur en série : rien, zip, nada. Et personne n’a encore eu le temps de se renseigner sur la stagiaire ukrainienne…
(À suivre)
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Dimanche 19h15 (heure de Paris), dans le bureau de Dr. Nut, le rapport d’Aïda
Réception d’un coup de téléphone sur le portable de Dr. Nut
– Bonjour Patron, ou plutôt bonsoir pour vous !, lance Aïda. Elle parle fort pour s’exprimer au-dessus du brouhaha de là où elle se trouve. Des sirènes hurlent et forment une interminable symphonie criarde.
– Oui Aïda, c’est quoi ce bazar autour de vous ? Tout va bien ? Je ne m’attendais pas à votre coup de fil, s’inquiète Dr. Nut.
– Oui, ça va ! Je suis dans la rue, c’est plein de policiers, plein de monde. J’appelle car il y a du nouveau depuis mon arrivée à Sao Paulo !
– Je vous écoute, dit Dr. Nut vaguement inquiet mais qui se prend à espérer avoir quelque chose à se mettre sous la dent après son raté dans l’appartement de Dubois.
– En arrivant à Sao Paulo, avec Thiago, on s’est répartis les tâches. De mon côté passage obligatoire au Consulat Général de France à São Paulo. J’ai rencontré le consul adjoint, un Frédéric d’Hautecloque, qui m’attendait – C’est le chef qui lui a donné mon numéro ?
– Sans doute, en tout cas ce n’est pas moi.
– En tout cas, ce Monsieur d’Hautecloque semblait assez inquiet car il a reçu quelques appels de journalistes des quotidiens locaux de Florianopolis qui souhaitaient en savoir d’avantage sur « o arquiteto francês ». Ils n’en sont pas encore à camper devant le Consulat mais le consul, qui a été visiblement informé, s’émeut qu’un tueur en série français puisse semer la panique au Brésil. Comme il me l’a souligné : « des Français morts retrouvés ici, pour toutes sortes de raisons, c’est assez habituel, Léonie Meunier n’est pas la première ni la dernière. Mais un tueur en série français au Brésil c’est du jamais vu ! ».
– Bref, poursuit Aïda, l’objectif des autorités ici est clair, faire taire au plus vite toutes les rumeurs. J’ai dû lui présenter le profil de Dubois. Il est sceptique et il tient absolument à une mort accidentelle pour Léonie Meunier.
– Rien d’étonnant. Cela doit d’ailleurs les arranger fortement que Dubois ne soit qu’un Français lambda en vacances avec une Brésilienne. Il ne veut pas de vague dans son consulat. Mais bon il est diplomate pas flic, chacun sa place.
– Je suis bien d’accord avec vous Patron, je suis restée cordiale et l’ai remercié en lui indiquant que je reviendrai vers lui si nous avions de nouvelles informations. En tout cas la conclusion de notre entretien était claire: rester discret.
Aïda s’arrête un instant pour laisser passer une ambulance toute sirène hurlante.
– Et, reprend Aïda, comme vous pouvez l’entendre autour de moi, pour la discrétion c’est raté.
– Oui j’entends, c’est quoi ce cirque ?
– Et bien, après ma visite au consulat, j’ai retrouvé Thiago qui de son côté s’est affairé à contacter des collègues à Sao Paulo à la recherche de Gloria ou Dubois. Sauf que c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin ici. Depuis deux jours, nous sommes levés aux aurores et on passe une bonne partie de la journée en voiture, un fond de bossa nova sortant des basses. Pour le coup j’ai eu le temps de visiter et de découvrir la diversité des quartiers : quartier d’affaires, quartier postcolonial, autoroute suspendue dans la ville, parcs, favelas…La ville est hors d’échelle et à part la sillonner dans un sens ou l’autre, on n’a pas trouvé grand-chose. On a fait le tour de je ne sais pas combien de commissariats espérant trouver des infos, une adresse d’hôtel, un retrait bancaire… ou alors la mention de la disparition inquiétante d’une femme blonde, peut-être française. Jusqu’à un texto reçu ce matin par Thiago. Il venait juste de me prendre à l’hôtel et à peine étions-nous dans la voiture que le téléphone de Thiago a vibré, le SMS s’affichant automatiquement sur le tableau de bord : « O corpo de uma jovem loira de olhos azuis foi encontrado sem vida no Hotel Arpoador, 509 Avenida Paulista. Venha quando puder. » Il a poussé un juron, fait un demi-tour furieux au milieu du trafic et la voiture a bondi comme une bombe. C’est quoi le SMS je lui ai demandé. Il a traduit « Le corps d’une jeune femme blonde aux yeux bleus a été retrouvé sans vie à l’Hotel Arpoador, 508 Avenida Paulista. Viens dès que tu peux ». Sirène sur le toit, nous sommes arrivés sur les lieux à peine vingt minutes plus tard.
