Le lycée Simone Weil de Conflans-Sainte-Honorine (78) est composé de trois entités différentes : les pavillons d’enseignement général et technique et les ateliers. Chacun avait son caractère propre et les élèves se tournaient le dos. Jean-Philippe Pargade a lui puisé dans cette diversité et la richesse des fonctions du lycée pour une rénovation/réunification réussie.
“Aujourd’hui, on a un lycée qui ressemble à quelque chose.” Madame Lahaye, proviseure du lycée Simone Weil, ne cache pas son enthousiasme. Avant ? L’établissement, construit en frange du faubourg pavillonnaire de la Ville de Conflans-Sainte-Honorine, en bordure d’une voie ferrée et d’une route nationale, tournait le dos à la ville, était dans un état “lamentable,” “pas digne des élèves, des professeurs” et “n’offrait pas la sérénité nécessaire à l’étude.”
Jean-Philippe Pargade, l’architecte qui a conçu et réalisé la réhabilitation, ne cache pas non plus son bonheur. C’est cet ouvrage qui était sur sa carte de vœux 2007, plus exactement le premier croquis aux crayons et feutres sur calque de sa recomposition en plan (le concours date de 2004, le bâtiment, dont tous les travaux se sont déroulés en site occupé, a été livré en septembre 2006). De fait d’aucuns pourraient décrire la capacité de Jean-Philippe Pargade à rendre à des bâtiments ayant mal vieillis tout leur génie – un travail subtil sur les façades, de nouvelles menuiseries et des bâtiments existant semblent tout juste sortir de terre (lire à ce sujet notre article Une ambassade contemporaine pétrie d’histoire(s)), pourraient également gloser sur la modernité sobre des nouveaux bâtiments – le restaurant, les nouveaux logements de fonction, la loge du gardien -, voire s’attarder sur les détails de circulation – un centre de documentation judicieusement repositionné en centre de gravité de ce lieu d’enseignement par exemple – ou le soin apporté au volet paysager. Mais la réussite réside surtout dans la réconciliation entre deux entités qui se tournaient le dos, une volonté de l’architecte qui aura guidé toute son action.
“Du fait de son histoire – un lycée d’enseignement général tournant (littéralement. NdR) le dos à un lycée d’enseignement technique -, le lycée Simone Weil vivait une situation presque schizophrénique dans son impossibilité de faire coïncider sa double personnalité,” explique Jean-Philippe Pargade. “Les bâtiments construits à différentes époques étaient disposés sans lien entre eux ni avec l’existant, privilégiant ainsi la juxtaposition, le collage, à la hiérarchie d’une organisation fonctionnelle. Les nombreux accès du lycée (six, pas moins) se faisaient par des voies périphériques en cul de sac qui contournaient la Ville,” dit-il. De façon à désenclaver le site, il a donc commencé par ouvrir une voie publique piétonne assurant la liaison et le maillage entre des rues opposées, une disposition qui a permis de créer un lien symbolique plus direct entre l’équipement scolaire et la Ville, de transformer l’espace extérieur du lycée rattaché à la périphérie en espace vert tampon réservé aux activités sportives de la commune, permis encore que les façades tournent désormais le dos aux nuisances sonores de la nationale et de la voie ferrée et, surtout, de créer une entrée unique pour tous les élèves. “L’espace intérieur du lycée, autour des grands chênes existants, orienté au sud et protégé des vents dominants, est devenu le lieu central, fédérateur de toute la vie de l’établissement,” explique l’architecte.
Ce lieu central, devenu l’espace de récréation autour duquel se répartissent différents pavillons – préau, restaurant, foyer des élèves, halls d’accueil des bâtiments d’enseignement général (A) et technique (B), salle polyvalente, loge de gardien – a “façonné” l’architecture. C’est d’ailleurs à lui que la proviseure pense en premier quand on lui demande ce qui a changé. “Le point fort est la cour centrale et l’entrée unique; des gens aiment le parti architectural, d’autres pas et on continue d’avoir deux modes de fonctionnement mais les élèves font désormais beaucoup moins la différence entre les uns et les autres,” explique Madame Lahaye, visiblement ravie de la trouvaille. Retrouver l’unité entre les deux établissements est exactement ce qu’avait espéré l’architecte.
Ce principe fondamental acquis, l’extension du bâtiment B a refermé cet espace central et créé, avec la réalisation d’un préau à l’ouest, un effet de cloître autour de la cour distribuant les trois entités fonctionnelles du lycée : le pavillon (A), le restaurant – foyer et les salles d’enseignement de technologie (B) et les ateliers (C) (ce bâtiment, en bon état, n’a pas été transformé).
Restait, s’il est permis de l’écrire ainsi, à reconstruire (sous forme de maisons individuelles groupées) les logements (isolés du reste de l’établissement par un espace vert tampon) en continuité des parcelles pavillonnaires, à aménager un parvis mettant en sécurité les élèves lors des entrées et sorties du lycée, à rendre indépendante du lycée une salle polyvalente et gérer les autres accès (de service, parking du personnel, accès privatif aux logements). Une clôture générale d’enceinte en métal ajouré assure la protection des installations en laissant (très) peu d’espace d’expression aux tagueurs.
La volonté de créer une unité dans le fonctionnement général de l’établissement se retrouve sans surprise dans les nouveaux aménagements intérieurs. “Nous avons regroupé les secteurs spécialisés auparavant dispersés dans tous les bâtiments, en pôles d’activités répartis par bâtiment. Ensuite, nous avons créé une structure de liaison continue qui relie ces ‘pavillons’. Ces cheminements que nous avons voulu clairs et lisibles sont un point de repère de l’établissement, des lieux propices à la communication, à l’échange et à la convivialité,” explique Jean-Philippe Pargade. Là encore, Madame Lahaye confirme que l’architecte a atteint son but. “En terme de gestion des flux, les élèves de l’enseignement technique communiquent désormais avec ceux de l’enseignement général au lieu de se réfugier dans les sous-bois et le contrôle des entrées et sorties de tous est parfaitement fonctionnel,” dit-elle.
L’impact de la rénovation fut immédiat. Madame Lahaye a d’ores et déjà noté moins “d’incidents de vie scolaire” et, surtout, dès la rentrée 2006, “pour la première fois depuis longtemps” dans ce lycée qui avait mauvaise réputation, toutes les places disponibles ont été prises “dès le premier tour“. “La rénovation va participer de la revalorisation de ces filières,” assure-t-elle.
Cerise sur le gâteau, l’architecte s’est attaché à limiter au maximum l’entretien. Ainsi les aménagements proposés limitent considérablement les surfaces d’herbe à tondre par le lycée comme les surfaces de feuillage à ratisser. Sans compter que désormais “chacun est plus sensible aux quelques dégradations qui peuvent apparaître et que l’on a plus à cœur de nettoyer,” précise la proviseure. Ce qui n’a pas empêché Jean-Philippe Pargade de s’étonner lors de la visite de la découverte d’un petit graffiti. “J’ai fait un effort particulier en terme de revêtement justement pour les éviter,” dit-il. De fait, ce seul graffiti était littéralement gravé dans le béton brut. Il faut le vouloir.
Ceci dit, les élèves semblent apprécier le nouveau lycée. “Il est beau,” dit l’un, à court de mot pour expliquer ce qu’il ressent. “Mais ça manque de filles,” reprend son copain. Pour le coup, l’architecte n’y pouvait rien.
Christophe Leray
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 21 mars 2007