
Une démarche HQE sensible et audacieuse, un usage du bois pertinent et valorisant, une fontaine intérieure alimentée par l’eau de pluie, grande terrasse et volière-jardin, font partie des nombreuses qualités de cette extension contemporaine d’une maison en meulière, « plongée dans les arbres », réalisée par l’agence Coste-Orbach dans les Hauts-de-Seine (92).
Présentation d’Isabelle Coste et David Orbach (Issy-les-Moulineaux, 92)
« Il s’agit d’un vieux projet puisque le premier permis de construire avait plus de… trente ans (rires). Nous avons présenté au maître d’ouvrage plusieurs projets et après moult discussions, c’est celui qui a été construit qui a été choisi. L’objectif était de transformer une maison du début du XXe siècle en meulière dans un quartier résidentiel à la limite de l’urbain et du pavillonnaire à Issy-les-Moulineaux (92), en région parisienne, en trois appartements autonomes. Pour cette vaste extension, notre compétence d’architecte nous a permis une utilisation maximale du plan d’occupation des sols (P.O.S.) pour offrir au final des appartements d’une surface de 90 m² tout en proposant une grande terrasse et un jardin. En clair nous avons proposé un petit collectif mais avec tous les avantages d’une maison.
La volonté initiale de réaliser ici un ouvrage exemplaire en Haute Qualité Environnementale (H.Q.E.) vient de nous ; le maître d’ouvrage ayant imaginé au départ un ouvrage en béton, comme d’habitude. Comme je (David Orbach) suis également ingénieur bois, nos clients ont finalement accepté de nous faire confiance. Nous avions également expliqué que ce système constructif, avec tous les murs périphériques en bois, permet de gagner beaucoup d’espace – des murs de 17 cm contre 32 cm pour le béton – tout en obtenant au final une bien meilleure isolation. Quand cette volonté d’utiliser le bois a emporté l’adhésion, nous ne nous sommes pas privés et nous en avons mis partout (rires). L’architecte conseil de la commune, à qui nous avons présenté deux fois le projet, s’y est montré très favorable. De fait, il n’y a eu aucune réaction négative dans le quartier. Au contraire, nous avons été contactés pour concevoir une autre extension un peu plus loin dans la rue.

Cette volonté HQE se traduit notamment dans l’orientation et les énergies choisies. Afin d’utiliser au maximum la lumière du jour qui est la plus belle qui soit (et la moins chère), les ouvertures sont réalisées sur trois faces : nord, est, ouest. L’édifice n’a pas d’orientation au sud ce qui a permit d’ouvrir de grands vitrages pour bénéficier du maximum d’apport de la lumière naturelle (éclairage et chauffage) sans être gêné par l’éblouissement des rayons de soleil directs et sa surchauffe excessive. Des stores ont été installés pour le confort d’été.
L’énergie utilisée est le chauffage au bois pour les pièces principales complémenté par une chaudière gaz. Au quotidien, un logement jette beaucoup de papiers et de cartons. Plutôt que de les jeter dans une poubelle, même ‘verte,’ pour être de nouveau transportés et recyclés, ils sont donc directement utilisés comme énergie de chauffage. La production d’énergie représente donc un coût nul pour l’utilisateur. Des bûches de bois sont également utilisées en complément. L’eau de pluie est, elle aussi, récupérée selon un volume d’environ 55m3 annuel en prévisionnel.

Le chantier n’a pas présenté de difficultés particulières. Les matériaux de construction transportés déjà presque finis ont limités sensiblement les emballages. Par ailleurs une gestion par tri sélectif des déchets a été effectuée sur le chantier. De plus, les murs sont en ossatures bois et ont été réalisés en atelier. La filière de construction est donc ‘sèche’ : les opérations sur le chantier ne sont que des assemblages ne consommant pas d’eau et donc ne polluant pas par des écoulements accidentels d’eaux salies. Ce système constructif permet également d’éviter les nuisances sonores. Il faut aussi préciser que nous avons travaillé avec des entreprises qui maîtrisaient parfaitement leur domaine.
De fait avec une bonne entreprise on obtient toujours des résultats supérieurs à ce qui avait été anticipé. Ainsi, il a fallu innover pour réaliser les stries de la façade. Si le plan d’exécution a été réalisé sur ordinateur, l’entreprise a dû pour les mettre en œuvre utiliser un grand compas sur le matériau à plat, comme les charpentiers du Moyen-âge (rires). D’ailleurs l’entreprise s’est amusée – nous ne l’avions pas demandé – à réaliser des stries sur les plafonds intérieurs et, comble de l’intérêt que les ouvriers portaient à ce chantier, elle a fait coïncider les stries intérieures avec celle de l’extérieur, dont la plus grande fait huit mètres de diamètre.
Concernant l’eau de pluie, nous savions qu’il y avait une ancienne fosse sceptique enterrée dans le jardin que nous avons décidé d’utiliser pour recueillir les eaux pluviales. Mais nous trouvions un peu triste que cela ne se voit pas. Or l’esprit du lieu était d’être en accord avec les éléments naturels. D’où l’idée de faire rentrer les eaux pluviales à l’intérieur du salon en s’écoulant dans une fontaine. Quand il pleut, la fontaine fonctionne. C’est parfois impressionnant, on comprend parfaitement ainsi la violence d’un orage quand on voit la quantité d’eau qui s’écoule. Nous avons installé la fontaine près de la cheminée pour marier ainsi l’eau et le feu.

Nous avions pris le parti de bâtir l’extension sur pilotis afin de créer un jardin dans l’espace ainsi conçu. Nous avons fermé l’espace avec un filet fin, installé un arrosage automatique et planté des plantes d’ombre. Nous allons bientôt y mettre des oiseaux et transformer cet étonnant jardin en grande volière. Ce n’était pas du tout prévu au départ mais bientôt les habitants pourront traverser cette volière-jardin pour entrer chez eux.
Nous pensons qu’un bâtiment est un organisme vivant, ce qui rend indispensable à nos yeux la fluidité d’un projet. En l’occurrence, nous rajoutons des strates car les gens veulent vivre dans de l’ancien tout en intervenant sur l’objet afin de le rendre conforme à leurs attentes actuelles. C’est ce qui fait au final la richesse d’un projet. Aussi nous avons installé dans le jardin des projecteurs pour faire ressortir l’extension, construite en proue de navire entre deux rues. Cette illumination en fait une lanterne chaleureuse dans un quartier un peu tristounet ».
Propos recueillis par Christophe Leray

Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 30 mai 2007