La proposition Lieux infinis, de l’équipe Encore Heureux (Nicola Delon, Julien Choppin et Sébastien Eymard), met en valeur pour le pavillon français des lieux produits de manière originale et inventive générant des processus architecturaux de qualité. Communiqué.
Prêtant attention à l’ensemble du territoire, le projet valorise des initiatives de la société civile et des collectivités qui incarnent une certaine liberté d’expérimentation dans l’esprit du «Permis de faire» et les possibilités offertes par l’architecture. Par les valeurs de liberté programmatique et de générosité qu’elle active, elle répond pleinement au thème Freespace, choisi par les deux commissaires générales de la 16e édition de la Biennale internationale d’architecture de Venise, les architectes irlandaises Yvonne Farrell et Shelley McNamara.
Construire des bâtiments ou des lieux ?
«Les lieux infinis sont des lieux pionniers qui explorent et expérimentent des processus collectifs pour habiter le monde et construire des communs. Des lieux ouverts, possibles, non-finis, qui instaurent des espaces de liberté où se cherchent des alternatives. Des lieux difficiles à définir car leur caractère principal est l’ouverture sur l’imprévu pour construire sans fin le possible à venir.
Confrontés aux défis immenses de notre époque où les transitions écologiques peinent face à la domination de l’économie marchande, aux replis identitaires et à l’autoritarisme, il est urgent d’espérer. De s’inspirer d’expériences parfois éphémères mais concrètes et solidaires.
Nous présentons ici un choix subjectif de dix lieux issus de rencontres. Ce ne sont pas des modèles mais des signaux faibles qui ouvrent des perspectives protéiformes et subversives. Ils existent par leur volonté d’expérimenter, presque toujours à partir d’un bâtiment hors d’usage, d’un site délaissé.
L’architecture s’y exprime dans la rencontre entre des qualités spatiales préexistantes et un processus organique de transformation qui n’a de sens que s’il répond aux besoins de tous et aux désirs de ceux qui s’y engagent avec courage et détermination.
Dans cet accompagnement spatial et temporel, l’architecte généraliste se révèle un guide nécessaire, aux frontières de la mission qui lui est traditionnellement attribuée: il ne se limite pas à construire des bâtiments mais cherche également à faire des lieux.
Des infinis de possibles, ici et maintenant».
Les dix lieux présentés
«Le choix de ces dix lieux est issu de rencontres fortes que nous avons faites dans nos vies d’architectes. Ayant parfois contribué à leur existence passée ou future, nous sommes sensibles à ce qu’ils sont et touchés par ceux qui les font vivre. Ils sont de nature et de fonctionnement très divers, étendus sur plusieurs hectares ou circonscrits dans quelques centaines de mètres carrés. Certains existent depuis des décennies, tandis que d’autres sont en devenir.
Chacune de ces histoires démarre par une rencontre entre des individus et un lieu dans lequel est reconnu un potentiel. Quand l’activité a disparu et qu’il ne reste plus que l’édifice vide, celui-ci est alors disponible, au moins pour l’imaginaire. Un poids, parfois, pour certains élus ou propriétaires qui entretiennent malgré eux l’abandon pour n’avoir pas obtenu les moyens des ambitions que ces espaces soulèvent. Mais une chance aussi, pour certains artistes ou visionnaires, qui, s’accommodant de la précarité, osent démarrer des aventures.
Les démarches sont incrémentales et diverses : le squat peut parfois réveiller, l’auto-construction faciliter ou la permanence architecturale préfigurer. Tous cultivent et croient au mélange des genres, des activités et des publics».
Commissaires : Encore Heureux
Nicola Delon, Julien Choppin et Sebastien Eymard
L’hôtel Pasteur (Rennes)
Dans l’imposante ancienne faculté des sciences, un hôtel à projets conçu et construit par la réappropriation collective.
La centaine d’acteurs locaux (sportifs, médecins, artistes, scientifiques, acteurs sociaux, biologistes…) expérimentant successivement la réversibilité de ce bâtiment à partir de leurs besoins spécifiques, a écrit pas à pas le programme inédit d’un lieu d’accueil de potentialités citoyennes.
