Dernier événement en date sur la mythique «route des vins» de Bordeaux, mardi 31 mai 2016, la cité des vins a été inaugurée en grande pompe par François Hollande accompagné du «loyal» Alain Juppé. X-Tu Architectes, «canaille» agence parisienne a été choisie pour répondre à la demande de la ville de lui octroyer son bâtiment signal bien «charpenté». Revue de détails.
Le corps général et la «robe» du musée font déjà débat, peut-être sont-ils seulement un peu «verts» dans le paysage. Pourtant, dans la région, les «starchitectes» vendangent déjà depuis 20 ans les «caudalies» architecturales des plus «vieux» crus classés, à l’image des helvètes Herzog et de Meuron, du parisien Jean-Michel Wilmotte ou du sarladais Jean Nouvel. Pour l’occasion, ouverture d’un «mathusalem» aux effluves «balsamiques» et «empyreumatiques» que la cité des vins aura eu le bon goût de «carafer».
L’architecture est aux fûts ce que sont les bouteilles pour le précieux breuvage, un solide écrin. Mais pas que. La guerre à laquelle se livrent domaines et autres châteaux n’est pas qu’esthétique. Au travers de constructions taillées au format «melchior», les maisons témoignent de leurs soucis d’adapter leurs productions aux nouvelles méthodes de vinification. Les vignerons s’adonnent désormais à la «vinification parcellaire», usant des cuves de tailles variées selon les parcelles de vignes, découpées en fonction des caractéristiques du sol ou l’âge des vignes. Merci aux Asiatiques et autres Américains de toujours importer cette production, ce qui permet ces investissements colossaux, soutenus bien sûr par des subventions étatiques et européennes. La cité des vins semble d’ailleurs compter plus sur les touristes «du monde», que sur les autochtones.
De fait, l’enjeu économique est grand comme un «nabuchodonosor». Avec le concours des architectes stars de la planète, désireux eux aussi d’entrer en concurrence au milieu des vignes à l’image de Jean Nouvel voulant se mesurer à Christian de Portzamparc, la folie des grandeurs des vignobles bordelais se mesure aussi à l’architecture de leurs chais.
«Chai du Château Cheval blanc : l’élégant», Christian de Portzamparc, Saint-Emilion, 2011
En 2011, Christian de Portzamparc a livré le nouveau chai de 5250m² du Château Cheval Blanc, propriété de Bernard Arnault et du Baron Albert Frère. Conçue en béton, la construction fait aussi office de promontoire pour admirer le vignoble. Tout dans le dessin du bâtiment rappelle la perfection du processus de fabrication du premier grand cru classé A de l’appellation, de la géométrie, à la lumière en passant par les matériaux. 52 cuves de plusieurs dimensions optimisent, comme un verre de dégustation, «l’oxygénation» du breuvage. La modernité de cette architecture «équilibrée» enrichit les vins racés du domaine, et réciproquement.
Le «Chai-Cathédrale» du château Faugères de Mario Botta, Saint-Emilion, 2011
A quelques parcelles du Cheval Blanc, Silvio Denz, qui a racheté le Château Faugères en 2005, a quant à lui fait appel au Suisse Mario Botta, livrant un bâtiment «franc» tout en lumière et en gravité, dans le plus grand respect de l’élixir ici concocté. Le chai s’intègre dans le paysage par la pureté et le classicisme des lignes. «J’ai imaginé un socle de pierre partiellement enterré, doté des espaces nécessaires à la production et à la conservation des barriques pour le vieillissement. Un seul élément architectural saillant se dresse au centre du bâtiment : une petite tour pour l’accueil du public et les activités de dégustation. En hauteur, une vaste terrasse couverte s’ouvre sur le paysage», expliquait alors Mario Botta lors de son inauguration. Moins onirique, le nouveau chai obéit aux recherches permanentes sur la qualité des vins, à tous les stades de la production par l’utilisation des technologies les plus en pointe.
«Un chai d’oeuvre au Château La Dominique», Jean-Nouvel, Saint-Emilion, 2014
C’est avec une sensibilité de voisin que le sarladais Jean Nouvel a élaboré le «nerveux» chai du Château La Dominique, pour abriter les barriques de l’autre grand cru classé girondin. L’édifice s’inspire des sculptures d’Anish Kapoor et contraste avec les autres architectures classiques du domaine. Clément Fayat, l’entrepreneur et propriétaire, a mandaté l’architecte autant pour des raisons techniques qu’architecturales. Le volume général semble tirer un trait horizontal au milieu des cépages.
Jean Nouvel a imaginé un bâtiment aux volumes purs, prenant appui sur le bâti en pierre de taille et s’élançant d’un trait horizontal dans le vignoble. Il se pare d’une «robe» en lame d’inox rouge de plusieurs nuances, rappelant celle du vin. La façade Nord est transparente. Le grand miroir découvre à la nuit tombée la nouvelle cuverie. La terrasse offre un belvédère de choix sur la région.
«Dialogue entre séveux et minéral au Château Pédesclaux», Wilmotte&Associés, Pauillac, 2015
L’agence parisienne Wilmotte&Associés a élaboré un chai «distingué» tout en transparence, aux lignes pures dialoguant tant avec les vignes qu’avec l’environnement minéral de Pauillac. Le dénivelé du coteau a permis de déterminer la taille du bâtiment, voisin de constructions existantes. Le cuvier met en scène le processus de production du vin, tandis que le chai semi-enterré couve les fûts. Le château, sur lequel deux volumes vitrés ont été greffés, entre également dans l’ère de la modernité. L’aménagement paysager est très simple mais séquentiel. Il permet d’offrir aux visiteurs des cadrages, des vues multiples qui mettent en valeur le territoire de Pauillac et de Pédesclaux.
«De l’importance du jour et de la nuit au Chai Ballande», Baggio-Piéchaud, Médoc, 2014
Dans cette course effrénée au bâtiment signal, le médoc n’est pas en reste. Cet édifice a été dessiné par une agence qui sent le terroir. L’agence bordelaise Baggio-Piéchaud propose un bâtiment «aimable» résolument contemporain, élégant et sobre, dévoué au stockage des vins les plus fins du groupe Ballande. Le projet cherche à s’intégrer au paysage boisé de la forêt de pins, situé en bordure de la route du Médoc.
Tel un coffre-fort, il intrigue par sa seule présence, vaste volume de béton blanc se laissant voir à travers les pins. De nuit, un jeu d’éclairage souligne ses caractéristiques et sa matérialité, multitude de points lumineux émergeant des brumes médocaines.
«Le Château Barde-Haut : le bien vieilli», Saint-Emilion, Nadau-Lavergne, 2010
L’agence Nadau-Lavergne s’est fait connaître avec cette réalisation, pour laquelle elle a été nominée au prix de la première œuvre du Moniteur 2010. Les architectes «bourrus» ont préféré réhabiliter l’ancien chai en moellons, de façon à composer avec le territoire et de lui ajouter ensuite une extension en Corten.
«Ce travail de mise en exergue de l’existant nous a permis de proposer un aspect plus contemporain pour les nouveaux volumes réservés aux cuviers et aux ateliers»*, se félicitaient alors les jeunes architectes. Les feuilles d’acier qui recouvre l’extension se «bonifient» même avec le temps, à l’image des crus locaux. A l’origine noir et «austère» comme le raisin, le bâtiment est aujourd’hui couleur rouille. Pour donner à voir, depuis l’extérieur, le processus de fabrication du vin, la façade ouest du volume est percée d’une large baie vitrée.
Léa Muller
* cités par Emmanuelle Borne