Les objectifs affichés par le gouvernement – «construire plus, mieux et moins cher» – ne se retrouvent pas dans le projet de loi. Les notions de «qualité architecturale» et les enjeux économiques et écologiques qui lui sont liés sont également absents. C’est en tout cas le constat du CROAIF (Conseil régional de l’ordre des architectes – Ile de France).
1) Constats
Les objectifs annoncés initialement par le gouvernement, partagés par le CROAIF, sont insuffisamment présents, à commencer par la mobilisation du foncier, la revitalisation des centres villes moyennes et la réhabilitation ainsi que la contractualisation vertueuse pour toute opération de logements. En l’état le projet de loi risque d’entraîner une production architecturale au rabais et précarisée.
Nous alertons le gouvernement sur la nécessité d’éviter cette dérive qui aboutit à la production de logements standards type grands ensembles rapidement dégradés. Il ne faut pas refaire les erreurs des années 1960 ! Pour rappel, les milliards d’euros d’argent public investis dans le renouvellement urbain et la rénovation des quartiers pèsent lourd sur la dette publique (politiques de la Ville, ANRU, ANAH).
2) Analyse du projet de loi
L’Etat se désengage sur la qualité architecturale et urbaine avec le rétrécissement de la loi MOP, qui ne s’appliquerait plus aux ouvrages de bâtiment dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le concessionnaire d’une opération d’aménagement qui a été concédée par l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics (ex : OIN, ZAC, ZAE…) [Titre 1er – Chapitre 1 – Article 2 / Article 4 III], ainsi qu’aux bailleurs sociaux (notamment avec l’élargissement de la conception/réalisation et la suppression du concours) [Titre 2 – Chapitre 2 – Article 28].
Pour rappel, l’esprit de la loi MOP est d’améliorer la qualité des constructions publiques en règlementant les relations entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’oeuvre, sur le critère de l’intérêt général.
De la même manière, en l’état actuel la création des GOU (Grandes Opérations d’Urbanisme) [Titre 1 – Chapitre 1 – Article 2-1] laisse la possibilité d’assurer en interne la MOA / MOE, l’instruction des autorisations d’urbanisme et de faire des dérogations tout-azimut.
Ces évolutions comportent des risques en matière de gestion des fonds publics, transparence des procédures d’aménagement et en termes de qualité architecturale, avec des conséquences sociétales et économiques potentiellement lourdes.
Par ailleurs, le projet de loi menace également les enjeux économiques et écologiques de la filière Construction & Bâtiment. Sous couvert de simplification de l’acte de construire, la définition de la préfabrication se limite à l’industrialisation [Titre 1er – Chapitre 5 – Article 18 I&II], en contradiction avec les objectifs climatiques liés à la construction durable (les filières courtes / sèches sont absentes de la loi). En outre, cette prise de position sur la préfabrication est en faveur de la passation des marchés de travaux en TCE, donc pour les Entreprises Générales. Les conséquences sont prévisibles : baisse des commandes, disparition des PME, précarisation et chômage.
Enfin, le projet de loi menace la qualité patrimoniale, avec l’affaiblissement de l’assujettissement de l’avis conforme des ABF (pour les immeubles déclarés insalubres) avec un risque de démolition du patrimoine en centre-bourg [Titre 1er – Chapitre 4 – Article 12].