LE CENTQUATRE (Paris)
Dans d’anciennes pompes funèbres sous verrières, une fabrique culturelle alliant subtilement les temps, les espaces et les désirs de publics hétéroclites.
L’ouverture des halles centrales à des pratiques libres (jongleurs, breakers, comédiens, performeurs…) associée à une programmation artistique exigeante façonne un espace artistique hybride en transformation permanente.
Le Tri postal (Avignon)
Dans l’ancien centre de tri postal jouxtant les remparts historiques, un projet d’hospitalité longue durée.
Un collectif d’aide aux sans-abris œuvre par occupation temporaire à réinventer au jour le jour les possibles d’un centre d’hébergement mixte, alliant logements, ateliers, jardins, cantine, crèche et salle de spectacle, pour parvenir à instaurer le rêve dans la complexité du réel.
Les Grands Voisins (Paris)
Dans l’ancienne maternité d’un grand hôpital, un quartier temporaire s’est déployé profitant d’une vacance d’usage.
Faisant coexister un hébergement d’urgence pour personnes en grande fragilité, des espaces de travail pour jeunes créatifs et de convivialité ouverts à tous, des fêtes, un camping ou des bains chauds urbains, les multiples acteurs de cet assemblage temporaire d’actions sociales, artistiques et économiques, auront questionné par l’action le destin de ce futur écoquartier.
Le 6B (Saint-Denis)
Dans les anciens bureaux brutalistes d’un grand groupe industriel, un îlot de travail associatif sauvé de la démolition.
La quarantaine d’artistes, architectes, musiciens, graphistes ou artisans ayant aménagé ce lieu par occupation temporaire parvient à inventer une généreuse vitalité culturelle et économique, bousculant les temporalités de l’aménagement traditionnel.
La Convention (Auch)
Dans un ancien couvent difficile d’accès en cœur de ville, un habitat partagé et auto-réhabilité.
Face à la perte d’attractivité qui touche les villes moyennes, un groupe d’habitants travaille à façonner au quotidien le collectif à l’épreuve du réel, par l’habitat, le travail, le chantier et la fête.
La Friche La Belle de Mai (Marseille)
Dans les anciennes manufactures de tabac, un quartier culturel urbain pionnier se construit depuis plus de 25 ans.
Le développement d’une densité d’usages et de publics (ateliers, salles de spectacles, bureaux, salles d’expositions, jardins, skatepark, écoles…) est parvenu à générer progressivement un urbanisme par la culture, inventant au fil de l’eau sa gouvernance, ses processus et ses formes.
Les Ateliers Médicis (Clichy-sous-Bois Montfermeil)
Dans un territoire fragile et stigmatisé, un lieu d’accueil artistique préfigure une dynamique culturelle émancipatrice.
Les porteurs de ce grand projet de désenclavement par la culture, initié depuis 2005 par une politique volontariste mais peu probante, mettent en œuvre entretemps un art de la confiance tissé au quotidien à partir d’un bâtiment éphémère.
La ferme du bonheur (Nanterre)
Dans les marges du campus de Paris X, une ferme agricole et artistique cultive une avant-garde fragile et radicale.
Entre un parquet de bal récupéré, le favela-théâtre et une cuisine ouverte aux vents, s’invente un urbanisme vernaculaire mêlant l’odeur des bêtes en transhumance urbaine et la poésie des hommes produisant du miel et des fêtes électroniques, ouvrant à tout un chacun d’autres imaginaires.
La grande halle (Colombelles)
Au milieu des 160 hectares vides laissés par la Société Métallurgique de Normandie, les premiers pas d’un tiers lieu de l’économie circulaire.
Face aux vestiges de l’épopée industrielle caennaise, un groupement d’acteurs locaux entame la reconquête progressive du territoire par la construction d’une cité de chantier préfigurant en actes l’ingéniosité du réemploi territorial.