– …
– Chef, vous êtes toujours-là ?
– Oui, répond Dr. Nut qui ne s’était pas aperçu qu’il retenait son souffle. Je vous écoute.
– C’est un employé de l’hôtel qui a retrouvé le corps, dans un hôtel sur l’avenue la plus célèbre de Sao Paulo, une jeune femme blonde aux yeux bleus… poursuit Aïda qui a du mal à cacher son excitation. Sur place, la police locale avait déjà banalisé tout le périmètre autour d’un gratte-ciel en verre, un hôtel 5 étoiles. Un flic local nous attendait – il m’a dévisagé longuement et ne m’a laissé passer qu’après un signe de tête de Thiago avant de nous faire traverser l’entrée de service. Il nous a expliqué rapidement les faits. Les voici après traduction approximative de Thiago : la jeune femme a été retrouvée morte dans la lingerie du sous-sol ce matin même, dans un coin à l’écart, le visage enveloppé d’un drap. Elle faisait depuis peu partie du personnel d’entretien de l’hôtel, c’est un de ses collègues qui l’a trouvée, allongée au sol, sans vie. Elle est certes blonde aux yeux bleus mais Patron, vous n’allez pas y croire, devinez pourquoi ils ont appelé Thiago direct ?
– C’est l’hôtel où logent Gloria et Dubois ?
– Où ils logeaient plus exactement. Mais ce n’est pas tout ! Vous vous souvenez que Gloria est architecte ?
– (Soupir impatient)
– Excusez-moi. Eh bien, sachez que c’est justement Gloria qui a réhabilité cet hôtel dans son intégralité, c’est l’architecte d’intérieur du projet ! Tout est flambant neuf, il est en activité depuis à peine quelques mois. Je m’étonnais que le lieu me semble familier. C’est parce que je l’ai vu sur le site de Gloria. C’est comme ça que je l’ai reconnu. Thiago était scié, voire admiratif si je peux me permettre. Du coup, il s’est renseigné et c’est ainsi que nous avons appris que Gloria et Dubois étaient venus y passer plusieurs jours. Ce qui signifie également qu’à deux reprises, quand nos deux tourtereaux logent dans des lieux construits par Gloria…
– les morts s’accumulent…
– Oui, c’est dingue !!! Non ? Ou alors il a pété un câble le Dubois pour se lâcher ainsi dans le propre hôtel de sa compagne ! Toujours est-il que le directeur nous a indiqué que l’ensemble de l’hôtel est sécurisé et qu’aucun client ne peut pour le moment sortir sans avoir été dûment interrogé. La police locale a commencé les interrogatoires et doit prévenir Thiago s’il y a quoi que ce soit. Pour ma part, j’ai demandé à voir la chambre où étaient logés Gloria et Dubois… Dans une suite du dernier étage – Chef, je préfère ne pas vous la décrire, vous m’en voudriez – mais si j’ai pu la visiter, avec le directeur et Thiago, c’est parce qu’ils sont partis depuis hier soir. Le préposé à l’accueil a expliqué qu’ils ont commandé hier un taxi pour se rendre à Piciguaba.
– Où ça ?
– Piciguaba, un village sur la plage dans l’état de Sao Paulo mais à plus de 4h de route !
– Ce ne serait donc pas Dubois qui… ?
– Le corps de la femme a été retrouvé ce matin mais l’heure de sa mort n’est pas connue. Il y a plus de 500 employés dans l’hôtel, la plupart ne se connaissant pas forcément. Elle aurait du finir son service à 22h hier soir, heure de fermeture de la buanderie.
