Dans le pays où je suis né, le concept de banlieue n’existe pas. La «banlieue», telle qu’on la connaît en France, fait entièrement partie des villes et mégalopoles. Les barres d’immeubles grises croisent régulièrement les luxueux gratte-ciel d’une nouveauté tout à fait occidentale.
La faute au temps, à l’argent, à l’uniformité. A la chute du communisme aussi (surtout ?). Les quartiers ouvriers où les travailleurs «vivaient heureux et confiants dans l’idéal socialiste» sont transformés en cités-dortoirs à la fois crasseuses et fascinantes, ignobles et magnifiques dans leur tristesse. Je suis né dans l’une de ces barres grises (beiges ?), où les «barreaux grimpent au deuxième étage», comme le chante Iam dans Demain c’est loin. A l’est, du nouveau ?
Des types atypiques, au taquet, se piquent,
A la lueur du briquet.
Ces barres grises où ça pue la crise,
Où tu peux glisser sur de véritables pistes de pisse.
Où une seringue sale, plantée dans une cuisse,
Finit saillante sur une des innombrables marches de l’escalier.
Où ton voisin de palier
Bat son chien tous les soirs (ou sa femme, ça dépend des soirs),
Et où la vodka remplace la parka, dans tous les cas.
Qu’il fasse froid ou pluvieux,
Jeunes et vieux gravitent dehors
Avec, dans le corps, des produits douteux.
Ça ne leur coûte (heu …)
Presque rien.
Et en bas des barres lugubres, ils se mettent bien.
Vauriens ?
Plutôt victimes de la team de ce cher Nikita (Khrouchtchev NDLR)
Qui voulait remettre le pays en état,
Après les pertes colossales d’une guerre qui, aujourd’hui encore,
Salement colle au corps.
Il a réussi son coup, mais du coup,
Un demi-siècle plus tard, c’est le contrecoup (oui, oui, il y a trois fois «coup» …).
Partout dans Moscou,
Rostov ou Pétersbourg (autrefois Leningrad NDLR),
Des mecs assis sur des bancs publics se bourrent.
Leur clique ? D’autres bourrés, d’autres tarés.
Ils marchent oblique et les flics n’ont pas fini de redémarrer.
Les Tadjiks vivent à dix, dans dix mètres carrés.
Ils sont barrés.
Je me remémore ces glauques «Ladas»
Garées en bas de chez ma babouchka. I
Ils avaient des pouchkas et des survêtements «Adidouchka» (Je n’ai pas les droits pour citer la marque dont je parle NDLA…).
C’était un empilement de blocs de béton.
Mais il y avait dans toute cette absurdité,
Une forme de beauté.
Toute cette droiture, ces jointures, ces murs, ces côtés.
Je n’aime pas radoter,
Mais je pense qu’en un sens, les hommes ont ce qu’ils ont mérité.
Ce n’est que ma vérité.
C’était un empilement de blocs de béton.
Mais il y avait dans toute cette absurdité,
Une forme de beauté.
Toute cette droiture, ces jointures, ces murs, ces côtés.
Je n’aime pas radoter,
Mais je pense qu’en un sens, les hommes ont ce qu’ils ont mérité.
Ce n’est que ma vérité.
Kyrill Kotikov