Le prix de l’architecture japonaise 2016 (l’équivalent approximatif du grand prix français de l’architecture), a été attribué à l’agence Mikan pour la rénovation de la gare Manseibashi à Tôkyô. Mikan, qui signifie mandarine en japonais, a été fondée à Tokyo en 1995 par Manuel Tardits et ses trois associés Kiwako Kamo, Masashi Sogabe et Masayoshi Takeuchi. Reconnaissance ! Découverte de ce projet livré en 2013.
La partie du projet sur laquelle l’équipe de Mikan a travaillé était en lien avec la rénovation de Manseibashi, une des plus vieilles gares de Tôkyô. Bâtie en 1912, cette station fut déjà rénovée mais plus tard abandonnée. Cependant, sur cette partie de la ligne Chuo, qui est la rame principale qui traverse la ville entière d’est en ouest, les voies sont encore utilisées. Le bâtiment existant reposait sur une longue base en arcades, vide de tout programme et utilisée pour soutenir le passage des trains rapides. Bien que fermée au public, cette base creusée de galeries et d’alcôves montrait un haut potentiel pour accueillir diverses activités.
Une autre particularité du projet est que le bâtiment se situe près de la rivière Kanda, qui fait partie de l’ancien réseau hydraulique de Tôkyô. Même si c’est une des caractéristiques des plus originales et historiques de la capitale Japonaise, elle est aujourd’hui ignorée. La plupart des bâtiments tournent désormais le dos à ces autrefois populaires avenues d’eau.
Pourtant, la localisation de la station entre Akihabara et Kanda, méritait considération. Akihabara est considérée comme ‘La Mecque’ des objets électriques et électroniques et est aussi connue pour sa culture populaire sous-terraine. Kanda est un lieu qui combine dans une sorte de mélange historique vieilles boutiques, artisanat local et restaurants.
L’intention du programme était de faire du bâtiment rénové un nouvel et large établissement commercial. Mikan s’est plié à ce programme tout en désirant mettre en valeur une idée plus large. A côté de ses fonctions, le bâtiment lui-même deviendrait une figure urbaine complexe, revitalisant le lieu et le reliant à nouveau à son passé perdu, une opportunité rare à Tôkyô.
Faisant avec la nouvelle urbanité, un passage fut élevé en direction de la rivière avec toutes les arches désormais réouvertes vers le pont. Les galeries et les alcôves furent renforcées avec des voûtes en béton et accueillent aujourd’hui magasins, cafés et restaurants. Tout l’espace intérieur fut redéfini de façon à ce que l’intervention s’appuie sur l’existant et qu’elle montre l’expressivité de cette série de voûtes, perspectives et murs de brique ouverts sur la rivière. Ainsi l’intérieur ressemble à un bazar oriental, véhiculant l’impression d’être hors du temps.
Dans un sens, c’est une esthétique de disparition qui a guidé le dessin d’ensemble. Toute la mécanique fut cachée sous le plancher. L’éclairage est indirect, ne touchant ni les murs ni les plafonds. Un minimum de matériaux fut utilisé : plancher pour tous les sols, de la peinture métallique émaillée ou une galvanisation au fluor pour toutes les pièces en métal telles lampes, ceintures, poignées, mains courantes, afin de leur donner un toucher plus doux.
Afin de conserver au bâtiment son unité, le maître d’ouvrage et Mikan sont convenus de règles d’usage pour les locataires, les sociétés devant adapter leurs vitrines, présentations et étalages. Ainsi, même s’il est dédié à un usage commercial, le bâtiment rénové contribue à mettre en valeur le passé de Tôkyô tout en véhiculant l’impression d’être dans un espace public.
Enfin il y avait le second étage avec l’idée “folle” de bâtir un café et un observatoire sur les anciennes plateformes abandonnées entre les rails. Ce long et fin bâtiment est composé de rubans d’aluminium, ce qui forme la base du mur, rappel des trains tout en protégeant les personnes et les tables. Un autre ruban, cette fois-ci fait de verre, libre de tous meneaux, permet une vue complète sur les trains passants et sur la ville électrique d’Akihabara.
Un plafond plat fait d’aluminium poli reflète gentiment la lumière et part ses vibrations aide le café à se confondre dans l’entrain de la ville. Finalement l’architecture devient fantomatique, éventuellement laissant les clients devenir spectateurs de la scène théâtrale urbaine des lumières et des trains traversant le lieu à vive allure.
L’ancien bâtiment industriel abandonné, autrefois considéré comme un vestige inutile, a créé le nouveau paradigme d’un lieu populaire urbain et public mixant l’histoire et le présent avec des activités commerciales attractives. Le lieu est aujourd’hui nommé ‘mAAch ecute Manseibashi’.
Traduction : A.L.