– Et le corps ?? Des infos sur son décès ?, demande Dr. Nut, pensif.
– Pas grand-chose pour l’instant. Nous sommes encore au milieu de la pagaille avec tout le tintouin habituel : enquêteurs, médecins légistes, etc. Ils feront ensuite l’autopsie. Thiago m’a indiqué que je ne pourrai me rendre à la morgue que demain, c’est aujourd’hui dimanche. Il semblait mi rigolard mi pensif : «il nous fait une Strauss-Kahn votre Dubois », me dit-il. Il m’a fallu un moment pour comprendre de quoi il parlait. Quand j’ai compris, je ne savais pas si je devais rire ou pleurer.
– C’est peut-être lui qui a raison. Bon, tenez-moi au courant.
– OK et, Oh, juste pour vous prévenir, il est midi passé ici et la presse est déjà sur place. Je pense qu’ils ne vont pas mettre longtemps à faire le parallèle entre l’architecte de l’hôtel à Sao Paulo, l’architecte français de Florianopolis et les cadavres de blondes aux yeux bleus…
– Compris mais, pour l’instant, essayez, le plus discrètement possible, de ne pas perdre Dubois de vue et partez directement à Pici-truc après votre passage à la morgue.
– Ok, Patron, je vous tiens au courant.
(À suivre)
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Lundi, 5h00 (heure locale) – Turin, Italie
Dans les pages locales de La Stampa, principal journal de Turin, à la rubrique Faits divers, une brève titrée : Allora come è morta Gina Rossi? (Comment est donc morte Gina Rossi ?)
Di cosa e dove è morta Gina Rossi? Il mistero si approfondisce ulteriormente. Abbiamo infatti appreso da fonte attendibile che i medici legali che hanno effettuato l’autopsia sul suo corpo non sono riusciti a datare con precisione la data della morte della giovane architetto – oggi avrebbe 33 anni – il cui corpo è stato ritrovato nella chiesa di San Tommaso, in Via Monte di Pietà, a Torino nell’agosto del 2022. Il cadavere era avvolto in un sacco per cadaveri refrigerato, come quelli che si usano per comprare i cibi surgelati. Secondo un testimone del ritrovamento l’apparizione sembrava indicare una morte recente. Secondo una fonte vicina alla medicina legale, Gina Rossi era “come mummificata, il che ha reso difficile datare con precisione il giorno e la causa della morte”. Ulteriori ricerche permetterebbero senza dubbio di saperne di più ma, contattata, la famiglia dichiara di non essere a conoscenza di nulla e si rifiuta di riesumare il corpo della sfortunata donna, sepolta ormai da più di un anno. Se però avete informazioni utili chiamate il giornale allo 0116568304. Discrezione assicurata. Premio per qualsiasi informazione utile.
De quoi et où est morte Gina Rossi ? Le mystère s’épaissit encore. En effet, nous avons appris de source sûre que les médecins légistes ayant autopsié son corps étaient incapables de dater précisément la date de la mort de la jeune architecte – elle aurait aujourd’hui 33 ans – dont le corps a été retrouvé dans l’église San Tommaso, Via Monte di Pietà, à Turin en août 2022. Le cadavre était enveloppé d’un sac mortuaire réfrigérant, comme ceux que vous utilisez pour acheter des surgelés. Selon un témoin de la découverte, l’aspect du corps semblait indiquer une mort récente. Selon une source proche de la médecine légale, Gina Rossi était « comme momifiée, ce qui a rendu difficile de dater précisément le jour et la cause du décès ». Des recherches plus poussées permettraient sans doute d’en apprendre plus mais, contactée, la famille affirme n’être au courant de rien et se refuse à exhumer le corps de la malheureuse, enterrée depuis plus d’un an maintenant. Pour autant, si vous disposez d’informations utiles, appelez le journal au 0116568304. Discrétion assurée. Récompense pour toute information utile.
(À suivre)
Dr. Nut (avec les notes d’Ethel Hazel)
Aïda Ash (avec les notes de Dr. Nut)
* En librairie L’architecte en garde à vue
* En librairie, Le fantôme de Gina
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